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Fin de l’isolement des cas de Covid : «Aucun système de substitution de contrôle de l’épidémie n’est mis en place»

Le gouvernement a levé ce mercredi les dernières obligations liées à la pandémie de Covid-19. Fini l’isolement obligatoire, finis les tests pour les cas contact, finies les dérogations pour les arrêts de travail. Un relâchement qui s’opère alors que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) maintient le niveau d’alerte maximal concernant la pandémie. «Ne sous-estimez pas ce virus, il nous a surpris et continuera de nous surprendre et il continuera de tuer, à moins que nous ne fassions plus pour fournir les moyens sanitaires aux personnes qui en ont besoin», tonnait lundi 30 février son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Pour Libération, l’épidémiologiste de l’université de Montpellier Mircea Sofonea juge ainsi que, si les mesures prises par le gouvernement étaient attendues, elles auraient dû être compensées par des mesures pour poursuivre la lutte contre la diffusion du virus et la surveillance de sa circulation.

La levée de l’isolement des personnes positives au Covid-19 signe-t-elle la fin de la lutte contre la maladie ?

Cette décision ne me choque pas en soi. Elle était même attendue. Il y a une fatigue pandémique dans la population et un alignement sur les politiques des pays voisins. Le problème, c’est qu’on ne met pas de substitut derrière pour gérer l’épidémie. Il n’y a pas d’investissement dans la qualité de l’air intérieur, par exemple. Si on ne met plus les moyens pour réduire la mortalité et les morbidités d’une maladie évitable, cela signifie que les décès du Covid et les cas de Covid long sont acceptables. Il faut le dire.

Est-ce que cette décision va réduire votre capacité à suivre la circulation du virus ?

Le nombre de tests va baisser, donc notre échantillon sera plus faible et biaisé. On devra se baser sur les données hospitalières ou celles issues du séquençage pour surveiller l’évolution du virus, mais on aura alors deux à trois semaines de retard sur la circulation réelle du virus. Là encore, en l’absence d’un substitut, le suivi épidémiologique va en pâtir, mais qui veut encore faire ce suivi ?

Le gouvernement insiste sur la nécessité de porter un masque quand on est malade et dit que ces gestes sont intégrés par les Français. Qu’en pensez-vous ?

Je ne crois pas qu’on ait réussi à faire percoler une forme de responsabilité collective au niveau de la santé publique. Je ne sais pas si tout un chacun est prêt, de lui-même à mettre un masque FFP2 dès qu’il a des symptômes ou à réduire ses interactions sociales s’il est cas contact. Je ne vois pas d’intériorisation des bons gestes au niveau populationnel. Et je ne parle même pas de la structuration de notre santé publique. On est dans un moment crucial, un changement de mesure important et symbolique. On aurait pu s’attendre à ce que des leçons soient tirées de la pandémie, mais il y a encore tant à faire. D’ailleurs, je ne sais pas si on serait capable de revenir sur ces décisions si la situation l’exigeait. Sans suivi efficace, sur la base de quel indicateur décider de rendre l’isolement des cas positifs de nouveau obligatoire ? Un peu comme pour le port de masque, je crains que ces décisions soient irréversibles.

Le gouvernement parle d’une situation épidémiologique favorable. On débat souvent sur la notion d’endémie, opposée à celle de pandémie. Quel est votre regard sur l’épidémiologie du Covid ?

Nous ne sommes pas encore dans un régime endémique au sens sanitaire, c’est-à-dire des vagues stéréotypées, dont on peut anticiper la survenue et la taille. Nous ne sommes pas du tout dans ce schéma-là. L’ouverture récente de la Chine fait craindre l’apparition de nouveaux variants à moyen terme. Quand la population chinoise aura acquis une immunité face à omicron, la pression de sélection sur le virus va s’accroître et de nouveaux variants échappant le système immunitaire risquent d’apparaître. Que serons-nous prêts à faire dans ce cas-là ?

On parle beaucoup du Covid long, mais le Sars-Cov-2 entraîne aussi un surrisque de maladies cardiovasculaires. Des études, discutées, montrent même un affaiblissement du système immunitaire. Qu’en pensez-vous ?

D’un point de vue épidémiologique, on sait qu’après des infections de rougeole ou de VRS, on peut avoir d’autres infections respiratoires secondaires. Des éléments sur le Sars-Cov-2 vont dans ce sens, mais cela reste très préliminaire. On pourrait mettre en place une approche épidémiologique sur le sujet en suivant un échantillon aléatoire de la population et en comparant la survenue d’infection chez ceux qui ont un test Covid positif récent. Mais je ne crois pas que ce type d’études soit en cours.

Il y a une tendance à accepter le fardeau des maladies alors même que cette pandémie a démontré que l’on peut agir contre ces infections respiratoires. Les leviers existent comme une meilleure qualité de l’air et le port du masque. J’aurai aimé que cette crise nous amène à nous interroger sur les 10 000 à 15 000 morts de la grippe que l’on accepte chaque année. Mais c’est l’inverse qui s’est produit. On a accepté les morts du Covid, ainsi que les séquelles de ce dernier.