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L’Europe adopte enfin le chargeur universel. Et maintenant ?

C’est une phrase qui résume à elle seule le chemin de croix européen pour parvenir à harmoniser les chargeurs : “Nous avons attendu ces règles pendant plus de dix ans mais nous pouvons enfin laisser la pléthore actuelle de chargeurs aux oubliettes”, a affirmé mardi [4 octobre] le député européen Alex Agius Saliba, rapporteur du projet de loi.

Oui, le député travailliste maltais a raison, l’Union européenne (UE) aura mis plus d’une décennie pour parvenir à un accord sur les chargeurs. Et non, il n’est pas du tout certain que cette “pléthore de chargeurs” disparaisse. Car, évidemment, tous les regards se tournent vers Apple, réfractaire depuis toujours à cette harmonisation.

Reste que ce mardi, l’UE a bel et bien franchi une étape importante vers la création d’un chargeur unique. Par 602 voix pour (13 votes contre et 8 abstentions), le Parlement européen a voté en faveur de ce projet. Ce chargeur unique, ce sera l’USB-C, que l’on voit de plus en plus équiper téléphones, consoles de jeux portables et ordinateurs. Il sera obligatoire pour tous les appareils domestiques d’une puissance inférieure ou égale à 100 watts. En face, reste le port Lightning d’Apple, dont sont équipés tous ses iPhone actuels. Il deviendra illégal.

Entrée en vigueur fin 2024

Au niveau européen, la feuille de route est la suivante, après le feu vert donné en juin dernier par les 27 pays de l’UE : le Conseil européen va rapidement approuver la nouvelle directive, puis les États membres auront 12 mois pour transposer les règles dans leur droit national. Et ils disposeront d’un an supplémentaire pour les appliquer. Les exigences d’interopérabilité entreront ainsi formellement en vigueur fin 2024. Mais pas pour tous les produits : les ordinateurs portables ne seront concernés que dès le printemps 2026.

Au final, il aura donc fallu attendre treize ans pour une décision définitive, depuis le premier projet européen. Et même quinze pour une entrée en force dans la pratique. À titre de comparaison, l’iPhone, présenté en 2007 par Apple, est arrivé sur le marché suisse il y a… treize ans.

Pourquoi un processus aussi long pour une “loi à l’épreuve du temps”, comme l’imageait mardi Alex Agius Saliba ? Avant tout à cause de la réticence d’Apple, qui n’a jamais voulu abandonner son connecteur propriétaire Lightning (lancé en 2012), ni son connecteur précédent à 30 broches. La firme américaine a toujours affirmé que la laisser développer ses propres ports permettait de stimuler l’innovation.

En face, ses détracteurs accusent la société dirigée par Tim Cook de maximiser ses profits, en vendant elle-même davantage de chargeurs Lightning et en touchant de l’argent pour chaque chargeur ou câble Lightning vendu par une société tierce.

Supprimer la “dépendance technologique”

L’UE n’est pas dupe de ces pratiques, elle qui affirmait mardi que le chargeur unique “permettra de supprimer la dépendance technologique des consommateurs à l’égard des producteurs, aussi appelée ‘effet lock-in’”. À noter qu’Apple a par ailleurs déjà adopté le connecteur USB-C pour charger ses ordinateurs Mac.

De son côté, Bruxelles met aussi en avant l’aspect environnemental. Margrethe Vestager, vice-présidente de la Commission européenne, explique :

“Le déploiement d’un chargeur unique va représenter au moins 200 millions d’euros d’économies par an pour les consommateurs européens et permettre de réduire de plus d’un million de tonnes les déchets chaque année.”

La suite sera intéressante à suivre. Pour l’heure, l’UE ne précise pas comment elle-même, ou surtout ses membres, pourra sanctionner d’éventuelles entreprises récalcitrantes. Y aura-t-il des amendes ? Voire des interdictions de vendre certains appareils sur le territoire européen ? C’est possible.

Vers une charge sans fil ?

Mais il n’est pas certain que l’on arrive à de telles extrémités. En effet, il est probable que les prochains iPhone, commercialisés en automne 2023, mais plus probablement ceux en automne 2024, seront dépourvus de connecteur : la charge pourrait alors s’effectuer sans fil. Ce qui posera alors deux nouveaux problèmes : que feront les consommateurs de tous les câbles avec connecteur Lightning ? Et y aura-t-il alors une harmonisation des chargeurs sans fil, pour qu’un appareil de Samsung recharge un téléphone d’Apple, et vice-versa ? Pour l’heure, il n’y a pas de norme unique en la matière.

Il est aussi envisageable que de futurs iPhone soient tout de même équipés de connecteurs USB-C. Selon l’agence Bloomberg, Apple teste depuis des mois des prototypes d’iPhone équipés de ce connecteur. L’opération n’a rien d’impossible : il y a quelques mois, un étudiant de l’EPFL, Ken Pillonel, était parvenu à équiper un smartphone d’Apple avec un port USB-C. L’immense majorité des modèles concurrents fonctionnent avec des ports USB-C.

L’autre voie du Brésil

Le Brésil prend de son côté une autre voie. Il y a un mois, le gouvernement décidait qu’Apple ne pourra plus vendre d’iPhone sans chargeur et devra s’acquitter d’une amende équivalente à 2,45 millions de francs [2,52 millions d’euros]. Depuis des années, affirmant agir pour le bien de la planète, Apple vend ses iPhone avec un câble, mais sans chargeur. Le gouvernement brésilien poursuit la société américaine pour “vente d’un produit incomplet ou dépourvu des fonctionnalités essentielles, refus de vendre un produit complet en discriminant le consommateur, et transfert de responsabilité à des tiers”.

Apple avait annoncé en octobre 2020 que les écouteurs et chargeurs ne seraient plus inclus dans les paquets des nouveaux iPhone 12, puisque de nombreux clients les avaient déjà. Pour les autorités brésiliennes, “la décision de l’entreprise de vendre les appareils sans chargeur a fini par transférer toute la charge sur le consommateur”. Selon Bloomberg, “le fabricant pourrait prendre d’autres mesures pour réduire l’impact environnemental, comme l’utilisation de câbles et de chargeurs à connecteur USB-C”.