France
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« La grande distribution est coupable de crime contre la souveraineté alimentaire »

Un tiers des agriculteurs en France gagne moins de 350 € par mois. Sur un litre de lait vendu à 80 centimes en grande surface, l’éleveur touche seulement 35 centimes. Combien de fois nous sommes-nous indignés face à cette triste réalité ?

Depuis le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le gouvernement tente d’inverser la tendance à travers les lois Egalim 1 et 2. Cette dernière vise à améliorer les revenus des agriculteurs en prenant davantage en compte leurs coûts de production. En outre, l’Assemblée nationale a voté le 12 janvier dernier, à l’unanimité, une autre loi proposée par le député Frédéric Descrozaille, qui tente aussi d’équilibrer les rapports de force entre la grande distribution et les fournisseurs.

Il y a urgence à agir car la situation n’est plus soutenable. Même si le prix de l’alimentation en magasin a fortement augmenté, à la suite des chocs géopolitiques, énergétiques et climatiques, la hausse des coûts de production supportée par les fournisseurs de produits alimentaires (hausse des prix des fertilisants, de l’énergie et de l’alimentation pour le bétail) est en réalité bien plus importante et menace la pérennité de leur activité.

David contre Goliath

Aujourd’hui, les chaînes de distribution, réunies dans des grandes centrales d’achat, dictent les règles sur les prix payés aux fournisseurs dans le cadre d’une négociation annuelle. C’est une lutte entre David et Goliath. Dans ce contexte d’inégalité, il est nécessaire d’agir au niveau national et européen. Au premier niveau, un moratoire sur les pénalités logistiques, qui continuent d’être un centre de profits pour de nombreux distributeurs, s’impose – et ceci au moins jusqu’à la fin des difficultés d’approvisionnement. Une pénalité est une sanction pécuniaire infligée par le distributeur lorsqu’il estime que les conditions de la livraison des produits ne sont pas conformes au contrat, en termes de délai ou de conformité des produits. Mais en ces temps de perturbation des chaînes d’approvisionnement mondiales, les fournisseurs sont souvent dans l’incapacité de respecter les délais et les quantités de livraison, malgré leur bonne volonté.

Au second niveau, il faudrait changer les règles européennes de la concurrence pour permettre également aux fournisseurs de conclure des accords sur l’offre et ainsi de faire le poids face à la grande distribution. Aujourd’hui la politique de la concurrence européenne n’est pas cohérente avec l’objectif de la politique agricole commune qui est de garantir un juste prix aux producteurs.

Inflation instrumentalisée

L’inflation ne devrait pas être instrumentalisée pour ne rien changer face à ces inégalités. Le consommateur final ne devrait pas non plus supporter à lui seul cette inflation, mais nous devons parvenir à fixer des prix justes pour les agriculteurs de manière à garantir la survie de notre système agricole. Nous imposons des standards environnementaux et de qualité de plus en plus exigeants à nos producteurs, sans nous soucier de leur offrir une juste rémunération. Par ailleurs, nous signons des accords de libre-échange avec des pays qui ne respectent pas nos normes en matière de durabilité environnementale et sociale.

La pérennité de notre système agricole est en jeu car de plus en plus de fermes mettent la clé sous la porte et de moins en moins de jeunes décident de se lancer dans le métier d’agriculteur. La profession est en crise depuis des années. En dix ans, nous avons perdu plus de 100 000 exploitations en France, au détriment principalement du modèle familial, qui détermine notre savoir-faire depuis des générations. Il est donc primordial d’essayer de renverser la tendance en octroyant aux agriculteurs les moyens de faire face aux défis climatiques et du marché. Ne laissons pas des pratiques déloyales et peu éthiques de certains distributeurs mettre en danger notre ambition en matière de souveraineté alimentaire.