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Guerre en Ukraine : Reprendre Kherson, un objectif « avant l’hiver » mais qui pourrait coûter cher à Kiev

Cinq cents kilomètres carrés. C’est la surface reprise par l’armée ukrainienne dans le sud du pays en à peine une semaine, selon Volodymyr Zelensky. L’objectif majeur est en ligne de mire : Kherson, capitale régionale d’un oblast théoriquement annexé par Moscou. Les forces russes ont pris la ville dès les premiers jours de la guerre, y ont distribué des passeports russes aux habitants avant d’organiser un « référendum », et l’ont reconnectée à la Crimée.

« C’est la plus grande ville prise le plus tôt dans la guerre », souligne Philippe Migault, directeur du Centre européen d’analyses stratégiques, interrogé par 20 Minutes. En déloger l’armée russe installée depuis huit mois serait incontestablement « un succès symbolique important », explique-t-il, alors que « ni Sieverodonetsk, ni Lysytchansk, ni aucune autre grande ville n’a été reprise » malgré la forte contre-offensive ukrainienne.

Le temps joue contre l’Ukraine

Il y aura « une reprise tôt ou tard de Kherson », estime Carole Grimaud, analyste géopolitique et spécialiste de la Russie, c’est « une question de semaines », dit-elle à 20 Minutes. « Les Ukrainiens voudront récupérer Kherson avant l’hiver », avance-t-elle, car le combat « sera beaucoup plus difficile cet hiver ». Le célèbre hiver de l’est de l’Europe a tranché le sort de bien des guerres, et celle-ci pourrait ne pas faire exception.

Mais à quel prix ? « Reprendre des villages, c’est assez facile, mais une grande ville facile à défendre, c’est plus compliqué », prévient Philippe Migault, moins optimiste. « Il faudrait que les Ukrainiens tirent sur leur propre ville » avec « une grosse puissance de feu », explique-t-il. D’ailleurs, les autres grandes villes occupées par la Russie comme Marioupol ou Sloviansk ont elles-mêmes « été prises à l’état de ruine », rappelle-t-il. « A la place des Russes, je me retrancherais à l’intérieur de la ville », analyse l’ancien correspondant de guerre, tout en soulignant que l’armée russe agit « de manière totalement illogique » dans ce conflit.

Une riposte nucléaire en cas de prise de la ville ?

Volodymyr Zelensky se dirige donc probablement vers un premier siège en position d’assaillant. Avec potentiellement « quatre Himars et des munitions acheminées depuis les Etats-Unis », rappelle Carole Grimaud. « Les ponts ont sauté, les Ukrainiens se sont enfoncés plus loin et ont fait reculer la ligne de front », ajoute-t-elle. Mais l’avantage stratégique n’est pas totalement acquis. « Kherson est encore à plus de deux kilomètres de la ligne de front » et « il reste des milliers de soldats russes dans la région », soutient Philippe Migault. Disposant d’un port, la ville peut « facilement être ravitaillée », et les Russes mobilisés appelés à la défendre. En somme, la Russie peut « infliger des dégâts lourds à l’armée ukrainienne » et ne lâchera pas Kherson facilement.

« Ce sont les premiers gains de l’armée russe, une défaite serait terrible pour eux », rappelle Carole Grimaud. Déjà critiqué par ses soutiens les plus militaristes, Vladimir Poutine ne peut pas se permettre de perdre Kherson, selon elle. Car la ville ouvre la voie vers la Crimée, occupée par la Russie depuis 2014, ce qui avait valu au maître du Kremlin un moment de forte popularité. « Il risque d’y avoir un vrai raidissement de la Russie, avec une riposte beaucoup plus lourde », prévient Philippe Migault. De quoi rendre la « menace nucléaire » plus sensible et « plus dangereuse », alerte Carole Grimaud.