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« John Wick : chapitre 4 », plaisir coupable et répétitif

Suite des aventures du flingueur campé par Keanu Reeves, ce 4e volet tourné en partie à Paris coche toutes les cases de la saga, au risque de sentir le déjà-vu.

Par Philippe Guedj
Keanu Reeves dans  John Wick : chapitre 4  de Chad Stahelski
Keanu Reeves dans « John Wick : chapitre 4 » de Chad Stahelski © 87ELEVEN ENTERTAINMENT - LIONSGA / Collection ChristopheL via AFP

Temps de lecture : 5 min

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Les phalanges saignantes d'un poing fermé s'écrasent contre une latte verticale entourée de grosses cordes. À chaque coup, un fracas digne du tonnerre de Zeus. Le premier plan de John Wick : Chapitre 4 annonce la couleur : on n'est pas là pour causer chiffons. Dans un lugubre entrepôt souterrain, Wick (Keanu Reeves) s'entraîne, se retape et prépare sa vengeance contre La Grande Table, cette hydre mafieuse transnationale à laquelle il faisait jadis allégeance et qui cherche désormais à l'éliminer à la suite de leurs anicroches dans les précédents volets. Pour faire échec à l'organisation qui le traque, John Wick s'envole successivement à Osaka, Berlin puis Paris, base opérationnelle du marquis Brisset de Gramont (Bill Skarsgard), mandaté par La Grande Table pour dessouder Wick et ses alliés. Les deux hommes finiront par s'affronter en combat singulier dans notre capitale, selon un rituel codifié par la Grande Table. Fort de ces agapes scénaristiques, John Wick : Chapitre 4 dure presque 3 heures. C'est de loin le volet le plus long de cette étonnante saga et, pour tout dire, on les sent parfois passer.

Mais si l'on excepte cet excès de gourmandise, impossible de bouder son plaisir devant cette 4e offrande respectant à la lettre le cahier des charges imposé depuis le premier film : fusillades et rixes hyperstylées filmées en plans-séquences, violence à mi-chemin entre le comic book, le jeu vidéo et les cascades de Buster Keaton, fascination pour les cultures antique et classique, dress code chic, zeste d'humour noir… Sans oublier ces incontournables parades de mort où l'impavide Keanu Reeves, flingue 9 mm ou mitrailleuse en main, exécute à la chaîne, tel un Terminator, des assaillants fondant sur lui par grappes entières. Presque toujours, l'ennemi est achevé d'une balle dans la tête, le sang gicle et macule les surfaces mais la caméra s'attarde davantage sur la chorégraphie et la mise en lumière du spectacle, pensé comme une performance artistique.

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De plus en plus indestructible, avec son costard doublé en kevlar, John Wick se relève toujours en un seul morceau de plusieurs chocs avec divers véhicules ou de chutes de plusieurs mètres. Un bonhomme incassable dont le programme principal se résume à quatre lettres : tuer. Surnommé le Baba Yaga (figure du croquemitaine dans le folklore slave), Wick survit à tout : toi qui entres ici, spectateur, abandonne toute espérance de réalisme ! Tout comme l'on va à James Bond ou Marvel, ce n'est pas ce que l'on vient chercher dans un John Wick. Cirque de l'excès provoquant davantage le rire que l'effroi, cette franchise a su imposer un style, un ton et un héros nouveau dès son premier opus en 2014. Stupide sur le papier (un ex-tueur à gages reprend du service pour venger son chien abattu par des truands russes venus l'agresser à domicile), le pitch fonctionnait pourtant impeccablement et laissait même de la place pour une discrète émotion entre les douilles fumantes. Ange exterminateur en retraite de sa vie d'assassin pour l'amour d'une femme, John Wick commençait le film en veuf triste et résilient après que la maladie a emporté sa bien-aimée.

Parcours de gnons rue Foyatier

Sa détermination à exécuter les meurtriers de son petit Beagle prenait sens, tandis que le film levait le voile sur l'univers souterrain de La Grande Table : ses hôtels quatre étoiles sanctuaires pour membres en vadrouille, sa fourmilière de flingueurs tapis à tous les coins de rue, son système de monnaie interne, son code d'honneur remontant à l'ère romaine… John Wick 2 (2017) et John Wick Parabellum (2019) creusaient encore un peu plus cette mythologie : tout en confrontant Wick à un passé sans cesse à ses trousses, les films élargissaient la focale de La Grande Table et nous régalaient de cascades toujours plus ahurissantes à moto, en voiture, à cheval ou à pied. Un festival orchestré de main de maître par le réalisateur Chad Stahelski, ancien cascadeur et doublure de Keanu Reeves sur les Matrix. Dans John Wick : chapitre 4, tous les ingrédients sont bien là et la mayonnaise prend assurément, mais impossible d'ignorer ce je-ne-sais-quoi de légère déception. Pas grand-chose, mais tout de même…

John Wick prépare sa vengeance dans les entrailles du métro parisien. © Metropolitan/Lionsgate

On regrettera par exemple le manque d'imagination des auteurs quant à la longue parenthèse parisienne, réduite aux sempiternelles cartes postales : la tour Eiffel est quasiment de tous les plans, John Wick roule à contresens sur la place de l'Étoile by night et les caméras se posent devant le Sacré-Cœur pour le grand final. Mais surtout, comme pour toute franchise codifiée, l'absence de surprise se fait plus menaçante sur ce Chapitre 4 sentant un peu la répétition. Des seconds rôles marquants dans les films précédents, tels que Winston (Ian McShane) et le roi du Bowery (Laurence Fishburne) perdent de leur superbe, tandis que les acteurs méga cultes Clancy Brown et Donnie Yen paraissent sous employés dans leurs personnages respectifs. Enfin, John Wick lui-même flirte, parfois, avec le mauvais côté de la fine ligne de démarcation séparant l'humour noir de l'auto-parodie.

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Après une très belle entrée en matière, le marquis de Gramont, joué avec componction par Bill Skarsgard, tourne un peu en rond au fil des actes. Pas de quoi sortir la sulfateuse pour autant : ce quatrième chapitre ménage au moins trois morceaux de bravoure (dont un incroyable parcours de gnons sur les 222 marches bien raides de la rue Foyatier à Montmartre), Donnie Yen bouge toujours comme un fauve imprévisible et le plaisir de retrouver toute cette faune de tueurs dignes d'une couverture Vogue Homme reste quasi intact. De La Divine Comédie aux Guerriers de la nuit de Walter Hill en passant par Lawrence d'Arabie, les clins d'œil pullulent dans un grand mix classico-pop culturel qui ajoute au charme du voyage. Marqué par une ultime révélation, le final appelle un cinquième chapitre d'ores et déjà annoncé mais dont la perspective laisse un peu perplexe. John Wick peut-il durer autant que James Bond ? La réponse au prochain épisode.

John Wick : chapitre 4, de Chad Stahelski. En salle le 22 mars.

Le Hors Série

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