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"Illégal" mais "moral"... Les "Robins des Bois" de la CGT dégainent l'arme de l'électricité

Farouchement opposée au projet de réforme des retraites, la CGT veut multiplier les opérations de gratuité du gaz et d'électricité pour des foyers modestes, les crèches ou encore des hôpitaux, à l'occasion de la grande journée de mobilisation prévue le 31 janvier. La centrale de Montreuil laisse également planer la menace de "coupures ciblées" d'électricité. Un mode d'action musclé visant à faire plier le gouvernement mais qui ne fait pas l'unanimité parmi les syndicats.

La CGT est prête à durcir le mouvement contre la réforme des retraites. Sa puissante Fédération nationale des Mines et Énergie (FNME), a commencé à mettre à exécution cette semaine "un plan de bataille" annoncé mi-janvier pour faire reculer le gouvernement.

Partout en France, des employés du secteur énergétique ont "placé en gratuité d'électricité ou de gaz" hôpitaux, HLM, bibliothèques, locaux d'associations, écoles ou crèches, accordé des tarifs réduits aux petits commerces ou encore rétabli le courant pour des usagers précaires dont le contrat avait été interrompu.

À Marseille, la centrale syndicale a lancé dès lundi une opération d'intervention sur les compteurs pour faire "baisser de 60 %" la facture des boulangers. "C’est complètement illégal, c’est aussi complètement moral pour nous", a estimé Renaud Henry, secrétaire général de la CGT Énergie Marseille auprès de RMC.

Le syndicat dirigé par Philippe Martinez revendique ainsi des actions "Robins des Bois" et "d'intérêt général" dans un contexte d'inflation et de forte hausse des prix de l'énergie pour les entreprises qui ne bénéficient plus de tarifs réglementés depuis le 1er janvier 2021 et alors que de nombreux ménages peinent à payer leurs factures malgré le bouclier tarifaire.

Une précarité énergétique qui n'est pas nouvelle en France puisqu'une étude du gouvernement a récemment révélé qu'un quart des ménages a eu des difficultés pour payer leurs factures en 2021.

Une élue plongée dans le noir

À quelques jours de la prochaine mobilisation interprofessionnelle contre la réforme des retraites le 31 janvier, la CGT entend ainsi faire monter d'un cran la pression sur le gouvernement. La FNME, qui s'oppose au report de l'âge légal de départ à 64 ans et à la suppression des régimes spéciaux dans le secteur de l'énergie, menace de multiplier ce type d'actions mais aussi de couper le courant de manière ciblée à des élus favorables à la réforme.

"Sur le terrain, la colère est forte. Les coupures ciblées ne sont pas du tout mises de côté, bien au contraire. Il y en a eu la semaine dernière, cette semaine, et il y en aura certainement la semaine prochaine", a prévenu vendredi sur LCI Sébastien Menesplier le secrétaire général de la FNME-CGT.

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La députée Renaissance du Lot, Huguette Tiegna, en a déjà fait les frais il y a une dizaine de jours : la permanence de l'élue située à Figeac a été plongée dans le noir près de quatre heures ainsi que plusieurs commerces. La députée de la majorité et Enedis, le gestionnaire du réseau, ont annoncé vouloir porter plainte. Le même jour, en Essonne et en Haute-Marne, plusieurs bâtiments institutionnels, préfecture ou encore Conseil départemental, ont été touchés par des coupures volontaires.

"Ce n’est pas à la CGT de faire la loi" mais "aux parlementaires", a martelé mardi sur Europe 1 le ministre de l’économie, Bruno Le Maire tandis que sa collègue de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, dénonçait une "intimidation inacceptable".

"Toutes les manières d'arrêter cette réforme sont bonnes dès lors qu'elles ne sont pas violentes", a justifié de son côté la députée EELV Sandrine Rousseau au micro de BFMTV. "Par contre avoir deux ans de plus de travail quand on a mal au dos et aux épaules, ça c'est violent".

Un mode d'action controversé

Ces débats autour du bien-fondé des coupures sauvages d'électricité reviennent de manière régulière en France à l'occasion de grands conflits sociaux. Dans l'histoire récente, des salariés y ont notamment eu recours lors des grèves de l'hiver 1986-87 puis de 1995. Des coupures plus ciblées ont également eu lieu en 2004 dans le cadre de la mobilisation contre le processus de privatisation d'EDF.

En 2009, lors d'un conflit social dans le secteur de l'énergie, des coupures d'électricité et de gaz avaient également suscité la polémique. Le Premier ministre de l'époque, François Fillon, avait alors accusé les grévistes de "sabotage".

Ce mode d'action ne fait toutefois pas l'unanimité au sein du mouvement syndical. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a assuré cette semaine que son organisation "ne cautionne pas les coupures de courant". Le patron du syndicat réformiste craint en effet de perdre une partie de l'opinion en cas de durcissement du mouvement.

Pour le moment, les Français regardent favorablement la mobilisation syndicale. Selon un sondage Ipsos-Steria publié le 18 janvier, 65 % des Français soutiennent les mouvements sociaux à venir contre la réforme des retraites.

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Si Laurent Berger a reconnu des différences dans les modes d'actions avec la CGT, le leader de la CFDT a rappelé l'unité des syndicats contre la réforme alors que les députés s'apprêtent dès lundi à plancher en commission sur le texte du gouvernement.