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Israël : la loi de l’extrême droite

Que se passe-t-il en Israël ? Le retour aux manettes de Benyamin Nétanyahou – malgré ses ennuis judiciaires –, fin décembre, avait fait craindre le pire. Et le pire est peut-être en train d’arriver. Car ce n’est pas seul que “Bibi” a remporté les législatives de novembre. Les alliés qui l’entourent dans la coalition désormais au pouvoir – des partis suprémacistes, religieux et ultraorthodoxes – font de son gouvernement le plus à droite de l’histoire d’Israël.

Conséquence : depuis un peu plus d’un mois et la présentation, le 4 janvier, d’un projet de réforme judiciaire très controversé, des dizaines de milliers d’Israéliens manifestent chaque samedi contre ce qu’ils considèrent comme une atteinte à l’“ordre démocratique” de l’État hébreu. Parmi eux, outre les leaders de l’opposition, d’anciens généraux, des juges et des représentants de l’élite économique.

Concrètement, si la réforme était adoptée, le Parlement israélien pourrait invalider les arrêts de la Cour suprême à une majorité simple. Autrement dit : les politiques les plus radicaux prendraient le pas sur l’état de droit. Avec des risques de dérive gravissimes dans un pays toujours sous tension. “Théoriquement, le gouvernement pourrait ainsi fermer [notre] journal, interdire les partis d’opposition ou modifier les règles électorales”, s’inquiète Ha’Aretz.

Il peut aussi relancer la colonisation en Cisjordanie, asphyxier financièrement l’Autorité palestinienne (ce qu’il a commencé à faire), nommer des gouverneurs militaires…, explique encore le quotidien de centre gauche. L’objectif ? “Revenir aux premiers temps de l’occupation [et] effacer ce qu’il reste des accords d’Oslo” signés en 1993 entre Israéliens et Palestiniens, qui instauraient entre autres les modalités de l’autonomie et de l’administration des Territoires occupés.

Le 26 janvier, un raid de Tsahal à Jénine a fait dix morts du côté palestinien. Le lendemain, un Palestinien tuait sept personnes près d’une synagogue à Jérusalem. Puis un jeune Palestinien a blessé par balle deux Israéliens, faisant craindre une nouvelle escalade des violences.

Voilà pour le contexte : entre une société plus clivée que jamais et la menace d’une troisième intifada, il nous paraissait absolument nécessaire de consacrer un dossier à cette situation politique explosive en confrontant tous les points de vue.

Outre l’article de Ha’Aretz, nous avons traduit de l’hébreu un éditorial du quotidien de centre droit Yediot Aharonot dans lequel l’auteur appelle la contestation à ne pas faiblir. “Dominé par ses composantes les plus extrémistes et théâtre d’un bras de fer interne permanent, ce gouvernement ne peut qu’être dysfonctionnel à moyen terme. Voilà qui devrait encourager le mouvement de contestation à poursuivre ses manifestations”, écrit Nahum Barnea.

Le procès qui nous est fait est caricatural, expliquait de son côté mi-janvier le député ultraorthodoxe Yaakov Asher dans une interview publiée par le quotidien Maariv. “Cela fait des décennies que les partis ultraorthodoxes participent aux coalitions israéliennes de droite comme de gauche, et le ciel n’est tombé sur la tête d’aucun Israélien.” Nous n’allons pas devenir le nouvel Iran, s’indignait-il. À voir.

Il nous semblait en tout cas important de donner à lire cette parole dans ce dossier, car elle dit bien les fractures qui traversent la société israélienne. Comme il nous paraissait impératif d’ouvrir nos colonnes à l’autre partie. C’est le principe de Courrier international. Faire entendre toutes les voix, qu’on soit d’accord ou non. Nous avons ainsi sélectionné et traduit de l’arabe deux articles qui disent tout autre chose, évidemment, de la crise politique actuelle en Israël.

Sur la réforme judiciaire en cours, le quotidien Al-Quds Al-Arabi a le mérite d’être clair : “Du point de vue palestinien [arabe israélien], la fameuse démocratie israélienne est une démocratie des occupants.” Plus frontal, un chroniqueur palestinien du quotidien de Ramallah Al-Ayyam dénonce les “innovations” racistes d’un “gouvernement déraisonnable”.

Comme celle de Yaakov Asher, c’est une voix dérangeante mais qui traduit l’état du (non-) dialogue aujourd’hui entre Israéliens et Palestiniens. On est déjà loin, bien loin, de l’esprit des accords d’Oslo.