France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Guerre en Ukraine : Pourquoi les forces russes s’acharnent-elles à vouloir prendre Bakhmout ?

Les victoires sont rares pour l’armée russe engagée dans la guerre en Ukraine. La libération de Kherson début novembre par les forces ukrainiennes a marqué la dernière grosse défaite pour Moscou, dont les militaires ont été forcés de battre en retraite. Une zone reste toutefois compliquée, celle du Donbass. A Bakhmout, située à 80 km au nord de Donetsk, et 100 km à l’ouest de Lougansk, les combats font rage quotidiennement et les Ukrainiens semblent davantage lutter à faire reculer l’ennemi. 

Toutefois, après des mois de batailles et bombardements, les Russes ne parviennent toujours pas à crier victoire et ces combats semblent virer à l’obsession. Pourquoi un tel acharnement pour la prise de cette ville ? 20 Minutes fait le point sur la bataille de Bakhmout, où les combats s’enlisent avec l’arrivée de l’hiver.

Pourquoi Bakhmout est-elle une cible de choix pour l’armée russe ?

Des mois que le Kremlin espère pouvoir annoncer au moins une victoire dans son « opération spéciale » en Ukraine. Les derniers succès russes en Ukraine remontent, en effet, au début de l’été, quand ils avaient pu prendre les villes de Severodonetsk et Lyssytchansk. Une éternité pour les plus va-t-en-guerre à Moscou. Les forces russes concentrent alors de nombreux efforts sans de grosses percées sur le terrain autour de la ville de Bakhmout. Pour certains observateurs, cette bataille illustre avant tout le désir de Moscou d’enregistrer enfin une première victoire. « Les Russes poursuivent leur offensive pour détourner l’attention dans les médias des revers de cet automne », veut croire Mykola Bielieskov, chercheur à l’Institut national pour les études stratégiques de Kiev, interrogé par l’AFP. Une vision partagée aussi par le commandement militaire ukrainien.

« Le commandement russe veut contrôler toute la région de Donetsk, et Bakhmout est la principale porte d’entrée vers Sloviansk et Kramatorsk », deux villes importantes du Donbass, ajoute auprès de l’AFP Michael Kofman, directeur des études sur la Russie au CNA, un institut de recherche américain. Le patron de Wagner, le sulfureux homme d’affaires Evgueni Prigojine, ambitionne plus encore : « détruire l’armée ukrainienne ». « C’est pourquoi l’opération a été nommée "L’abattoir de Bakhmout" », avait-il indiqué sur les réseaux sociaux de son entreprise Concord.

Quelles sont les forces qui combattent ?

Car l’armée russe n’est pas seule à se battre contre les forces ukrainiennes à Bakhmout. Elle est épaulée par des mercenaires du groupe Wagner, dont des prisonniers à qui on a promis une remise de peine pour s’engager en Ukraine, et des réservistes civils mobilisés en septembre. La société privée est aussi composée de mercenaires endurcis sur des théâtres extérieurs et de militaires russes professionnels passés côté Wagner car ils sont mieux équipés et mieux payés que dans l’armée.

Wagner est une milice paramilitaire russe. « C’est certainement la force armée russe la moins mauvaise en ce moment », résumait à 20 Minutes Michel Goya, ancien colonel des troupes de marine, historien et stratégiste. « Wagner est devenu un mythe », abondait Carole Grimaud, fondatrice CREER à Genève, experte à l’Observatoire géostratégique de Genève.

Quelle armée a le dessus dans cette zone ?

Les combats sont tendus. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui-même reconnu une « confrontation très dure » sur place. « Chaque mètre compte », a-t-il ajouté. Mais pour le moment les avancées russes restent minimes. Récemment, les troupes de Moscou ont un peu progressé en direction de Bakhmout, annonçant la prise de petites localités. Sans toutefois sembler en position de prendre la ville, qui compterait encore près de la moitié de ses 70.000 habitants d’avant-guerre, selon les autorités ukrainiennes.

Face à des Ukrainiens qui ont eu le temps de préparer leur défense, les Russes semblent jeter toute leur énergie et leur équipement dans la bataille pour prendre cette ville. Un responsable occidental interrogé par l’AFP se dit « perplexe » face aux objectifs russes. Avec l’arrivée de l’hiver, nombre d’analystes pensent que la ligne de front actuelle va se stabiliser, après des semaines d’avancées ukrainiennes dans le nord-est et le sud. Une équipe de l’AFP a vu récemment dans la région de Donetsk l’armée ukrainienne ramener de l’artillerie lourde dans la zone, et des groupes de soldats réservistes étaient visibles le long des routes menant à Bakhmout contrôlées par Kiev.

Quelle stratégie militaire utilisée ?

Bombardements incessants, la stratégie est la même qu’ailleurs. L’artillerie russe pilonne la ville, détruisant toutes les infrastructures, dans l’espoir d’un retrait des civils et soldats ukrainiens. Depuis deux jours, les frappes se sont intensifiées, rapporte Loup Bureau, journaliste qui a passé quatre mois dans les tranchées du Donbass entre 2017 et 2018.

De nombreux soldats à Bakhmut me disent que l’intensité des bombardements s’est accrue ces 2 derniers jours. C’est l’enfer. Il n’est quasiment plus possible de sortir dehors. Le pilonnage est constant.

La situation militaire est « difficile » dans le sud mais pas critique.

— Loup Bureau (@LoupBureau) December 9, 2022

Selon le groupe de réflexion américain Institute for the Study of War (ISW) qui analyse au jour le jour les évolutions sur le front, « les efforts russes autour de Bakhmout montrent ainsi que les (troupes de Moscou) ont fondamentalement échoué à tirer des leçons » des autres batailles où ils avaient perdu beaucoup de forces.

Pour l’ISW, l’obsession russe pour Bakhmout a même permis aux Ukrainiens de mener d’autres offensives, réussies, à d’autres endroits de la ligne de front où la concentration de troupes était du coup moindre. « Les efforts russes pour avancer sur Bakhmout ont entraîné l’attrition continue de la main-d’œuvre et de l’équipement russes, bloquant les troupes autour de localités relativement insignifiantes pendant des semaines et des mois », a analysé l’ISW.