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[La chronique de Bernard Peignot] Héritière et attributaire des terres

L’histoire

Claude propriétaire, avec son épouse, d’un ensemble de parcelles en nature d’herbage, les avait données à bail à leur fille Edith et à son époux. Ces derniers les mettaient en valeur dans le cadre de leur propre exploitation agricole. À son décès, survenu en 2020, Claude laissait pour lui succéder son épouse et ses deux enfants, Edith et Eric.

Le contentieux

Aucun accord n’ayant pu être trouvé sur les modalités du partage des biens de Claude, Eric avait assigné sa mère et sa sœur Edith devant le tribunal judiciaire en liquidation et partage de la succession de ce dernier.

En cours d’instance, Edith avait sollicité l’attribution préférentielle des parcelles prises à bail. C'est un mécanisme prévu par l’article 832 du code civil, qui permet à un héritier de se voir conférer la pleine propriété d’un bien, au lieu que ce dernier soit soumis à l’indivision, à condition que certaines exigences soient respectées. 

L’attribution préférentielle d’une exploitation agricole est en particulier subordonnée à la condition que celle-ci constitue une unité économique. Mais pour pouvoir l'apprécier, peut-on prendre en compte des parcelles prises à bail et mises en valeur dans le cadre d’une exploitation appartenant au conjoint du demandeur ? Telle était la question posée aux juges.

En effet, pour Eric, qui s’était opposé à la demande d’Edith, un droit au bail ne caractérise pas une exploitation agricole, qui se définit comme une unité économique constituée de terres, de bâtiments et de matériel.

« La perte de ces terres mettrait en péril la continuité de l’activité laitière des époux »

Mais l’avocat d’Edith s’était référé à la jurisprudence de la Cour de cassation. En prévoyant le cas où le demandeur à l’attribution préférentielle était déjà copropriétaire, avant le décès, d’une partie des biens formant une unité économique, le législateur n’a pas entendu exclure le cas où il bénéficierait d’un bail rural. Au vu de cette jurisprudence, le tribunal lui avait donné raison et la cour d’appel avait ensuite confirmé la solution.

En effet, l’époux d’Edith exploitait des terres agricoles d’une surface de 184 hectares, incluant les parcelles d’une surface de 23 ha qui lui avaient été données à bail, avec son épouse, par Claude. La perte de ces terres mettrait en péril la continuité de l’activité laitière des époux, tandis que leur maintien permettrait de salarier leur fils. Ainsi, les terres litigieuses constituaient, avec l’exploitation agricole de l’époux d’Edith, une entreprise agricole et les intérêts en présence justifiaient qu’elles fussent attribuées par préférence à Edith.

La haute juridiction saisie par Eric n’a pu que confirmer la solution en se retranchant derrière l’appréciation souveraine de la cour d’appel.

L’épilogue

Grâce à l’attribution préférentielle des parcelles obtenue par Edith, le bail va prendre fin et l’exploitation agricole de cette dernière et de son époux va pouvoir se restructurer. C’est tout l’intérêt du dispositif prévu par le code civil, dont la fonction est bien d’éviter, autant que possible, la vente ou le morcellement de biens familiaux à vocation agricole.