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« La Demeure du vent », de Samar Yazbek : le dormeur du djebel alaouite

Le roman des derniers instants d’un soldat blessé dans la guerre qui ravage le pays depuis 2011. Souffle lyrique de l’écrivaine syrienne

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« La Demeure du vent » (Maqâm al-rîh), de Samar Yazbek, traduit de l’arabe (Syrie) par Khaled Osman et Ola Mehanna, Stock, « La cosmopolite », 250 p., 20,90 €, numérique 15 €.

Un soldat blessé par un tir ami – une bombe larguée par erreur sur sa patrouille – agonise au pied d’un arbre, sur les crêtes d’une montagne. Entre ses vaines tentatives pour se relever et apprécier la gravité de ses blessures, entre les délires provoqués par la douleur et la conscience exacerbée propre aux instants qui précèdent la mort, Ali revoit les moments marquants de sa courte vie, depuis l’enterrement de son frère aîné, tué à la guerre, jusqu’à ce jour où, arrêté à un barrage de miliciens, il a été à son tour enrôlé dans l’armée syrienne.

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La Syrie reste au cœur de l’écriture de Samar Yazbek (née en 1970), installée à Paris depuis qu’elle a dû quitter son pays, en 2011, après avoir participé aux premiers mois de la révolution et effectué un bref séjour en prison. La Demeure du vent est son troisième roman traduit, outre trois autres ouvrages en forme de témoignages sur le soulèvement, puis sur la guerre civile en Syrie – pays où elle était retournée clandestinement en 2012 et 2013 et d’où elle a rapporté un récit terrible, Les Portes du néant (Stock, Prix du meilleur livre étranger 2016). Comme souvent dans un contexte de guerre, et plus encore de guerre civile, fiction et non-fiction se nourrissent l’une l’autre, se complètent et participent d’un vaste projet d’écriture de l’histoire, dont les écrivains se vivent comme les garants et les dépositaires.

Mais avec La Demeure du vent, la fiction prend toute sa place, les artifices de la littérature se déploient librement. La Syrie évoquée ici est celle de la montagne alaouite, que connaît bien Samar Yazbek, issue de cette communauté qui est aussi celle de la famille Assad et dont elle donne à voir, par petites touches très discrètes, la spiritualité originale, « ancré[e] dans le lien avec la nature et avec la vie ».

Dans un pays exsangue

Ce lien fusionnel avec la nature est ce qui caractérise le mieux Ali, personnage central et narrateur du roman. Ce qui nous vaut des pages très belles où l’écriture de Samar Yazbek, impeccablement traduite par Ola Mehanna et Khaled Osman, prend des accents qui évoquent Giono. Mais le djebel alaouite n’est pas, ou plutôt n’a plus grand-chose à voir avec la montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence), dans un pays exsangue où ces montagnards, déjà au bas de l’échelle sociale en temps ordinaire, survivent à peine depuis le déclenchement de la « guerre » – elle n’est jamais qualifiée ici, ce qui lui confère une sorte d’immanence. On ne la voit pas directement sous le regard d’Ali, mais on en voit bien les effets : « Depuis quelques années, le pays s’était couvert de nouvelles formes de tombeaux, certains bien visibles, d’autres plus dissimulés. Certains, de taille réduite, étaient conçus pour enterrer uniquement des fragments de cadavres humains démembrés, d’autres, au contraire très grands, faisaient ­office de fosses géantes pouvant accueillir des centaines de ­dépouilles. »

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