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« Femmes sur fond blanc », de Jean-Noël Orengo : « Paul Gauguin » n’y est pas

L’auteur nomme son protagoniste « Paul Gauguin », artiste occidental fuyant les galeries parisiennes dans la nuit thaïlandaise. Un choix discutable.

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« Femmes sur fond blanc », de Jean-Noël Orengo, Grasset, 416 p., 24 €, numérique 17 €.

Il faut lire Jean-Noël Orengo pour sa capacité flamboyante à déchaîner le langage, au rythme d’un récit qui prône la consumation plutôt que le pourrissement dans le bain consumériste. On peut partager avec lui le constat d’une société occidentale qui se dévitalise en ­déniant à l’art sa dimension festive, au sens ancestral du terme, pour le réduire au divertissement ou à de nouvelles ­formes d’édification morale. Et, puisqu’il est question de fête et donc de dépense, accordons à Femmes sur fond blanc une belle capacité à jouer avec l’argent, par l’intermédiaire de son personnage principal d’artiste occidental fuyant les galeries parisiennes dans la nuit thaïlandaise : ­l’argent et ses puissances glaçantes dans le monde de l’art, l’argent qui brûle les doigts dans le monde des « Ladybars » de Bangkok.

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Mais pourquoi diable avoir voulu faire de ce récit qui mise sur la transgression une « uchronie », engageant le nom d’un garant qui n’y peut mais, enfermé dans les strictes limites d’une maudite « réputation » ? Certes, on comprend l’intérêt pour l’auteur de nommer « Paul Gauguin » son personnage principal dans ce qui demeure une forme d’autoportrait en artiste légendaire « fortifié par la haine des autres » (ainsi que Strindberg le disait du peintre). On voit moins bien l’intérêt que le lecteur peut y trouver quand ce « Paul Gauguin » contemporain n’entretient que des rapports de surface avec le véritable Paul Gauguin, dont on aime les écrits âprement rageurs autant que les toiles.

Nulle trace dans ce roman thaï de la lutte obstinée « pour la libération des arts plastiques » qu’il a menée pied à pied, lui qui aimait tant « parler d’art » dans ses lettres de Hiva Oa. Sur cette île des Marquises, le peintre s’est battu pour que les habitants préservent leur culture de ­l’emprise catholique. Père de famille avant de devenir peintre, il ne cessa, dans les périodes de disette, de s’accrocher à son nom, ­précisément, répétant que ses enfants ­oublieraient les difficultés traversées s’ils héritaient d’un nom glorieux – ce sera Gauguin, comme un sésame : « Mon affaire, c’est l’art, c’est mon capital, c’est l’honneur du nom que je leur ai donné. »

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Il y a une autre forme de contresens lorsque Orengo décline dans la bouche de « Ladybars » ou d’un chauffeur de taxi le titre de la célèbre toile testamentaire de Gauguin, D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? (1897-1898) : là où le « Que sommes-nous ? » de Gauguin abolit toutes les séparations dans une nuit sacrée (que sommes-nous au monde, qui est aussi celui des plantes, des animaux et des esprits ?), il se retrouve ici réduit. A le couper de son œuvre, le nom de Gauguin n’est plus qu’une identité, offerte aux affres de la réputation, et, autant dire, livrée au seul jugement moral que prétendait dénoncer le roman.

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