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Hyung-Rae Kim : "Les lecteurs de mangas et de smartoon restent pour l'instant chacun dans leurs univers"

Hyung-Rae Kim : "Les lecteurs de mangas et de smartoon restent pour l'instant chacun dans leurs univers" Piccoma France vient de souffler sa première bougie. L'occasion pour son président Hyung-Rae Kim de dresser un premier bilan.

Lancée officiellement en France en mars 2022, la plateforme de lecture Piccoma affichait de grandes ambitions. Armé d'un budget de 12 millions d'euros, le leader coréen entendait s'imposer au royaume de Molière aussi bien comme éditeur que comme distributeur et avait bâti une vision à très long terme. Un an plus tard, Hyung-Rae Kim, le Président de Piccoma Europe, dresse le bilan pour Linternaute.com

Disons-le d'entrée de jeu, le bilan est extrêmement positif et l'éditeur regarde l'avenir sereinement. "Depuis mars 2022, l'effectif de Piccoma France a doublé. Nos équipes internes sont principalement impliquées dans le volet  édition, de l'achat des licences à la publication des chapitres hebdomadaires. Sans compter les nombreuses personnes qui travaillent pour nous en freelance ou via des studios pour les traductions, lettrages et corrections. Nous avons prévu de continuer de croître", explique Hyung-Rae Kim.

Avec une moyenne de 30 à 45 nouveautés par mois, sans compter les suites des séries en cours,  les équipes éditoriales effectuent un travail de titan chaque semaine. Sans compter les publications réalisées par Piccoma en tant que distributeur. "Quand nous nous sommes lancés en mars 2022, nous avions un accord de distribution avec les éditions Kurokawa, et quelques maisons indépendantes comme les éditions Mahô ou Nazca. Depuis lors, de nombreux leaders du marché nous ont rejoints comme Pika, Ki-oon ou Glénat. Nous sommes en discussion pour accueillir d'autres maisons sur notre portail", confie Hyung-Rae Kim.

© Piccoma

Des chiffres encourageants et convaincants

L'éditeur annonce plus d'un million de lecteurs sur l'année flottante, pour un catalogue actuellement d'un peu plus de 30 000 chapitres. Un lectorat en croissance et très fidèle. Le Président de Piccoma Europe précise : "Nous avons une légère prédominance du lectorat féminin sur la plateforme. Et une majorité de jeunes de 18-25 ans, suivis par la tranche d'âge des 26-35 ans", ce qui ne semble pas surprenant pour une plateforme numérique.

Le nombre important de lectrices permet à la plateforme de ne pas être un duplicata des ventes physiques des mangas ou webtoon et de voir ses titres trouver un peu plus facilement leur public, loin des limites et contraintes des présentoirs de librairie. Par exemple, un manga comme Rose Bertin, qui raconte l'histoire de la couturière favorite de la reine Marie-Antoinette, a provoqué un véritable engouement chez les lectrices et lecteurs : "au-delà de ce que ce type de titre " de niche" peut prétendre toucher en librairie" ajoute Hyung-Rae Kim.

Selon lui, le numérique permet à des titres comme La vraie c'est moi ! (plus de 140 000 lectures cumulées) ou Demoiselle lapin et le grand méchant léopard (près de 85 000 lectures cumulées) de trouver leur public bien plus facilement. "Et cette première vie numérique bénéficiera à terme à tout l'écosystème, je n'en doute pas une minute" conclut Hyung-Rae Kim.

Pour l'instant, la porosité entre les lecteurs de smartoon ou webtoon et de manga n'est pas très forte. " Les lecteurs de mangas et de smartoon restent pour l'instant chacun dans leurs univers. C'est probablement la raison pour laquelle les plus importantes lectures de mangas reflètent les ventes en librairie. One Piece et Fairy Tail ont ainsi attiré chacun plus de 100 000 lecteurs" analyse Hyung-Rae Kim.

Le responsable note aussi que les lancements de nouvelles séries comme Les derniers jours de Karina, connaissent des démarrages de plus en plus forts. " Nous revoyons presque chaque mois à la hausse nos attentes de lancement ".

Un lectorat curieux mais encore très orienté " nouveautés"   

Le numérique permet de connaître plus finement le lectorat au delà des simples statistiques du temps moyen passé sur un chapitre (les utilisateurs de Piccoma y passent entre 15 et 20 minutes par jour) comme le nombre de chapitres lus par jour par un utilisateur ou les mots clés saisis dans la barre de recherche de la plateforme.

" On constate une très grande variété de mots clés dans les recherches des utilisateurs, il n'y a pas une prééminence d'un petit groupe de mots. Nos lecteurs cherchent aussi bien des noms de séries comme One Piece ou Tokyo Revengers, que des noms d'auteurs ou autrices, voire des mots clés très pointus sur des thématiques" explique Hyung-Rae Kim. Ces informations permettent d'accompagner l'équipe éditoriale dans sa gestion du catalogue.

En adéquation avec le lectorat actuel, et le succès des  webtoon ou des mangas très " page turners", l'acquisition de nouvelles licences se concentre sur ce type de nouveautés." Pour l'instant nous n'avons pas noté d'appétence pour les mangas patrimoniaux, mais nous travaillons à inclure plus de shôjo et de josei dans notre catalogue. Nous sommes à l'écoute du lectorat et rien n'est gravé dans le marbre" confie Hyung-Rae Kim.

Le géant sud coréen à Japan Expo © Piccoma / Formentini

Un potentiel qui reste à exploiter en France

Pour le Président de Piccoma, la France est en retard sur les habitudes de consommation numérique, ce qui est aussi une bonne chose. " C'est très excitant pour un entrepreneur d'être un acteur de la création ou de l'évolution d'un marché. On voit les lignes bouger, un véritable écosystème se développer et des habitudes de consommation légales se mettre en place. On est encore aujourd'hui sur un marché embryonnaire, mais les voyants de son développement sont au vert".

Il n'y a pas de secret, pour faire connaître la plateforme et son offre pléthorique, il faut communiquer sans cesse. Dotées d'un budget communication conséquent, les équipes de Piccoma ont mis en œuvre de nombreuses campagnes publicitaires en ligne et des habillages comme sur les quais de la ligne 14 à Châtelet habillés aux couleurs de la licence phare Solo Leveling pendant deux semaines. Elles ont aussi tenu à aller un peu plus loin. "Nous avons signé deux partenariats importants l'an passé, l'un avec l'Accor Hôtel Arena, l'autre avec Japan Expo. Ces partenariats, basés sur des événements qui sont des marqueurs importants de la culture pop, nous ont permis de faire connaître Piccoma à un public réceptif, mais pas forcément au courant de notre arrivée en France". L'expérience, fructueuse, est renouvelée en 2023. "Cet été, nous proposerons beaucoup de surprises au Japan Expo" annonce ainsi Hyung-Rae Kim..

© Piccoma

Une seule ombre au tableau…

Si l'heure est aux félicitations, il reste un facteur négatif qui ne faiblit pas : le piratage. "En tant que distributeur 100% numérique, nous sommes davantage frappés par le piratage qu'un éditeur de livres en format papier. Il est d'ailleurs facile de constater  qu'on trouve souvent aujourd'hui sur les trop nombreux sites de piratage des webtoons qui sont au top des classements de vente. C'est un combat réel et majeur dans tous les pays où l'économie numérique s'est développée : le Japon, la Corée et les États-Unis d'Amérique. En France, les procédures sont particulièrement longues ; il est pour l'instant inefficace de chercher à faire fermer un site pirate", regrette le Président de Piccoma.

Et demain ?

Pour l'éditeur, le marché du manga et du smartoon semble assez résilient à la crise économique. Même si le panier moyen diminue et que les ventes fléchissent en volume, le nombre de points de ventes qui mettent en avant les mangas et les webtoon continuent de croître. Il précise : "nous sommes encore en phase d'investissement et nous prévoyons une croissance organique de nos équipes et de nos prestataires. Même si le marché du numérique reste encore aujourd'hui très petit, il existe une forte marge de progression. Nous continuons donc de promouvoir la lecture numérique".

Entre de nouveaux partenariats proches de la signature, le développement d'une synergie entre la prépublication numérique et la publication papier, l'évolution des schémas de distribution et des habitudes de consommation qui s'adaptent à l'ère numérique, l'heure est à l'optimisme chez les équipes de Piccoma France quand elles se projettent à l'horizon de leur seconde bougie.

Autre signe positif. Les réticences à l'arrivée du leader coréen en France, principalement à cause de son modèle économique (l'utilisation de coins, une monnaie virtuelle, très proche de ce qui se fait dans le monde du jeu vidéo) qui avaient poussé le régulateur du prix du livre à s'auto-saisir, paraissent aujourd'hui bien moins fortes.

Hyung-Rae Kim conclut : "Au-delà du plaisir certain de souffler cette première bougie, j'ai ressenti beaucoup de satisfaction à voir se créer spontanément  des communautés autour d'un titre, d'une catégorie ou d'une autrice. Elles entretiennent dans leur ensemble un climat très sain. J'ai observé avant tout une volonté de recommandation, sans recherche de conflit. C'est très plaisant".