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« L’immense intrication commerciale des économies propage le coût humain de la guerre bien au-delà des frontières ukrainiennes »

Philippe Martin

Doyen de l’Ecole d’affaires publiques à Sciences Po

Thierry Mayer

Professeur et directeur du département d’économie de Sciences Po

Mathias Thoenig

Professeur d’économie à l’université de Lausanne

Les trois économistes Philippe Martin, Thierry Mayer et Mathias Thoenig analysent, dans une tribune au « Monde », les liens complexes et renouvelés entre commerce international et conflits militaires au regard de la guerre en Ukraine.

Temps de Lecture 4 min.

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L’invasion russe en Ukraine a remis sur le devant de la scène le lien entre guerre et commerce international. Pour certains, elle remet en cause l’effet pacificateur de la mondialisation. Pour d’autres, les sanctions commerciales contre la Russie, en augmentant le coût de la guerre pour la Russie, pourraient inciter Vladimir Poutine à changer de stratégie et le pousser à négocier.

Pour la première fois, ces sanctions prennent la forme non seulement d’un embargo qui doit affecter les quantités exportées, mais aussi d’un prix maximal sur le pétrole russe exporté. Cette guerre bouleverse, en tout cas, le commerce mondial, avec des répercussions sur les chaînes de valeur, les prix mondiaux de l’énergie, des matières premières et agricoles à la fois dans les pays riches et les pays pauvres les plus fragiles. Aujourd’hui, c’est bien l’immense intrication commerciale des économies qui propage le coût humain de la guerre bien au-delà des frontières ukrainiennes.

Un « retour à la normale » prend entre quinze et vingt ans

Le lien entre commerce et conflits militaires est complexe et ambigu. Un fait est cependant bien établi depuis la fin de la seconde guerre mondiale et se vérifie dans le cas du conflit en Ukraine : la guerre endommage de manière persistante les liens commerciaux entre les pays… mais ne les supprime pas.

Dans un travail empirique que nous avions mené en 2006 (« La mondialisation est-elle un facteur de paix ? », Centre pour la recherche économique et ses applications) et qui a ensuite été corroboré par d’autres, nous estimions qu’en moyenne, depuis la seconde guerre mondiale, un conflit militaire réduit rapidement, et de manière durable, le commerce entre belligérants d’un ordre de grandeur situé autour de 35 %.

Le « retour à la normale » sur le plan commercial, une fois le conflit éteint, prend entre quinze et vingt ans. Dans le cas du conflit de 2014 entre l’Ukraine et la Russie, le commerce bilatéral a été réduit mais pas éliminé. Même en plein conflit, le commerce continue. Par ailleurs, un conflit peut réduire le commerce non seulement entre les belligérants mais aussi entre ceux-ci et le reste du monde. Depuis le début de la guerre, les importations russes ont chuté (en partie du fait des sanctions) en provenance des pays occidentaux (ce qui avait déjà été le cas en 2014), mais aussi des pays asiatiques.

Les guerres ont donc, au-delà du coût humain, un coût économique. La croyance de Montesquieu (1689-1755) dans le « doux commerce » qui a pour « effet naturel de porter à la paix » peut, en partie, se fonder sur ce calcul économique.

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