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Grève des généralistes : "C'est insultant", pourquoi les médecins réclament le passage des consultations à 50 euros

À l'appel du collectif Médecins pour demain, fort de 14 000 adhérents, de nombreux cabinets de généralistes seront fermés les 1er et 2 décembre, ou assureront un service minimum, sans renouvellement d'ordonnance ni délivrance de certificat médical. Le mouvement, appuyé par les syndicats, met la pression sur les négociations de revalorisation du tarif de la consultation, aujourd'hui fixé à 25 euros.

"Mieux vaut ne pas être malade à partir de jeudi". Les médecins généralistes en conviennent, ils ne sont pas moins fermement décidés à fermer leur cabinet les 1er et 2 décembre, même s'il est difficile d'imaginer l'ampleur du mouvement initié par le collectif "Médecins pour demain", fort de 14 000 membres, soutenu par les principaux syndicats de médecins. 

Ce même 1er décembre, les biologistes, toujours en bute contre les économies imposées par le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) seront également fermés, jusqu'au 3 décembre. Puis les 2, 3 et 4 décembre, les infirmières libérales sont appelées à leur tour à se mobiliser.

"On a courbé l'échine pendant trop longtemps"

"Pourquoi votre médecin fait-il grève les 1er et 2 décembre ?" Dans un communiqué à afficher dans les salles d'attente, le collectif Médecins pour demain parle de "diminuer la charge administrative", "ne plus dépendre de la rémunération aux objectifs fixés par la sécurité sociale", "faire valoir une formation bac + 9 minimum", "se libérer du temps médical auprès du patient", "pouvoir financer une secrétaire et/ou un assistant médical". Mais leur revendication la plus emblématique est la consultation à 50 euros, alors que s'ouvrent des négociations habituellement menées tous les cinq ans, retardées par la crise Covid. Depuis 2016, elle est à 25 euros. 

"On a courbé l'échine pendant trop longtemps", avance Benoît Hatton, 47 ans, qui partage un cabinet avec quatre confrères, à Fabrègues (Hérault). Il liste les symptômes d'un "profond malaise", à commencer par le manque d'attrait de la profession pour les jeunes (1). Les 1er et 2 décembre, le rideau sera tiré. "Vous m'auriez dit ça il y a un an ou deux, je n'aurais pas cru ça possible". Il évoque un exercice à flux tendus, avec une patientèle qui augmente, la difficulté à "gérer de plus en plus de polypathologies et des fins de vie", parce qu'"un généraliste ce n'est pas juste les grippes et les rhumes". Et les charges administratives que la "délégation des tâches" impulsée par le gouvernement ne résoudra pas, dit-il. 

"C'est un coup de semonce"

"Un jeune sur dix s'installe en libéral, un médecin sur deux a plus de 60 ans... on ne peut plus continuer comme ça" le Dr Marc Ferrand, 41 ans, qui partage son cabinet avec son père âgé de 70 ans, sur la commune de La Cavalerie (Aveyron), compile aussi les signes du manque d'attractivité du métier. Il s'est engouffré dans le groupe Facebook Médecins pour demain créé par un consœur de la région lyonnaise, en septembre dernier, au départ pour "discuter de la valeur de notre travail". Aujourd'hui très actif dans le collectif, il fermera aussi son cabinet les 1er et 2 décembre. 

Pour toutes les raisons édictées par le collectif, et pour porter le montant de la consultation à 50 euros. "En Italie c’est 70 euros, 50 à 60 euros au Portugal et dans les anciens pays de l'Est... On est au tarif du Maroc, où le niveau de vie n'est pas le même", argumente le Dr Ferrand. Au risque de choquer ceux qui ont des fins de mois difficiles ? Un médecin généraliste gagne en moyenne 10 000 euros bruts mensuels, avant charges et impôts. "Une fois payés, il reste 5 000 à 6 000 euros. On ne demande pas 50 euros pour doubler notre rémunération. Il faut qu'on puisse se redonner de l'oxygène, améliorer l'accès aux soins, embaucher des assistantes, redevenir une profession attractive..."

"Vous en connaissez, des professions qui se déplacent chez vous pour 35 euros ?"

"Vous en connaissez, vous, des professions qui se déplacent chez vous pour 35 euros ? Vous appelez Darty, c'est 90 euros... c'est insultant", tonne Benoît Hatton, sans complexe. "Heureusement qu'à bac + 9 minimum, on a des revenus". Chez d'autres confrères, la comparaison avec la séance chez le coiffeur à 50 euros revient aussi souvent.

Les syndicats suivent timidement le mouvement, même s'ils le soutiennent : "La maison médicale de garde de Montpellier n'assurera que les urgences", promet Jean-Marc Laruelle, à la FMF. C’est-à-dire tous les soins mais pas la délivrance de certificats médicaux et le renouvellement d'ordonnances. "Je vais maintenir un service minimum", confirme le Frontignanais Jean-Christophe Calmes, du syndicat MG France, représentant des médecins généralistes à l'union régionale des professionnels de santé. Il pense que le mouvement sera "très suivi".  

"Oui, une grosse mobilisation s'annonce dans le bassin de Thau, mais aussi dans le Sud-Aveyron, à Perpignan, Uzès..." Marc Ferrand a pris la température du collectif. "C'est un coup de semonce", dit-il. Le mouvement pourrait être reconduit en fin d'année.