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Italie : premier bilan pour Giorgia Meloni après 100 jours au pouvoir

Si le début de son mandat a été marqué par une forte crise avec Paris, la présidente du Conseil a cherché depuis à renforcer ses liens avec l’Union européenne.

Propos recueillis par Quentin Raverdy
Giorgia Meloni a dresse elle-meme le bilan de ses 100 jours a la tete du gouvernement italien.
Giorgia Meloni a dressé elle-même le bilan de ses 100 jours à la tête du gouvernement italien. © ALBERTO PIZZOLI / AFP

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Pas question pour Giorgia Meloni de laisser entre les mains des seuls journalistes l'exercice du « bilan » de ses 100 premiers jours de mandat. C'est donc devant un duo de bannières italienne et européenne que la Première ministre, solennelle, est apparue hier en vidéo sur les réseaux sociaux, pour 7 minutes d'autoévaluation. Juste le temps de citer une poignée des « 100 actions en 100 jours » amorcées par son exécutif, affirme Giorgia Meloni. Diplomatie, énergie, familles, emploi, sécurité, retraite, plan de relance : le gouvernement est sur tous les fronts, assure-t-elle, « satisfaite ». Certes, « on peut toujours faire plus », reconnaît la locataire du Palazzo Chigi, mais de promettre qu'aucun jour ne passe « sans que nous ayons au moins tenté de donner une réponse. Toujours du côté de l'Italie ».

Un retour de la droite aux commandes logiquement placé sous le signe de « l'ordre » et de la « lutte contre l'illégalité », d'ailleurs couronné un peu fortuitement par l'arrestation du dernier grand boss de Cosa Nostra, après trente ans de cavale. En novembre, le tout premier décret-loi de l'ère Meloni s'attaque aux organisateurs de rave parties (le texte, accusé de dérives liberticides, sera modifié). Vient ensuite le tour des ONG de secours en mer d'être dans le viseur de Rome et de voir leurs activités d'assistance drastiquement affectées. Mais pour l'heure, on est encore bien loin du blocus naval promis aux électeurs par la candidate des Frères d'Italie lors de sa campagne électorale.

Adoucissement de son image

Des premières semaines musclées, oui, mais rien de révolutionnaire, remarquent cependant les observateurs italiens. Au contraire. « Ces cent jours ont surtout été cent fois l'occasion pour Giorgia Meloni d'essayer d'écarter les craintes face à cette nouvelle droite italienne », estime ainsi Lorenzo Castellani, professeur à l'université Luiss de Rome. Une droite désireuse de montrer qu'elle « peut gouverner en Italie sans exposer le pays à trop de risques politiques et économiques », poursuit le politologue. La présidente du Conseil italien n'a d'ailleurs pas manqué de faire remarquer la bonne forme de la Bourse de Milan et la réduction, sous « ses 100 jours », du spread (la différence entre les valeurs des obligations allemandes et italiennes), éternel baromètre de la santé économique de la Péninsule.

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En bonne VRP de l'Italie, Giorgia Meloni a multiplié les déplacements internationaux au G20 à Bali, à la COP27 en Égypte ou encore très récemment en Algérie et en Libye pour parler sécurité et contrats énergétiques. Les débuts sur la scène continentale de la « femme la plus dangereuse d'Europe » (disait ainsi le magazine Stern) se sont, eux, ouverts sur une violente prise de bec entre Rome et Paris sur le sort du navire Ocean Viking. « Mais après cette erreur, le gouvernement italien s'est recentré et a cherché ensuite à éviter des prises de position en contradiction avec l'UE », rappelle Piero Ignazi, professeur à l'université de Bologne. Giorgia Meloni a notamment réaffirmé l'envoi d'armements à l'Ukraine – malgré l'opposition grandissante de l'opinion publique – et l'attachement de l'Italie au camp atlantiste. Et c'est à Bruxelles que la cheffe de file de l'exécutif a réservé son tout premier déplacement à l'étranger. Une capitale de l'UE où Giorgia Meloni espère bien faire entendre la voix de l'Italie, notamment sur la question migratoire.

Abandon des positions souverainistes

À l'heure de boucler sa loi de finances, fin 2022, là encore pas de renversement de table, rappelle Lorenzo Castellani. « Meloni a davantage voulu miser sur la continuité avec Mario Draghi », gage apprécié au sein des institutions des 27, fait remarquer le politologue. Hormis quelques accrocs, la copie budgétaire italienne est validée par Bruxelles. Dans la rédaction du Manifesto, on feint la stupeur : « Qui aurait imaginé, il y a tout juste un an, sœur Giorgia transformée en vestale de la rigueur, de la priorité aux comptes publics, voire de l'austérité ? » s'interroge ainsi le quotidien de gauche. Pas si surprenant, estime pour sa part Piero Ignazi, de l'université de Bologne. Arrivée au pouvoir, Meloni a fait l'expérience « d'un bain de réalisme », se traduisant par un « abandon substantiel des positions souverainistes » qui l'ont portée au pouvoir. À voir cependant, prévient Piero Ignazi, s'il s'agit « d'un changement significatif de position » ou d'une manœuvre « tactique pour éviter l'isolement international ».

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La présidente du Conseil le sait, entre les impératifs de réformes et les objectifs du plan de relance européen à tenir : 2023 ne s'annonce pas sans quelques défis. À quoi devraient s'ajouter d'inévitables soubresauts au sein de sa majorité gouvernementale (de Silvio Berlusconi sur les questions de justice à la Ligue de Matteo Salvini sur le thème de l'autonomie différenciée des régions).

Mais pour l'instant, la méthode Meloni semble porter ses fruits. Quatre mois après les législatives, ses Frères d'Italie continuent de caracoler en tête des sondages, au-delà même de leurs scores de septembre dernier. Les instituts notent cependant une légère inflexion ces derniers jours, la faute à certains couacs gouvernementaux (comme la décision de ne pas prolonger un rabais sur les carburants en début d'année). Pas de quoi inquiéter pour l'heure l'égérie de la droite italienne qui devrait voir sa bonne forme électorale confirmée dans un double scrutin régional à Milan et à Rome en février. Face à elle, l'opposition parlementaire est atone, affaiblie par des guerres de leadership. Pour Giorgia Meloni, la lune de miel n'est peut-être pas terminée.