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Julien Bayou accusé de violences psychologiques par son ex-compagne : comprendre quatre mois de crise à EELV

Le secrétaire national d’EELV a quitté ses fonctions, en dépit de l’absence de plainte et d’enquête judiciaire. Une cellule au sein du parti suit une affaire ayant provoqué une crise politique chez les Verts.

L’enquête est sensible et l’étape importante. L’ancienne compagne de Julien Bayou, l’ex-secrétaire national d’Europe écologie-Les Verts (EELV), qu’elle accuse de violences psychologiques, a officiellement saisi, lundi 3 octobre, la cellule du parti consacrée à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (CVSS). Elle entend par là « récupérer sa parole, parole totalement confisquée dernièrement – essentiellement par des hommes et leurs complices – au mépris de son existence », ajoute le communiqué diffusé par son avocate, Me Elodie Tuaillon-Hibon.

« Il n’y a pas d’affaire Bayou », s’est défendu, pour sa part, le mis en cause dans un entretien au Monde publié mardi 4 octobre. « Il n’y a pas d’accusation, je ne peux pas m’en défendre, et pourtant je suis présumé coupable. Mes accusatrices disent elles-mêmes qu’il n’y a rien de répréhensible », assure celui qui n’a aucunement l’intention de quitter son siège à l’Assemblée nationale. Julien Bayou affirme n’avoir « jamais commis de violence psychologique à l’égard de [son] ex-compagne », et « compte bien le démontrer ».

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La CVSS s’était déjà autosaisie en juillet, après un courriel de l’ex-compagne de M. Bayou. Pour la sérénité de ses travaux, la structure revendique son mutisme, et rien ou presque n’a filtré depuis. Que les faits allégués restent nimbés de mystère n’a pas empêché le battage, dans les médias et sur les réseaux sociaux, d’une ampleur telle que Julien Bayou a démissionné de ses fonctions de secrétaire national d’EELV, en dépit de l’absence de plainte et d’enquête judiciaire contre lui.

Le tortueux itinéraire de la polémique

A la connaissance du Monde, la première mention publique d’accusations contre Julien Bayou apparaît le 19 juin, dans un post anonyme publié sur le compte Instagram BalanceTonElu. On y voit un bulletin de vote pour le patron d’EELV, alors candidat au second tour des législatives à Paris, sur lequel a été écrit à la main « prédateur ». Le message joint à l’image évoque des « militantes écoféministes » qui « ont tenu à faire passer un message » : « Du fait du souvenir traumatique qu’il leur a laissé, elles ne pouvaient pas (…) voter Julien Bayou. »

Le mystère qui entoure cette publication s’estompe un peu le 7 juillet, dans un article du Figaro consacré aux « partis de gauche face au spectre des violences sexuelles ». Interrogé par le journal, Julien Bayou évoque une « rupture douloureuse et difficile », qui « ne constitue en rien des violences sexistes ou sexuelles ni des comportements inappropriés envers quiconque ». Il prête à son ex-compagne « une rancœur qu’elle ne cache pas puisqu’elle m’a clairement écrit (…) : “Inquiète-toi. Je vais revenir et en force. (…) La chute va être douloureuse.” »

Publiées moins de trois semaines après le choc du second tour des législatives, tandis que se préparent dans l’effervescence les débats parlementaires sur le pouvoir d’achat, ces quelques lignes écrites à la fin d’un article réservé aux abonnés, qui ne mentionne pas Julien Bayou dans son titre, ont alors peu d’écho.

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Il faut attendre le 19 septembre pour que l’accusation résonne. Dans l’émission « C à vous » de France 5, Sandrine Rousseau, députée (EELV) de Paris et tenante de l’écoféminisme, réagit à une interpellation du parti adressée sur Twitter par le collectif féministe NousToutes. L’élue évoque au sujet de Julien Bayou des « comportements de nature à briser la santé morale des femmes », et dit avoir rencontré son ancienne compagne : « Au moment où j’ai reçu cette femme, elle était dans un état très déprimé, elle était très mal, elle a d’ailleurs fait une tentative de suicide quelques semaines après. »

Mme Rousseau ajoute que les femmes nourrissant des griefs contre Julien Bayou « sont manifestement plusieurs », tandis qu’une enquête de journalistes « semble être en cours ». Autant de précisions dont l’imprécision nourrit les conjectures, et la pression sur le patron des Verts monte immédiatement. Dès le lendemain, il est mis en retrait de la coprésidence du groupe EELV à l’Assemblée. Le 26 septembre, il n’est plus secrétaire national.

L’article de « Libération », une nouvelle déflagration

Quelques jours plus tard, le parti écologiste, déjà passablement secoué, est bouleversé une deuxième fois par une enquête de Libération publiée le 30 septembre. Selon cet article, Julien Bayou a fait l’objet, depuis trois ans, de recherches conduites par des militantes écologistes et féministes hors de tout cadre formel. D’après le journal, qui décrit une « atmosphère de défiance, presque de surveillance », plusieurs femmes ayant eu des relations sentimentales avec le patron d’EELV ont été contactées dans l’objectif « de s’assurer du comportement de Julien Bayou envers les femmes », et de protéger sa compagne d’alors d’éventuels comportements inappropriés. Une boucle WhatsApp aurait été formée à cet effet.

La cellule d’EELV mise en cause et défendue

D’après le journal, l’une des membres de la CVSS faisait également partie du groupe informel ayant ciblé la vie privée de Julien Bayou – de quoi jeter le doute sur l’impartialité de la structure. Dans un communiqué diffusé le 1er octobre, la direction du parti assure que « toutes les personnes ayant un lien avec Julien Bayou se sont déportées du dossier ».

La CVSS avait déjà été ciblée par l’avocate de l’intéressé, lors d’une conférence de presse le jour de sa démission : la pénaliste Marie Dosé avait alors déploré que la CVSS, sollicitée « à quatre reprises » par son client, ait chaque fois refusé de l’entendre. Cette remarque laisse penser que la cellule ne s’embarrasse guère des exigences d’une enquête contradictoire. Il se peut qu’en réalité, elle ne fasse que respecter ses règles de procédure, selon lesquelles « la dernière personne auditionnée est toujours la personne mise en cause, au cas où des témoignages apporteraient de nouveaux éléments qu’il faudrait lui soumettre ».

Cette mention appelle une audition de Julien Bayou, tout en justifiant qu’elle n’ait pas encore été organisée. Une procédure contradictoire « aura bien lieu, mais c’est à la cellule de fixer son calendrier », a d’ailleurs assuré Alain Coulombel, porte-parole d’EELV. Dans l’entretien au Monde, l’ex-patron des Verts dénonce vivement que les choses n’aillent pas plus vite.

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Samedi 1er octobre, au lendemain de la publication de l’enquête de Libération, EELV a rassemblé son bureau exécutif et sa CVSS. Deux informations importantes sont sorties de cette réunion. La première, issue d’un communiqué de presse, c’est que, à ce stade, la cellule « n’a pas estimé qu’il y avait lieu de suspendre de manière conservatoire Julien Bayou, et (…) poursuit son travail et ses auditions ».

La seconde, issue du discours de Jérémie Crépel, secrétaire national adjoint d’EELV, c’est que le parti, tout en disant renouveler sa « confiance » dans la cellule, envisage « la possible nécessité d’externaliser toutes ou une partie des enquêtes ». Par ailleurs, un audit « par un organisme externe indépendant », prévu bien avant l’affaire, « sera fait ».

Malaise dans les partis

Ce recours annoncé à des tiers illustre la difficulté qu’éprouve EELV, mais aussi d’autres partis, à instruire les accusations de violences sexuelles et sexistes. La France insoumise avait subi des critiques pour avoir retiré à Taha Bouhafs, du jour au lendemain ou presque, son investiture aux législatives dans le Rhône, après l’accusation formulée par une ancienne compagne sans dépôt de plainte.

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Un certain embarras semble avoir gagné les états-majors des partis, enjoints de traiter ces accusations sans pour autant s’improviser juges, avocats ou procureurs. Le patron du Parti communiste français, Fabien Roussel, a ainsi appelé les partis, mardi 20 septembre sur BFM-TV, à réfléchir ensemble à un « cadre de règles » internes pour traiter les violences faites aux femmes, tout en jugeant délicat de « faire la justice sans être la justice ».

Hésitation comparable chez Yannick Jadot : l’ex-candidat écologiste à la présidentielle a jugé, vendredi 30 octobre sur BFM-TV, que Julien Bayou n’aurait pas dû être « sanctionné » par son parti en l’absence de conclusions de la CVSS ou de dépôt de plainte. Le 25 septembre, il appelait pourtant son camarade à se « mettre en retrait » de ses fonctions à la tête d’EELV.

L’institution judiciaire en accusation

Depuis la place Vendôme, le ministre de la justice n’apprécie guère, lui, de voir des investigations conduites par les partis, donc hors du cadre judiciaire. « Je pense qu’il est temps de siffler la fin de la récréation, a déclaré Eric Dupond-Moretti, le 27 septembre, lors d’une conférence de presse. On est en train, là, de créer une justice de droit privé qui n’a strictement aucun sens. (…) Il n’y a pas de code de déontologie mis en place par tel ou tel parti (…) : il y a une justice qui reçoit les plaintes, qui doit les recevoir en s’améliorant en permanence. (…) La justice, c’est une institution qu’on ne peut pas mettre de côté avec je ne sais quel groupe, sous-groupe, Politburo. »

Ce commentaire imagé a de quoi ulcérer les milieux féministes, qui dénoncent régulièrement les lacunes de l’institution en matière de violences sexuelles, et demandent que la « présomption de vérité » soit reconnue aux accusatrices dans des affaires où les faits sont souvent difficiles à prouver. Sandrine Rousseau a encore répété cette ligne, dimanche sur France 3, en jugeant l’article de Libération « extrêmement problématique sur le fond », au motif que « les femmes ont le droit de se parler, et elles ont le droit de se protéger, et tant que la justice ne le fera pas, il n’y a rien de condamnable à cela ».

Julien Lemaignen

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