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Fair Play ne craint pas de faire mauvais genre

Fair play de Zoel Aeschbacher, 17m, France, Suisse

Un récit en trois pans interrogeant la société de la performance. Zoel Aeschbacher ne fait pas dans la dentelle avec Fair-Play, un film à l’ambiance tendue d’un jeu de massacre d’une incroyable efficacité. Dans un montage alterné, il raconte le dangereux défi d’un adolescent avec la pointe d’un couteau, relayé en direct sur le net, un concours de chaises musicales dans un séminaire d’entreprise et un reality show dont le vainqueur repart avec une voiture à la clé. Les trois histoires évoquent avec cynisme les injonctions permanentes à la compétition dans une vision cruelle, désenchantée et délibérément drôle d’aspirations à la célébrité ou à la réussite pathétiques.

Quelle est la genèse de ce film ?

Je voulais depuis très longtemps faire une sorte de triptyque avec plusieurs sketchs. J’ai trouvé une forme un peu originale, sans m’axer sur un seul personnage. Dans les courts métrages, je suis souvent assez frustré parce qu’on s’embarque dans une aventure avec un personnage pendant vingt minutes. Et le film s’arrête sans que j’aie le temps de m’identifier au personnage. Je voulais davantage traiter d’une thématique et celle de la compétition est assez universelle. Nous y sommes confrontés tous les jours. On doit noter des chauffeurs, des livreurs, une trottinette. Mes neveux et mes nièces me parlent du nombre de vues qu’ils ont fait. Il y a quelque chose de permanent et de banalisé. Je fais partie de ce système. Quand j’essaie de trouver des financements, je suis en compétition face d’autres projets. Pendant mes études, j’ai travaillé dans un hypermarché au tout début des caisses électroniques. Dans une espèce de jeu concours, un manager nous incitait à scanner le plus de produits possible ou à prendre le plus de clients possible. Le lauréat gagnait par exemple des places gratuites pour aller voir Dany Boon. Tout le monde se prêtait à ce jeu. On trouvait notre compagnie cool, alors qu’en fait, c’était une forme d’hypocrisie pour nous tester et nous mettre en concurrence avec les caisses électroniques et voir si elles étaient plus rentables. Les caisses électroniques ne paient pas de cotisations sociales.

Pourquoi votre film lorgne-t-il du côté du cinéma de genre? 

Le cinéma de genre m’a donné envie de faire du cinéma. J’aime concevoir chaque film très différemment. Le premier était un drame social. Avec Fair Play, je m’approche du thriller social même s’il ne l’est pas complètement. Je voulais le voir comme un album de jazz. J’envisage le prochain comme un album de rap. Je voulais explorer un style et un univers visuel, sonore et trouver une belle pochette pour ce projet de film. 

Dans l’un des pans du film, un jeu de téléréalité ressemble à celui du roman de Joseph Incardona les Corps solides où des candidats doivent toucher une voiture avec une partie de leur corps jusqu’à l’épuisement. Le dernier en lice repartant avec la voiture…

Je ne connais pas ce livre mais j’aime ce genre de synopsis. Il y a quelque chose d’assez cynique à faire jouer des adultes à des jeux d’enfants. Mais j’ai trouvé ce jeu sur internet. Je traîne beaucoup sur Youtube au point de m’y perdre. Youtube est ma bibliothèque. Je suis tombé sur un jeu il y a quelques années, Kiss the Mustang où chez un concessionnaire, des gens sont accrochés comme des moules sur la voiture. Le dernier concurrent à conserver la bouche collée à la voiture repart avec. Je n’ai donc rien inventé. C’est pour dire à quel point la réalité dépasse la fiction.