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Faut-il aller voir « Astérix et Obélix : l’empire du Milieu » ?

Tout le monde en parle, impossible de passer à côté de cette superproduction française, lancée il y a quatre ans, freinée par le Covid et, enfin à l'affiche des salles de cinéma avec pour mission de les remplir, sous peine d'accident industriel. Autant dire que la pression est forte sur cet Astérix et Obélix : l'empire du Milieu réalisé par Guillaume Canet qui doit faire aussi bien sinon mieux que ses aînés, Alain Chabat – sa référence assumée –, Claude Zidi, le tandem Frédéric Forestier/ Thomas Langmann et Laurent Tirard qui ont attiré en tout quelque quarante millions de spectateurs en France.

Évidemment, face à tel enjeu artistique et financier (65 millions d'euros de budget), Guillaume Canet, au bord du vertige, s'est assuré d'abord outre le premier rôle, un gros casting qui ratisse large – son pote Gilles Lellouche, Vincent Cassel, Jonathan Cohen, Marion Cotillard, Pierre Richard, Philippe Katherine, Big Flo et Oli, Angèle, McFly et Carlito, Zlatan Ibrahimovic, Matthieu Chedid. Puis il a mélangé le tout en croyant que tous ces noms, piochés adroitement dans à peu près tous les domaines du divertissement, suffiraient à eux seuls à porter un film qui souffre, hélas, d'un scénario prévisible, servi par des dialogues écrits en pilote automatique.

Pas facile en réalité d'inventer une nouvelle histoire sans avoir pour support la BD originale. Celle-ci est, comme il se doit, toute simple : il s'agit pour nos deux irréductibles Gaulois de sauver la princesse de Chine emprisonnée par un prince félon.

De quoi imaginer des aventures extraordinaires, un brin exotiques. Mais au lieu de nous embarquer dans un récit au souffle épique, de renverser la table dans une comédie délirante, le film enchaîne les saynètes où chacun fait son numéro sans se soucier de l'ensemble. D'où un effet collage dans la mécanique narrative qui tourne vite en rond et manque sérieusement de liant. Par chance, certains s'en sortent, notamment Vincent Cassel dans la peau d'un Jules César démagogue, nonchalant, raide dingue de la Cléopâtre hystérique jouée sans conviction par Marion Cotillard (rendez-nous Monica Bellucci !). On sent qu'il s'amuse et prend la bonne distance avec ce personnage souvent ridicule.

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Astérix, Gaulois limite végan

De son côté, Jonathan Cohen alias Graindemaïs, prend la succession difficile de Numérobis, joué par Jamel Debbouze dans Astérix et Obélix : mission Cléopâtre. Il connaît bien sa partition et joue sur le registre efficace de son personnage « Serge le mytho ». Il est entouré par Ramzy Bedia, alias Épidemaïs, vendeur de Louboutix, qui, lui non plus, n'a pas besoin de forcer son tempérament comique. Affublés de perruques blondes, ces deux commerçants phéniciens, en fuite depuis la Chine qu'ils ont quittée avec la fille de l'Impératrice, la princesse Fu Yi (Julie Chen) et sa garde du corps Tat Han (Leanna Chea), rejoignent la Gaule en char pour demander l'aide d'Astérix et Obélix. Leur mission ? Repartir là-bas pour sauver l'Impératrice et mettre un terme au coup d'État engagé par le félon Deng Tsin Quin (Bun-hay Mean révélé dans le Jamel Comedy Club) et son conseiller, le fourbe Ri Qui Qui (Manu Payet, excellent)

Tous s'agitent et font de leur mieux pour déclencher les rires, l'espace de quelques secondes, à l'instar de José Garcia, plutôt drôle en Biopix – le scribe fan de César – qui n'hésite pas à en rajouter dans le registre « brésiliogallicien » efféminé déjà largement éprouvé en son temps, lors de ses passages dans Nulle part ailleurs. De temps en temps intervient par hasard Pierre Richard (Panoramix), tandis que Jérôme Commandeur tire son épingle du jeu en chef de village opportuniste, sans cesse rabroué par sa femme Bonemine, jouée par Audrey Lamy. Tandis que Philippe Katherine, alias Assurancetourix, joue de la lyre et se prend des coups.

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Quant à l'Astérix de Guillaume Canet, il n'est pas vraiment à l'aise dans le registre doux dingue, invincible du personnage d'Uderzo/Goscinny. C'est un Gaulois limite végan, fleur bleue et qui doute, tandis que l'Obélix de Gilles Lellouche tente d'effacer l'hénaurme Depardieu. Du coup, il n'en fait plus des tonnes, et ne se lèche même plus les doigts après avoir englouti des sangliers. Espiègle et cœur d'artichaut, il continue quand même de distribuer quelques baffes. Pour le reste, on se demande bien pourquoi ces deux-là sont obligés de se chamailler sans arrêt et de tomber amoureux en même temps de la princesse chinoise et de sa garde du corps.

Même si on voyage beaucoup, les extérieurs semblent les mêmes, tout comme les scènes en intérieur. Les décors et les costumes font de l'effet, mais le comique de situation fait du sur-place ou patine. À qui la faute ? À un montage qui joue la frénésie au lieu du rythme, à une réalisation qui manque de cohésion et à pas mal d'effets spéciaux peu innovants et à des scènes déjà vues comme les combats de kung-fu (Karaté Kid, Tigre et dragon) ou les figures imposées des scènes de bataille.

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Alors, à quoi servent les caméos de figurants de luxe comme Big Flo et Oli (dans l'ombre de Ramzy), Angèle, McFly et Carlito, Zlatan Ibrahimovic (dans le rôle d'Antivirus, le guerrier invincible de César) ou Matthieu Chedid ? Ils semblent ne devoir leur présence qu'à des fins dictées par un service marketing, et se retrouvent à jouer les pièces rapportées dans un casting aux couleurs de fête foraine.

Reste la grande question : une succession de gags plus ou moins efficaces suffit-elle à faire une « comédie de l'année » ? Non, cela donne un divertissement honnête. En voulant trop en faire, devant et derrière la caméra, Guillaume Canet s'est un peu loupé. Dommage.