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Héritage : quand le testament mystique est utilisé pour commettre un abus de faiblesse

auteur

Rafaële Rivais

Une veuve rendue aveugle par une maladie avait légué ses biens à son beau-frère via un testament remis clos au notaire. Face à l’impossibilité de s’assurer que ce document était conforme aux dernières volontés de la défunte, les juges l’ont annulé.

Temps de Lecture 2 min.

Quel type de testament des individus malintentionnés doivent-ils choisir pour obtenir qu’une personne âgée leur lègue ses biens, sans que le notaire remarque qu’elle n’a plus toutes ses facultés et sans que l’acte risque, a posteriori, d’être annulé par ses héritiers ? « Cette question cynique, les adversaires de mes clients se la sont posée », assure MMarc Geiger, avocat des deux héritiers d’une défunte, Maryse X : « La fouille de leurs ordinateurs a montré qu’au terme de longues recherches, ils ont écarté le testament authentique », celui-ci devant être rédigé par le notaire, sous la dictée du testateur.

« Ils ont également évité le testament olographe », qui doit être entièrement écrit de la main du testateur. « Ils ont donc choisi le testament mystique », ou « secret », qui peut être remis au notaire « clos, cacheté et scellé », comme le rappelle l’affaire suivante.

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Lorsque Maryse X, veuve Y, sans enfants, décède, en 2015, son frère et sa sœur découvrent que la succession leur échappe : au moyen d’un testament mystique, Maryse a fait de son beau-frère, Jean Y, le légataire universel de ses biens.

L’« acte de suscription » que le notaire a dressé lors de sa remise, le 31 juillet 2014, indique : « [Elle] a présenté une feuille contenue dans le présent pli, qu’elle a déclaré représenter son testament ». Celui-ci étant dactylographié, elle a « affirmé en avoir personnellement vérifié le libellé, par la lecture qu’[elle] en a effectuée ». Bref, tout se serait passé conformément à la procédure prévue par le code civil (article 976).

« Ni lire, ni écrire, ni parler »

Or, le 31 juillet 2014, Mme X, atteinte d’une maladie qui l’a rendue aveugle, ne pouvait plus « ni lire, ni écrire, ni parler », comme l’ont certifié, une semaine plus tôt, son médecin traitant et une experte psychiatre, en précisant qu’elle s’exprimait par « grognements ». Elle était déjà sous la protection d’un mandataire judiciaire.

Comment aurait-elle pu « lire » et « vérifier » le contenu du testament ? Les héritiers assignent Jean Y, afin d’obtenir l’annulation de cet acte, sur le fondement de l’article 978 du code civil, aux termes duquel « ceux qui ne savent ou ne peuvent lire ne pourront faire de dispositions dans la forme du testament mystique ».

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Le 12 octobre 2022 (2022, 21-11.408), ils obtiennent (enfin) gain de cause : la Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond, selon lequel Mme X « n’a pas pu lire le testament » les magistrats de la cour d’appel de Nîmes (Gard) ayant en outre noté qu’« aucun élément de l’acte lui-même ou de la suscription ne vient [les] éclairer sur la manière dont Maryse X aurait pu le lire (loupes grossissantes ou zoom d’ordinateur ou autre) ». Ils jugent qu’« en l’absence de certitude sur l’expression de ses dernières volontés », l’acte « devait être annulé ».

La Cour de cassation refuse en outre de requalifier le testament mystique en testament international, nouvelle forme de testament que les Etats parties à la convention de Washington du 26 octobre 1973 sont tenus d’introduire dans leur législation interne. Ce « sauvetage » n’est en effet possible que lorsque le testament est affecté d’une nullité de forme, et non d’un vice de fond qui met en doute la volonté du disposant.

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Les héritiers, qui, par ailleurs, avaient, en décembre 2015, déposé une plainte pour abus de faiblesse, viennent d’apprendre que le procureur de la République d’Avignon (Vaucluse) a requis le renvoi de M. Y et d’une complice devant un tribunal correctionnel. Mais que le notaire échappe aux poursuites, faute de « charges suffisantes » à son endroit : devant le juge d’instruction, il a indiqué avoir, en fait, « lu [lui]-même » le testament, puis demandé à Maryse s’il exprimait bien ses dernières volontés, et obtenu un « oui non équivoque »… Sans doute un grognement ?

Rafaële Rivais

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