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« Ici, je me sens vivante » : à l’éco-village du Bel-Air, un collectif en quête d’harmonie

Ce matin de janvier, l’accès au hameau du Bel-Air est bloqué. Poussé par la tempête Gérard, un chêne est tombé sur la route, emportant avec lui la ligne de téléphone. Armé d’une tronçonneuse, Arnaud, casque anti-bruit sur les oreilles, ébranche l’arbre au côté de l’employé municipal. Anaïs, Antoine et Timothée, vêtus de cirés, rangent le bois coupé sur les bas-côtés. Les branches de belle section deviendront des bûches de chauffage.

Tous âgés d’une trentaine d’années, ils ont rejoint le collectif créé en 2018 par six amis à Priziac, à 40 kilomètres au nord de Lorient, dans le Morbihan. Leur motivation ? Vivre autrement. « On voulait créer un lieu où l’on partage un peu plus avec ses voisins que dans la société habituelle, explique Timothée, 39 ans, l’un des fondateurs. On essaie de vivre en harmonie avec la nature, et de mettre en place des projets de bon sens reposant sur la mutualisation, le faire-ensemble. »

Un jardin potager et une serre de 100 m2

Leur éco-lieu, au bord du lac de Priziac, est situé sur les ruines d’un château du XVIe siècle. La forêt recouvre les deux tiers des 15 hectares de la propriété. Une longère en pierre abrite une cuisine, des sanitaires et des bureaux dans les combles. C’est la maison commune où sont partagés les repas, les réunions et les formations. Un jardin potager et une serre de 100 m2 fournissent une partie des fruits et légumes consommés par les habitants.

Les onze adultes, célibataires ou en couple – sans oublier deux enfants et un bébé – disposent d’un habitat personnel léger : caravane, yourte, dôme ou cabane, disséminés dans les prairies environnantes. Six des habitants sont associés au sein de la Société civile immobilière (SCI) du village du Bel-Air, propriétaire du site. Pour y adhérer, il faut résider un an sur place.

Une personne morale les a rejoints en mars 2021 : la Coopérative Oasis, issue du mouvement initié en 1997 par Pierre Rabhi, pionnier de l’agroécologie. Elle apporte son expertise des éco-lieux, et prête au village 200 000 € sur dix ans, pour financer des travaux de rénovation et les premiers habitats individuels. Deux associations complètent l’édifice juridique : l’une dédiée à la gestion de l’habitat, l’autre aux activités économiques. La première perçoit le loyer des habitants. La seconde gère les activités. Les deux structures reversent une redevance à la SCI, chargée du remboursement des emprunts.

« Ce sont des jeunes qui ont une autre vision de la société »

« Le loyer est à prix libre, sauf pour les locataires bénéficiaires d’une allocation logement qui ont un bail à prix fixe. Nous souhaitons être cohérents et dans les clous de la loi, c’est important pour nous de rester intégrés », détaille Timothée. Tous se retrouvent sur la nécessité d’un « projet fiable, légal, intergérationnel et ouvert sur le monde ».

L’équilibre économique du village repose sur les loyers et les prestations proposées au public : séjours d’immersion, pour expérimenter ce mode de vie alternatif ; journées découverte, pour visiter le site et partager des « temps d’échanges » ; formations, consacrées à la création d’un éco-lieu.

Florence, 54 ans, a justement décidé de s’installer au Bel-Air après un séjour d’immersion. « Ici, je me sens vivante », dit cette ancienne infirmière, qui depuis 2013 se sentait « décalée de la vie citadine ».

Le maire, Dominique Le Niniven, croise régulièrement ces administrés. « Ce sont des jeunes bien dans leur tête, qui ont une autre vision de la société. Ils méritent qu’on leur prête attention, souligne-t-il. Nous préparons avec eux un projet de pôle santé communal, à proximité du bourg, avec des médecins conventionnés et des praticiens de médecines douces, dont certains habitants du Bel-Air. L’objectif est d’intégrer ce projet à notre plan local d’urbanisme intercommunal (Plui). »

De bonnes relations avec le voisinage

Parmi les métiers représentés dans l’éco-village, il y a un professeur d’EPS, un psychiatre, une artiste de théâtre, le directeur d’une ressourcerie, deux meneuses d’attelage (dont une ancienne technicienne de l’aérospatiale), un naturaliste, un coach personnel et professionnel, spécialiste de la méditation de pleine conscience.

Anaïs, 30 ans, s’est installée il y a un an et demi. Cette ex-professeure d’histoire-géographie au lycée français d’Alexandrie, en Égypte, a d’abord travaillé à la Fresque du climat, une association de sensibilisation du public au réchauffement climatique, avant de démissionner. « J’étais beaucoup en télétravail, à distance du reste de l’équipe à Paris. J’avais la sensation d’être hors-sol. J’avais envie de m’investir localement », résume-t-elle. Grâce à ses droits au chômage, elle a pu s’investir dans l’organisation des séjours au village, et a lancé « Plein phare sur la COP27 », une mobilisation citoyenne pour mettre l’art au service du climat.

Les relations avec le voisinage sont bonnes. Des portes ouvertes sont organisées. Depuis peu, une soirée belote et karaoké est organisée, une fois par mois, dans un café du bourg. « En juillet, on a été quelques-uns à filer un coup de main pour l’organisation du pardon de la Madeleine, dans un hameau de Priziac. Cela nous a permis de rencontrer des anciens. Le contact est très bien passé, raconte Timothée. Il y a dans nos valeurs une certaine spiritualité, qui se vit différemment chez chacun de nous. Notre point commun, c’est notre allergie au dogme et à tout ce qui enferme ou sépare. »