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L’annexion russe « ne change rien » pour les Ukrainiens tandis que la contre-offensive se poursuit

Pas l’indifférence, mais pas non plus la sidération teintée de colère qu’avait suscitée, huit ans plus tôt, l’annexion par Moscou de la péninsule de Crimée. C’est plutôt avec une détermination dépourvue de surprise qu’une Ukraine depuis sept mois tout entière tournée vers la guerre a accueilli ce vendredi 30 septembre le discours de Vladimir Poutine sur l’annexion de près de 100 000 km2 de territoire ukrainien.

« Bien sûr que ça ne change rien pour nous, nous sommes toujours en guerre, nous voulons toujours la même chose », commente auprès de La Croix le député ukrainien Iaroslav Yourchitchine. En reprenant une phrase devenue ces derniers mois en Ukraine un quasi-mantra : « Si la Russie arrête de combattre, il n’y a plus de guerre, mais si l’Ukraine arrête de combattre, il n’y a plus d’Ukraine. » C’est de fait non pas sur Moscou que les regards de la société ukrainienne étaient tournés ce week-end, mais sur Lyman, une petite bourgade dans l’est du pays.

Des Ukrainiens confiants

Conquise par l’armée russe à la fin du mois de mai, la ville s’est retrouvée presque totalement encerclée par les forces ukrainiennes, alors même que Vladimir Poutine annonçait depuis le grand palais du Kremlin l’annexion de la région, avant de poursuivre son discours par un long laïus violemment antioccidental, aux accents de bataille millénariste entre le camp du bien et celui du mal. Un jour plus tard seulement, le ministère de la défense russe reconnaissait avoir retiré ses troupes de la ville pour éviter un humiliant encerclement.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a quant à lui répondu au discours d’annexion de Vladimir Poutine en assurant que « l’Ukraine ne (tiendrait) aucune négociation avec la Russie tant que Poutine est le président de la Fédération de Russie ». Une fin de non-recevoir au président russe, qui a enjoint le 30 septembre au « régime de Kiev » de « retourner à la table des négociations », avant d’immédiatement préciser que Moscou ne reviendrait jamais sur l’annexion des régions ukrainiennes.

Plutôt que d’insister sur l’absence de légitimité de l’annexion russe, le pouvoir ukrainien a ainsi préféré se concentrer sur sa fragilité : « En tentant d’annexer les régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson, Poutine essaye de s’emparer de territoires qu’il ne contrôle même pas physiquement », a ainsi réagi Dmytro Kouleba, le ministre ukrainien des affaires étrangères, juste après le discours de Vladimir Poutine. L’armée russe échoue en effet toujours à contrôler la totalité de ces quatre régions : quelques heures avant l’annonce officielle de l’annexion, le chef de l’administration d’occupation russe dans la région de Zaporijjia a ainsi dû se résigner à déclarer la localité de Melitopol capitale « temporaire » de la région, la grande ville de Zaporijjia elle-même étant toujours entre les mains de l’Ukraine.

Effacer le souvenir d’Ilovaïsk

La reprise de Lyman par l’armée ukrainienne moins d’une journée après que Vladimir Poutine a déclaré la région comme une terre russe a dans ces conditions revêtu une importance symbolique particulière pour Kiev. Première localité libérée par l’armée ukrainienne après l’annexion russe, le « chaudron de Lyman » a aussi ravivé en Ukraine la mémoire d’un conflit démarré il y a huit ans par l’annexion de la Crimée et le soutien de Moscou à des groupes séparatistes prorusses. En août 2014, l’encerclement de près de 1 200 soldats ukrainiens par des forces régulières russes près de la ville d’Ilovaïsk avait traumatisé la société ukrainienne. « Aujourd’hui, c’est la Russie qui va devoir demander une porte de sortie », a commenté Mykhailo Podoliak, conseiller de la présidence ukrainienne, quelques heures avant que la reprise de la ville ne soit confirmée par Volodymyr Zelensky.

Pas de changement de plan pour Kiev dans sa guerre contre la Russie, mais une crainte : qu’un Vladimir Poutine acculé n’envisage le recours à des frappes nucléaires tactiques. « Les objectifs que Vladimir Poutine chercherait à accomplir en utilisant l’arme nucléaire sont inatteignables », explique Oleksiy Melnyk, spécialiste des questions de défense, au média ukrainien NV, mais « l’histoire de ces sept derniers mois est une longue liste d’erreurs stratégiques du Kremlin ».