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Guerre en Ukraine : « Persuadés d’être les prochains », les Lituaniens « rassurés » par la présence de Rafale français

« We are scared », lui a confié la patronne de son hôtel, la première fois que le lieutenant-colonel Jonathan s’est rendu à Šiauliai, en Lituanie, le 25 octobre dernier. Le pilote de chasse était venu effectuer une reconnaissance sur place, avant de prendre le commandement du détachement français projeté sur cette base aérienne du nord de la Lituanie. Depuis le 1er décembre, la 30e escadre de chasse de Mont-de-Marsan y assure une mission de police du ciel pour l’Otan et au profit des trois pays baltes, Lituanie, Lettonie, Estonie.

Le lieutenant-colonel Jonathan
Le lieutenant-colonel Jonathan - Mickaël Bosredon

La déclaration de guerre de la Russie à l’Ukraine, il y a près d’un an, est venue raviver des craintes au sein de la population de cet ex-pays du bloc soviétique de presque trois millions d’habitants. « Notre présence est extrêmement importante pour les Lituaniens, comme pour les deux autres pays baltes, poursuit le lieutenant-colonel Jonathan. Ils sont très concernés et solidaires de ce qu’il se passe en Ukraine, c’est à leurs portes, et ils sont persuadés que si jamais l’Ukraine tombe, ils seront les prochains, donc les Lituaniens sont rassurés de nous avoir ici. » Le président lituanien Gitanas Nausėda « est venu lui-même rencontrer les chefs de détachement étrangers présents dans son pays, et nous a adressé des remerciements vraiment sincères » souligne l’officier français.

Présence renforcée depuis le 24 février 2002

L’Alliance a déployé dès 2004 des capacités de police du ciel pour préserver la souveraineté de l’espace aérien des trois pays baltes. En 2014, après l’annexion de la Crimée par la Russie, ces mesures ont été renforcées et baptisées enhanced Air Policing (eAP), mesures comprenant aussi des avions de chasse supplémentaires complétant les capacités de police du ciel de la Bulgarie et la Roumanie. L’objectif était de « démontrer la détermination collective des Alliés, et dissuader la Russie d’agresser ou de menacer d’agresser les Alliés de l’Otan » explique l’Alliance.

Deux détachements alliés (en ce moment la Pologne avec quatre F-16 et la France avec quatre Rafale) sont désormais basés à Šiauliai, complétés par un détachement (en ce moment l’Allemagne avec quatre Eurofighter) à Ämari en Estonie. Ils sont relevés tous les quatre mois.

Le dispositif français déployé sur le flanc est de l'Europe
Le dispositif français déployé sur le flanc est de l'Europe - Ministère des Armées

Depuis le début de l’attaque de l’Ukraine par la Russie, l’Otan a renforcé sa posture dissuasive et défensive sur l’ensemble du flanc est de l’Europe. Les armées françaises se sont mobilisées pour participer à ce renforcement, sur terre comme dans le ciel. Par exemple, des Rafale et ravitailleurs partis de Mont-de-Marsan et d’Istres, ont conduit depuis le 24 février des missions de police du ciel « à la journée » dans le ciel polonais. En Roumanie, 500 militaires ont été déployés dès le 28 février, et en mai, la France y a envoyé un système de défense sol-air MAMBA, où il est régulièrement testé.

La Lituanie « est un peu le petit poucet face à l’ogre russe »

Ce déploiement « maintient de manière non agressive une position ferme, mais non-escalatoire, vis-à-vis de la Russie » dit-on au sein de l’Etat-major français. Dans le ciel balte, les Rafale français ont ainsi « intercepté » depuis décembre une dizaine d’aéronefs russes survolant la mer baltique, pour s’assurer qu’ils n’avaient pas « d’intention hostile. » Un rôle essentiel pour la Lituanie, dépourvue d’aviation de chasse et avec une armée composée de 21.000 soldats, dont 12.000 professionnels. « C’est un peu le petit poucet face à l’ogre russe, qui pourrait les renverser d’un seul coup de patte » résume un officier sur place.

Après la déclaration d’indépendance en 1990, et le départ des troupes russes de son sol en 1993, la priorité pour la Lituanie n’a pas été de reconstruire une armée, mais de redresser son économie. Depuis 2008 et l’intervention de la Russie en Géorgie, elle a à nouveau la volonté de se défendre. Après 2014 et l’annexion de la Crimée, elle a ainsi rétabli un service militaire. Elle vient par ailleurs de faire monter le budget de sa défense à 3 %, le portant à deux milliards d’euros pour 2023. L’état balte vient aussi de confirmer l’achat, pour 150 millions d’euros, de 18 canons Caesar de dernière génération (un canon de 155 mm monté sur un camion capable de tirer six coups par minute à une distance de 40 kilomètres). Il s’agit de la plus grosse commande en armement passée avec la France.

La France est aujourd’hui un allié de poids de la Lituanie. Et même si les pilotes de Rafale de la BA118 de Mont-de-Marsan sont plus habitués aux missions opérationnelles de destruction de cibles au sol en appui de troupes terrestres en Irak ou en Syrie, dans le cadre de l’opération Chammal, « quand on vient ici protéger l’espace aérien, on comprend le sens et l’importance de notre mission au vu des réactions des Lituaniens », appuie le lieutenant-colonel Jonathan.