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« Frère et sœur », sur Canal+ : la haine, ligne de front familiale

Arnaud Desplechin explore avec adresse d’indénouables et toxiques liens de parenté entre Melvil Poupaud et Marion Cotillard.

CANAL+ – MARDI 31 JANVIER À 21 H 10 – FILM

La famille, lieu des origines, est aussi la fabrique mythologique par excellence. Du théâtre antique jusqu’à la psychanalyse, la culture occidentale n’a jamais dit autre chose : les humains trébuchent, car ils sont prisonniers de structures qui les dépassent, de lois qui les précèdent, de liens qu’ils ne peuvent pas trancher. Pris dans une famille, l’individu n’est déjà plus exactement lui-même : il se double d’une fonction (père ou mère, frère ou sœur, fils ou fille) et se retrouve par là même engagé dans un destin.

Arnaud Desplechin creuse la veine familiale qui revient dans son œuvre en pointillé, entamée très tôt avec La Vie des morts (1991) et continuée avec Un conte de Noël (2008). Veine qui est celle du récit choral, du retour à la maison (Roubaix, ville natale du cinéaste et son Ithaque de fiction), du brassage des liens filiaux, des rituels, des devoirs et du ressentiment qui gît en dessous.

La famille étant également le lieu des grandes passions, c’est ainsi d’un sentiment démesuré que Frère et sœur retrace la généalogie particulière : la haine franche et sans mélange qui a opposé pendant des années un frère et une sœur, Louis (Melvil Poupaud) et Alice (Marion Cotillard). Lui est écrivain, profondément brisé par la perte d’un enfant, elle comédienne, jouant tous les soirs Les Morts, de James Joyce, sur les planches. Louis a un ami psychiatre, Zwy, interprété par Patrick Timsit.

Deux pôles opposés

La haine a une histoire, généralement embrouillée, car ses causes se perdent dans l’enchaînement de ses péripéties. L’événement qui permet ici d’en reconvoquer les différentes strates est un accident de la route (la scène, superbe et terrible, est une merveille de suspense millimétré), subi par les parents des protagonistes, qui se retrouvent à l’hôpital et à l’article de la mort. Louis et Alice ne peuvent se presser à leur chevet que sous la condition expresse, exigée par l’actrice, de ne surtout pas se retrouver en présence de son frère. Que chacun retrouve les siens, mais seulement dans son coin.

De quoi est fait un lien de parenté ? De quel mystère, de quelle violence ? Frère et sœur se fonde sur une dualité des principes masculin et féminin, ici comme les deux pôles opposés d’une même aventure. Chacun à sa façon, Alice et Louis s’inventent une existence autre que fraternelle. Elle, sur les planches, où les alertes du deuil n’entament rien de sa stature de comédienne. Lui dans la réclusion, vivant en ermite à l’autre bout de la France, dans une campagne toulousaine inaccessible, sauf à dos de cheval. La haine persiste, mais elle n’est peut-être qu’un jeu, une chamaillerie.

Entre eux, la ligne de front est celle que dessine le montage, oscillant majestueusement entre présent et passé, comme une mémoire active, mais aussi entre ces dimensions croisées que sont la vie, la scène, le rêve. Rarement la caméra de Desplechin, d’une formidable mobilité, n’aura œuvré avec autant d’adresse pour prendre la mesure d’une distance.

Frère et sœur, d’Arnaud Desplechin (Fr., 2022, 108 min). Avec Marion Cotillard, Melvil Poupaud, Golshifteh Farahani, Benjamin Siksou, Patrick Timsit.

Mathieu Macheret

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