France
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Faire taire Hanouna, c’est possible, mais...

Cyril Hanouna semble intouchable. Sur le plateau de Touche pas à mon poste ! (TPMP), il enchaîne les sorties problématiques depuis près d’une décennie, ne reculant devant rien pour assurer le spectacle et, surtout, pour garantir les intérêts de son patron, Vincent Bolloré. En témoignent ces injures proférées le 10 novembre à l’encontre du député FI Louis Boyard, qui avait osé critiquer le milliardaire. « TPMP et Hanouna ne sont que le bout de la lorgnette. Bolloré souhaite acquérir un maximum de vecteurs d’information et de culture, en vue d’instaurer une hégémonie réactionnaire d’extrême droite », explique Arié Alimi, avocat du jeune député, qui a porté plainte contre Hanouna. Avec Canal Plus, le milliardaire dispose déjà d’un outil de création culturelle. Europe 1 et CNews lui servent à contrôler l’information. « Sur C8, TPMP est le fer de lance de ce combat idéologique », complète Arié Alimi.

Mais alors, comment lutter face à la toute-puissance de Bolloré, qui acquiert des médias à la chaîne pour y servir la soupe à l’extrême droite ? Et comment stopper Hanouna, son défenseur le plus fidèle ? Pour l’heure, seule une institution en a le pouvoir : l’Arcom. Issue de la fusion entre le CSA et l’Hadopi, l’Arcom est l’autorité publique indépendante qui régule l’audiovisuel en France. C’est elle qui attribue les différents canaux de la TNT et peut aussi décider de rompre ou de ne pas renouveler la convention qui autorise les chaînes à émettre. En plus de la loi, C8 doit donc respecter certaines obligations déontologiques, fixées par l’Arcom. La chaîne est ainsi tenue d’ « assurer le pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion », « ne pas encourager des comportements discriminatoires » ou encore « faire preuve de retenue dans la diffusion d’images ou de témoignages susceptibles d’humilier les personnes ». Autant de principes qui semblent régulièrement, et allègrement, bafoués par TPMP.

lutter contre L’instrumentalisation faite par vincent Bolloré 

Pourquoi, alors, l’Arcom n’a-t-elle pas encore suspendu la diffusion de l’émission ou même résilié la convention de C8, comme elle en a le pouvoir ? « Prévenir avant de sanctionner, telle est la mission de l’Arcom », écrit l’institution sur son site. Après avoir examiné les signalements reçus, l’Arcom peut envoyer un rappel à la réglementation, une mise en garde ou une mise en demeure aux chaînes incriminées. Si, et seulement si, une chaîne commet de nouveau une infraction pour laquelle elle a déjà été mise en demeure, l’Arcom fait appel à un rapporteur indépendant qui peut proposer une sanction. Par le passé, TPMP a fait l’objet de trois condamnations financières, bien vaines face à la puissance financière de Bolloré. « Pour être efficaces, ces procédures doivent être accélérées », préconise David Assouline, sénateur PS et vice-président de la commission de la Culture. Il poursuit : « À défaut, et devant les débordements quasi systématiques de ce talk-show vulgaire, il faut se poser la question de ne pas renouveler la convention de C8, lorsque celle qui court arrivera à expiration. »

En principe, faire taire Hanouna est donc possible et pourrait se justifier par les règles qui régissent l’audiovisuel français. Mais le risque est que l’animateur et son patron finissent par se présenter en victimes. « Il y a déjà tout un récit victimaire sur les chaînes de Bolloré, qui s’appuie sur le “on ne peut plus rien dire” », constate l’eurodéputé EELV David Cormand. « Toute société a ses règles et, pour assouvir la nécessité d’un débat démocratique apaisé, il faut les appliquer coûte que coûte. » À défaut d’une décision radicale de l’Arcom, d’autres leviers existent pour lutter contre le discours propagé par TPMP. À l’image de l’action des Sleeping Giants, collectif citoyen qui interpelle et incite les annonceurs de l’émission à cesser de la financer, pour lutter contre « l’instrumentalisation politique qui en est faite par Bolloré ». Ou du procès intenté à Hanouna par Louis Boyard. Lorsque les frasques de l’animateur dépassent le cadre de la loi, il ne faut pas les laisser passer, estime Arié Alimi : « Dans une telle guerre, aucune arme ne doit être mise de côté. »