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Grève du 7 février : mais qu’est-ce qui fait vraiment marcher les jeunes ?

Opportunisme ou réelle implication ? Les motivations de la jeunesse qui manifeste contre la réforme des retraites sont variées mais pas forcément représentatives.

Par Alice Pairo-Vasseur
 Certes, une partie de la jeunesse est en proie au pessimisme, mais elle n'est pas dans son ensemble mobilisee contre cette reforme, la place des jeunes lors des manifestations y est d'ailleurs assez faible , relative le sociologue Olivier Galland.
« Certes, une partie de la jeunesse est en proie au pessimisme, mais elle n’est pas dans son ensemble mobilisée contre cette réforme, la place des jeunes lors des manifestations y est d’ailleurs assez faible », relative le sociologue Olivier Galland.  © LAURE BOYER / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

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« Oui, la jeunesse a son mot à dire ! » À l'orée d'une nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites, ce mardi 7 février, Imane Ouelhadj, présidente de l'Unef (Union nationale des étudiants de France), l'assure : « La retraite est aussi une affaire de jeunes, qui veulent encore rêver à leur avenir et refusent de vivre dans la précarité jusqu'à la fin de leur vie. »

Alors que ces derniers n'hésitent pas à investir les cortèges contre le projet de loi, que raconte cette mobilisation contre une réforme qui les concerne, a priori, peu ? « Jeunes, vieux, nous sommes tout autant citoyens que les autres », balaie Gwen Thomas-Alves, 17 ans. Président du syndicat lycéen Fidl 94 (Fédération indépendante et démocratique lycéenne), le jeune homme se dit « déterminé » et veut croire à un « revirement » du gouvernement. « Je ne veux pas voir mes parents travailler jusqu'à 64 ans. »

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« De nombreux jeunes vivent aujourd'hui dans la précarité, dépendent de la distribution alimentaire, peinent à entrer sur le marché de l'emploi et voient, dans un contexte d'inflation, leurs parents ne pas réussir à boucler leurs fins de mois », développe quant à elle Imane Ouelhadj, pour qui le sujet « dépasse » le seul périmètre des jeunes. Un discours partagé par une large part de ceux qui foulent, ce mardi, le pavé. Parmi lesquels Étienne Matignon, président de la Fage (Fédération des associations générales étudiantes) : « Parce que nous ne sommes pas des individus égoïstes et seuls, nous sommes solidaires de nos aînés, parents, grands-parents, oncles et tantes. »

Une « autre société »

Pour Olivier Galland, sociologue au CNRS et spécialiste de la jeunesse, cette implication obéit à une autre motivation, plus large : « Le sujet du report – ces étudiants partiront à la retraite à 67 ans – ne les concerne pas directement. Beaucoup se mobilisent, avant tout, contre un modèle de société », assure-t-il. Sans contester que le projet de réforme puisse générer chez certains d'entre eux de réelles inquiétudes, l'expert souligne en outre que « les organisations que l'on retrouve dans ces mobilisations demeurent peu représentatives et obéissent à des objectifs essentiellement politiques ».

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« On défend une autre société. Nous faire travailler plus longtemps, nous et nos aînés, ce n'est pas notre vision », confirme le président de la Fage. Pour Imane Ouelhadj, la présidente de l'Unef, la question est même plus large : « Il y a, par exemple, un lien concret entre travail et dérèglement climatique. Décaler l'âge du départ à la retraite, c'est produire toujours plus, sans prendre en considération nos réels besoins. L'enjeu est de conjuguer l'ensemble de ces sujets. » « La retraite est le point unificateur de beaucoup de luttes », résume Gwen Thomas-Alves (Fidl 94). Et d'insister : « Le ras-le-bol est général ! »

Un propos récurrent qu'Olivier Galland tient à modérer : « Attention à l'effet loupe », prévient-il. « Certes, une partie de la jeunesse est en proie au pessimisme, le même qui se diffuse actuellement dans le reste de la société, mais elle n'est pas, dans son ensemble, mobilisée contre cette réforme. La place des jeunes lors des manifestations y est d'ailleurs assez faible, relativise même le spécialiste. De la même façon que l'on pense généralement peu à la mort lorsqu'on est jeune, la majorité d'entre eux demeure peu concernée par un sujet qui leur paraît lointain. »

Optimisme

« Précarité étudiante, éco-anxiété, santé au travail… » Ceux qui descendent dans la rue ce mardi 7 février n'en demeurent pas moins « remontés », assure Gwen Thomas-Alves, qui confie toutefois : « Je reste confiant et optimiste. C'est ce qui fait la force des mouvements de jeunesse . » Il n'y a « pas à désespérer », abonde Nicolas Lecaussin, directeur de l'Iref (Institut de recherche économique et fiscale) et auteur d'un article, « Les jeunes manifestent contre la réforme des retraites ! Quelle tristesse ! ». « Ni vous, ni moi, ni la jeunesse n'ont idée de ce à quoi ressemblera la vie dans 40 ou 50 ans. Plusieurs réformes des retraites auront alors sûrement été appliquées, l'espérance de vie nous mènera peut-être à être centenaires et le monde du travail sera assurément transformé. »

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