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« J’ai cultivé très peu d’autres choses que la musique dans ma vie », confie la chanteuse Pomme

Pomme repartira-t-elle avec la Victoire de la musique de l’artiste féminine de l’année ? Ou bien son album Consolation sera-t-il couronné meilleur album ? Deux questions qui trouveront réponse le samedi 11 février lors de la traditionnelle cérémonie de récompenses musicales diffusée sur France 2 et présentée cette année par Laury Thilleman.

Après avoir décroché le prix de l’album révélation de l’année avec Les Failles en 2020, puis celui de l’artiste féminine en 2021, cette autrice-compositrice de 26 ans semble être arrivée à l’apothéose d’un univers qu’elle construit à chacune de ses apparitions médiatiques.

Aujourd’hui, elle est capable de faire le point sur son passé artistique parfois tumultueux mais aussi sur ses blessures d’enfant. « À 20 ans c’est difficile car on n’a pas beaucoup de recul sur ses traumas ou ses souvenirs enterrés durant l’enfance. Mais là je m’en éloigne donc j’y vois plus clair aussi », confie-t-elle à 20 Minutes. (Lot 2) Consolation, la réédition de son album éponyme composée de cinq titres inédits, vient rajouter une brique à ce monde merveilleux fait de forêts où vivent lutins et autres créatures enchanteresses et où les parfums d’enfance sont légion.

Pour la troisième fois, vous êtes nominée aux Victoires de la musique. Jusqu’à présent, vous êtes repartie avec le prix chaque participation, alors jamais deux sans trois ?

J’ai peu d’espoir mais n’est pas très grave car j’ai déjà été bien mise en valeur par les Victoires. Je n’avais jamais été nommée pour l’album de l’année et Consolation est un album hyper important pour moi parce que je l’ai produit moi-même, j’y ai investi énormément de temps et d’argent. J’ai vraiment travaillé beaucoup en amont et pas que sur la musique, sur les visuels, j’ai fait toute la direction artistique… C’est très gratifiant d’être nommée dans cette catégorie. Je suis nommée avec des artistes que j’admire beaucoup et qui ont un plus grand succès commercial que le mien. L’important c’est de faire une performance dont je sois fière et de faire quelque chose qui visuellement et musicalement me ressemble. J’ai déjà gagné deux fois donc si je ne gagnais pas ce ne serait pas grave…

Malgré tout, beaucoup d’artistes partent sans récompense ou nomination. Que diriez-vous à ceux qui ont l’impression que rien ne leur sourit ?

Ce qui m’a sauvée les dernières années quand j’étais un peu perdue, c’est d’essayer de me connecter le plus possible à mon intuition et mon instinct. Je me suis perdue au moment où j’ai écouté beaucoup trop d’avis autour de moi et que j’ai laissé les autres façonner mon projet à ma place. Quand j’ai fait mon premier album (À peu près sorti en 2017, ndlr), j’ai voulu arrêter la musique car ce n’était pas moi et je ne savais même plus ce que je voulais faire, c’est parce qu’il y avait 15 personnes autour de moi qui donnaient leur avis et j’écoutais d’abord les gens avant de m’écouter moi-même. Suite à un long processus, j’ai repris la place que je voulais prendre dans les décisions artistiques et je pense que ça déclenche beaucoup de facilité, d’acceptation et donc d’inspiration.

Votre premier album a-t-il tout de même participé à forger l’artiste que vous êtes aujourd’hui ?

Je suis en paix avec ça. Sur le moment ça a été très difficile car j’avais l’impression d’avoir perdu ce que je voulais avec ce projet, c’est-à-dire me sentir bien, savoir qui j’étais, être la plus vraie possible. Je ne comprenais plus trop le sens de faire de la musique. Je me disais que dans ce cas-là, je préférais ne pas faire de la création car ça allait peut-être me blesser. J’avais envie faire d’autres métiers, d’être professeur d’anglais ou herboriste… Je me sentais perdue, j’étais hyper anorexique parce que je n’avais pas le contrôle sur mon art. C’était mon seul moyen de récupérer le contrôle sur quelque chose. Avec le recul, cette expérience m’a permis de savoir ce que je ne voulais pas de manière précise parce que j’avais un exemple concret d’un objet dans lequel il y avait beaucoup de choses que je n’aimais pas.

Vous êtes d’ailleurs actuellement en tournée. Comment se déroule la rencontre avec le public ?

Ça me fatigue plus qu’avant donc je suis peut-être juste en train de vieillir… C’est la première fois que j’ai une vraie scénographie donc il y a pas mal de nouveaux trucs à anticiper puisque je n’avais vraiment eu de décor. On a fait s’imbriquer cinq collines en vrais lichens… En plus de ça il y a soixante lampes champignon sur scène. Je trouve que ça ressemble un peu au village des Hobbits dans Le seigneur des anneaux, il y a un truc un peu magique et irréel qui ressemble aux chansons. C’est trop chouette d’avoir pu créer un univers sur scène qui ressemble à l’album.

D’où vient cette fascination pour les champignons ?

Ça vient surtout des histoires que j’ai lues quand j’étais enfant, notamment les contes de Claude Ponti, avec qui j’ai collaboré pour les visuels de cet album. Ils sont faits de beaucoup de champignons, de forêts… J’ai retrouvé des carnets de quand j’étais petite où je dessinais déjà beaucoup de champignons, j’étais fascinée par eux. Ça a toujours été un symbole hyper rassurant pour moi, comme une mini-maison. En grandissant et en devenant adulte, j’ai retrouvé toutes mes passions d’enfance… Je pense que quand on devient adulte, on se reconnecte avec des trucs qu’on a perdus à l’adolescence car c’est un moment de recherche d’identité.

Vous estimez donc avoir dépassé cette recherche d’identité ?

Depuis que j’ai eu 25 ans, j’ai eu l’impression d’avoir eu le recul nécessaire pour regarder mes années d’enfance avec plus de maturité. Ça m’a permis de comprendre beaucoup de choses que je voulais comprendre quand j’écrivais Les failles et que j’étais plutôt troublée ou que je n’avais pas confiance en moi. Les dernières années, notamment parce qu’il y a eu le succès de cet album, j’ai gagné beaucoup confiance et j’ai l’impression d’avoir une vision beaucoup plus claire de ce qu’a été mon enfance et pourquoi je suis la personne que je suis aujourd’hui.

La tournée est aussi l’occasion d’interroger l’impact environnemental de vos concerts. Vous y organisez des stands de sensibilisation et demandez au public de répondre à des enquêtes sur le sujet…

Oui. Ça fait longtemps qu’on devait mettre ça en place car en tant que musiciens, on voyage beaucoup et on transporte du matériel. Pour le moment on n’a pas la prétention de vouloir changer quoi que ce soit, c’est beaucoup d’observation, on calcule des trucs… Le but est de trouver des solutions adaptées à l’empreinte écologique d’une tournée. Avant de pouvoir les mettre en place, il faut savoir ce que cela crée comme impact. Ça me concerne et je me dis que si je peux au moins mettre mon nez là-dedans et trouver des solutions, je le fais. Mais ça implique du temps, de l’argent, donc tout le monde ne peut pas le faire. Je suis arrivé à un moment de ma vie où c’est important pour moi de mettre l’accent là-dessus.

Dans la chanson Tout ça, inclue dans la réédition de Consolation, vous demandez : « Quand tout ça sera fini, je ferai quoi de moi ? ». Envisagez-vous de ne pas faire de la musique toute votre vie ?

Je n’en sais rien. C’est vraiment une confidence aux gens sur le fait que toute ma vie c’est ça… Ça fait 10 ans maintenant j’organise tout autour de la musique, ça prend beaucoup de place dans ma vie. Je me dis : « Qu’est-ce que je ferais si je ne faisais pas ça ? » C’est effrayant car quand on fait ce genre de métier on ne se pose pas forcément la question de ce qu’on ferait s’il n’y avait pas ça car on est déjà tellement chanceux. C’est une chanson qui parle du vide et des questions qu’il pose.

Vous voulez dire qu’à côté de la musique, votre vie est vide ?

J’ai cultivé très peu d’autres choses que ça dans ma vie. C’est un peu les limites de faire ce métier car on ne se pose pas la question du reste. On a déjà tellement de chance d’être là. La réédition est faite de sujets plus intimes et que je n’avais encore jamais abordés parce que ce sont des choses qui sont venues avec ce qu’il s’est passé dans ma vie ces dernières années.

Vous êtes passée de dévoiler vos failles à un album dédié à la consolation. Peut-on dire que vous avez fait la paix avec vous-même ?

Ça dépend des moments, comme n’importe quel être humain. J’ai confiance en l’artiste que je suis ce qui est déjà un truc incroyable. Après, ça se traduit moins dans ma vie au quotidien. Le fait que mon métier prenne toute la place dans ma vie ce n’est pas toujours évident à gérer parce que je ne laisse pas beaucoup d’espace pour autre chose, je fais beaucoup de projets, j’ai du mal à lever le pied, à me reposer. J’ai toujours besoin de faire un milliard de trucs comme si ma vie en dépendait. Je pense qu’artistiquement je suis à ma place mais j’ai encore du travail pour créer un équilibre avec ma vie au quotidien qui n’existe presque plus.

Votre quête de vous-même n’est donc pas tout à fait terminée…

Je pense qu’on n’arrête jamais d’en apprendre sur soi-même et c’est un immense privilège de pouvoir le faire en étant encouragée et aimée par des milliers de gens. Mais ça biaise parfois un peu le rapport à soi-même car les gens nous aiment sans nous connaissent pas dans l’intimité. On peut se perdre beaucoup plus facilement en se disant que ça nous suffit d’être aimé par plein de gens et qu’on n’a pas besoin de travailler sur qui on est lorsque les lumières sont éteintes. J’ai commencé à faire ça depuis mes 16 ans donc j’ai toujours connu ça… Essayer de se suffire à soi-même, de se consoler soi-même et d’être sa propre consolation, c’est le travail de toute une vie mais ce n’est pas obligé d’être difficile, il faut juste accepter qu’il n’y a pas vraiment de ligne d’arrivée, c’est un moment qui dure toute la vie.