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L’intelligence artificielle, ce nouvel outil de recrutement pour les entreprises qui pourrait créer… de nouveaux problèmes

L’IA pourrait-elle créer de la discrimination dans le système de recrutement ?

© Flickr/Victor1558

Innovation technologique

L'intelligence artificielle est un outil de plus en plus utilisé par les entreprises. L’IA pourrait-elle créer de la discrimination dans le système de recrutement ?

Caroline Diard est enseignant-chercheur en Management des RH et Droit à l'ESC Amiens.

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Atlantico : L'intelligence artificielle est un nouvel outil de recrutement de plus en plus utilisé par les entreprises. Aux Etats-Unis, 83% des employeurs, dont 99% des entreprises de Fortune 500, utilisent désormais une forme d’outil automatisé dans le cadre de leur processus d’embauche. Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ?

Caroline Diard : Il y a plusieurs phases dans un processus de recrutement : la définition du poste, la diffusion de l’annonce et la sélection. Tout ceci peut être fait par un algorithme. C’est-à-dire que des critères vont être définis, et l’intelligence artificielle va en faire une sélection. Cela existe déjà dans une base de données de CV sur LinkedIn ou autre ou le tri par critères est possible. Puis, il y a la seconde phase qui est celle de l’entretien qui peut être fait par un chatbot, une intelligence artificielle. Cette étape là est donc faite par un personnage virtuel. Il y a un cabinet de recrutement qui s’appelle « Obo » qui propose un petit personnage et qui vous fait passer l’entretien. Ce qui est avantageux pour le candidat c’est que l’échange est programmé et celui-ci peut se faire sur le téléphone. De plus, il n’y a pas l'intervention d’un recruteur. Pour le coup, nous sommes vraiment dans le domaine de l’intelligence artificielle.

Au niveau des différentes étapes de recrutement, sur le tri et l’entretien, il est possible de faire intervenir cette forme d’outil automatisé. Après, sur la décision finale, il y a intervention humaine. Si on va plus loin, on pourrait effectivement tout automatiser jusqu’à la signature du contrat de travail. Cependant, il faudra bien prendre en compte si l’intelligence artificielle ne va pas reproduire de la discrimination humaine.

Quels sont les avantages pour une entreprise d’utiliser l’IA dans leur processus de recrutement ? 

C’est tout simplement un gain de temps. Des gens font ça toute la journée, cela prend beaucoup de temps. Après avoir diffusé les annonces, le recruteur va devoir trier des CV. Pour cette étape, si une intelligence artificielle peut le faire, c’est très pratique. Il suffit de se retrouver sur une plateforme de recrutement comme LinkedIn et de faire une simple recherche avec des critères de sélection. Cela va proposer plusieurs CV. Après la phase de sélection avec plusieurs entretiens, cela prend beaucoup de temps. Aujourd’hui, comme on est dans une période où les entreprises recrutent beaucoup, il y a une pénurie dans plusieurs secteurs. Donc, le premier qui dégaine une proposition d’embauche l’emporte. Il faut être très rapide dans le processus. Et pour ça, il faut automatiser les process, ce que l’intelligence artificielle propose.

L’IA pourrait-elle créer de la discrimination dans le système de recrutement ?

L’intelligence artificielle, pour que les critères de sélection ne soient que des critères objectifs (pas d’âge, pas de domiciliation, pas de sexe), doit être bien programmée. Ce sont des algorithmes apprenant. Si des erreurs ont été faites, elles vont être reproduites par l’intelligence artificielle. Tout dépend de ce qu’on lui a appris. Si dans les mots clés, l’algorithme détecte les prénoms et que celui d’une femme est repéré et exclus, la discrimination est bien là. Pour éviter cela donc, c’est à l’homme d’apprendre ce qu’il faut à l’intelligence artificielle.

Concernant les salariés plus âgés, il y a un problème général sur la digitalisation de tous les processus. Une des contraintes qui ressort dans la RH est l’accès à l'outil et la compétence pour l’utiliser. Ce qui a été un point mis en évidence pendant la crise sanitaire. Car pendant le confinement, certaines personnes ne savaient pas utiliser les outils. Ça sera donc toujours un frein. Ce ne sont pas forcément les personnes âgées qui n’utilisent pas ces nouveaux outils, c’est aussi un problème d’agents qui ont des qualifications n’étant pas liées à l’informatisation. Ce n’est pas qu’une question d’âge, c’est une question de métier et d’aptitude. Par exemple, des jeunes sont très à l’aise avec tout ceci et pourtant d’autres n’ont pas forcément d’appétence. En revanche, il est vrai que les premiers exclus vont être les seniors et les salariés les moins qualifiés. Il y a toujours la question de l’accès à la technologie. Après, effectivement que passer un entretien avec un bonhomme virtuel pour une personne de 60 ans peut être dérangeant.

Comment faire pour réguler ce système ?

Si on veut réguler un système, cela veut dire qu’il faut continuer à le contrôler et ne pas lui faire confiance. Il faut qu’il y ait un pilote du système et qu’il soit intégré dans le processus. Et personnellement, je pense que c’est bien de terminer ce processus par un entretien de visu. Dans l’entretien, il y a toute la communication non verbale du candidat qui va passer et qui est intéressante pour un recruteur. Celui-ci possède son expérience du métier, savoir si le candidat va s’intégrer et s’entendre avec l’équipe. Il y a des critères qui peuvent être plus de l’ordre du comportemental et du relationnel qui vont être plus compliqués à évaluer. Cela reste compliqué d’aller au bout du processus avec de l'IA, surtout pour certains postes. Je vois la chose comme quelque chose d’intéressant si c’est bien contrôlé et si cela ne va pas dans des biais cognitifs et de programmation. Cela va bien dans les premières étapes du recrutement, après il faut une intervention humaine car on négocie un salaire par exemple.

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