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Générosité, humour, ouverture d'esprit : Yves Coppens en vidéos et conférences

Yves Coppens est encore parmi nous ! En tout cas, sa présence était quasi palpable, mercredi 25 janvier 2023, lors de l’hommage organisé par le Musée de l’Homme et animé par Sciences et Avenir, dont il fut un fidèle compagnon de route. Des scientifiques, des artistes, une éditrice ont fait rayonner l’œuvre et l’esprit de ce savant humaniste à la générosité rare, dont l’incroyable talent de conteur et les apparitions médiatiques ont peut-être parfois fait oublier ses publications scientifiques multiples et son formidable travail de terrain. Rires, chaleur, émotion et incroyables anecdotes ont ponctué ces deux heures de témoignages. Vous n’avez pas pu vous déplacer pour la table ronde ou n’avez pas pu la suivre en direct ? Pas de souci, vous pouvez la voir ci-dessous.

Guerriers éthiopiens, baptême de puce et poils de Lucy

Raymonde Bonnefille, spécialiste internationale des pollens, a raconté comment il avait brisé la glace avec de farouches guerriers éthiopiens en esquissant des pas de danse, alors que tout le campement de l’Omo redoutait des échauffourées. Le paléoanthropologue Martin Pickford a révélé qu’Yves Coppens avait été jeté en prison au Kenya -possiblement parce qu’il avait refusé de donner ses terrains de fouilles à Richard Leakey- secret qu’il avait promis de garder jusqu’à sa mort. François Rhodain, de l’Institut Pasteur, qui fut à la fois le toubib et l’un des naturalistes des missions africaines à la fin des années 60, a témoigné de son cerveau hors norme et confié qu’il avait donné son nom à une nouvelle espèce de puce. Le préhistorien et géologue François Semah a détaillé combien ce chercheur de terrain incarnait le Musée Laboratoire voulu par Paul Rivet, fondateur du Musée de l’Homme et introduit un témoignage vidéo de son tout dernier doctorant, l’indonésien Sofwane Noerwidi, car le Breton était toujours soucieux de promouvoir et former des élèves venus des pays dont les terrains étaient fouillés. L’éthiopien Zeresenay Alemseged, découvreur de Selam (3,3 millions d’années), l’enfant de Lucy, a ainsi souligné combien il soutenait et mettait ses étudiants étrangers en avant. André Langaney, ancien directeur du laboratoire d’Anthropologie du Musée de l’Homme, spécialiste de l’ADN, a parlé de ses échanges avec cet homme de l’os…et notamment de leurs spéculations sur les poils de Lucy : velue, peau nue, semi pelée ? (pour les passionnés du sujet, il livrera une chronique à ce sujet dans le prochain Siné Mensuel).

Controverses sur l’East side Story et la bipédie de Lucy

Son élève Brigitte Senut, co-découvreuse d’Orrorin tugenensis, le bipède de 6 millions d’années, a témoigné de son incroyable ouverture d’esprit scientifique et raconté comment elle l’avait respectueusement "engueulé" pour avoir abandonné l'entièreté de sa théorie de l’East Side Story, après la découverte de Toumaï, vieux de 7 millions d'années au Tchad, détaillant pourquoi celle-ci reste pertinente sur certains aspects. Christine Tardieu, une littéraire dont il détourna la carrière, a évoqué les tensions avec les Américains : elle et Brigitte Senut avaient démontré très tôt, en étudiant les os post-crâniens, que Lucy était une australopithèque arboricole, ce qui n’était pas du goût des anthropologues et paléoanthropologues Owen Lovejoy et Tim White, qui la voyaient comme notre ancêtre bipède directe. Pour la deuxième génération d’étudiants, Dominique Gommery, paléoprimatologue et paléoanthropologue, a souligné la puissance et la clarté de son livre, Le singe, l’Afrique et l’Homme (Fayard, 1983) qui a suscité bien des vocations et évoqué l’incroyable "école de la liberté de penser " qu’Yves Coppens a instauré. Le spécialiste d’anthropologie évolutive, Fernando Ramirez Rossi, a lui, témoigné de l’incroyable générosité de ce chercheur qui a mis sans hésitation dans les mains de ce tout jeune étudiant débarqué d’Argentine, les dents d’australopithèques qu’il avait trouvés. La suite de sa carrière lui a montré qu’un tel geste était rare, certains spécialistes se montrant avares et jaloux de leurs fossiles.

Son dernier film en avant-première au Musée de l’Homme

Un petit film de La Fondation Marcel-Bleustein-Blanchet de la Vocation a permis de revenir sur la carrière du chercheur et son rayonnement, à travers les mots émouvants de Philippe Taquet, Jean-Jacques Hublin ("quand on sortait de son bureau, le soleil brillait plus chaud") et Emmanuelle Pouydebat ("il a fait de moi une éternelle émerveillée"). L'éditrice Odile Jacob, -par écrit- a évoqué sa longue collaboration avec cet auteur prolifique, "qui avait le sens de la formule, un goût des mots et un don de donner à voir ; tout cela mâtiné d’un très grand sens de l’humour". Le réalisateur Jean-Pierre a raconté comment il avait été invité très simplement à s’envoler vers l’Ethiopie pour réaliser "le premier Homme et son environnement-Les fouilles de l’Omo" en 1973 (un témoignage précieux de l’époque de ces grandes expéditions, visible ici et ). Le réalisateur Jacques Malaterre a raconté comment Yves Coppens lui avait servi de "garde du corps " après la diffusion du film L’Odyssée de l’espèce en 2001 (9 millions de spectateurs) alors que des savants sourcilleux leur reprochaient quelques raccourcis. Cadeau appréciable, L’Homme de Pékin, les derniers secrets de l’Humanit , le dernier film qu’il a coréalisé avec le paléoanthropologue du Collège de France, sera projeté dimanche, à 11h15, au Musée de l’Homme, lors du week-end spécial dédié à sa mémoire. Un évènement riche en mini-conférences et en ateliers à ne pas manquer où seront projetés également en continu, des interviews vidéos qu'il avait données en 2018 à Sciences et Avenir sur ses mémoires.

L’émergence du sacré et les colloques du Vatican

La généticienne Evelyne Heyer, auteure du remarquable ouvrage l’Odyssée des gènes a témoigné de son goût pour la vulgarisation, et de son entregent avec les politiques lorsqu’il est venu appuyer le projet de rénovation du Musée de l’Homme. Amélie Vialet, enfin, paléoanthropologue au Muséum National d’Histoire Naturelle a révélé les coulisses des colloques à l’Académie des sciences du Vatican, qu’Yves Coppens prenait très au sérieux. La dernière quête d’Yves Coppens et le dernier thème de son colloque, a-t-elle raconté, portait sur l’émergence de l’esprit religieux chez les hominidés. Sacrée question pour un sacré curieux !

Le programme du week-end spécial Yves Coppens : https://www.museedelhomme.fr/fr/week-end-special-yves-coppens

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Ce numéro spécial dédié en l'honneur d'Yves Coppens est