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«  La mésaventure britannique est un avertissement aux autres pays : l’ère de l’argent gratuit est terminée et il faut faire attention à ses dépenses »

Tchat en cours

Le Royaume-Uni en pleine crise politique et monétaire : nos correspondants Cécile Ducourtieux et Eric Albert répondent à vos questions sur les conséquences du projet de budget annoncé par Liz Truss.

La dette publique britannique est légèrement inférieur à 100% du PIB. En France, elle est autour de 115%. La dette est donc plus lourde en France. Mais l’inquiétude des marchés venait de la trajectoire de la dette britannique après l’annonce du budget. La baisse des impôts que le gouvernement a annoncé s’élève à 1,5% du PIB. Or, contrairement à l’aide sur les factures d’électricité, il s’agit d’une coupe permanente, de revenus que l’Etat ne retrouvera pas. Cela place la dette sur une trajectoire haussière. Dans d’autres circonstances, les marchés auraient peut-être pu l’accepter, voire l’applaudir. Mais il se trouve qu’on est dans une période particulièrement tendue sur les marchés financiers, avec la hausse des taux d’intérêt partout dans le monde. Par ailleurs, le chancelier de l’Echiquier a refusé de publier en marge du budget les calculs officiels de l’Office for Budget Responsability, un organisme d’Etat mais indépendant chargé de faire des prévisions économiques et budgétaires. Il s’est aussi montré cavalier avec les finances publiques, ayant à peine un mot pour un retour à l’équilibre budgétaire (ou du moins la stabilisation de la dette). Pire encore, après le début d’inquiétude sur les marchés vendredi 23 septembre, il a promis le dimanche sur la BBC que d’autres baisses d’impôts seraient à venir.

Eric Albert (Londres, correspondance)

Bonjour, le cas écossais est compliqué. La catastrophique entrée en matière de Liz Truss est un vrai cadeau pour Nicola Sturgeon et le SNP, son parti indépendantiste, qui utilise le rejet des Conservateurs « anglais » pour nourrir le sentiment nationaliste écossais. Mais plus Liz Truss dérape, plus la perspective du Labour à Downing Street se renforce. Or il sera probablement beaucoup plus compliqué pour le SNP, si cette alternance politique se confirme à Londres dans les années qui viennent, de convaincre les Ecossais de prendre leur indépendance.

Cécile Ducourtieux (Londres, correspondante)

Bonjour, ces négociations n’ont jamais formellement commencé. Les Américains, comme toutes les grandes puissances qui s’engagent dans ce type de négociations au long cours, sont pragmatiques. Le marché britannique n’est pas prioritaire pour eux, et Joe Biden a fait clairement comprendre qu’il avait d’autres priorités politiques et économiques. Et c’est sans parler du refus par Londres d’appliquer le protocole nord-irlandais pourtant agréé en 2019 avec Bruxelles : Washington a fait comprendre qu’il ne pourrait pas y avoir de début de négociation tant que ce contentieux avec l’UE ne serait pas résolu.

Cécile Ducourtieux (Londres, correspondante)

Bonjour, oui, Liz Truss n’est pas menacée à très court terme - il n’y a pas de « complot » interne organisé contre elle, mais le parti conservateur agissant de manière de plus en plus ératique et étant très divisé, rien n’est à exclure pour les semaines et mois qui viennent, surtout si Mme Truss et son chancelier de l’échiquier persistent dans leur approche dogmatique et si le pound continue à glisser face au dollar. Quant à ce que pensent les Britanniques du gouvernement, les sondages qui se succèdent et se ressemblent beaucoup, placent tous le parti Labour en tête en cas d’élections générales (YouGov, hier soir, donnait même 33 points d’avance aux Travaillistes !). Et il n’est que de constater les grèves qui se multiplient : les Postiers viennent encore de voter trois semaines d’arrêt de travail, les cheminots sont en grève les 1er, 5 et 8 octobre.

Cécile Ducourtieux (Londres, correspondante)

Il s’agit effectivement d’une crise mondiale, ou au moins européenne. L’Allemagne est très fortement touchée par la coupure des approvisionnements de gaz russe, par exemple. Les tensions sur les marchés financiers se font d’ailleurs sentir un peu partout en ce moment : les pays émergents, mais aussi la zone euro. Mais, un peu par malchance, le Royaume-Uni se trouve à chaque fois un peu plus touché.

Sur la pandémie, c’est un pays qui dépend beaucoup des services, avec un gros secteur dans la restauration et les loisirs. L’impact a donc été (un peu) plus violent. Sur le choc gazier actuel, c’est un pays qui est très exposé à cet hydrocarbure : environ le tiers de l’électricité vient de centrales à gaz, et la plupart des foyers se chauffent au gaz. Enfin, le Brexit, qui n’a certes pas été le catastrophe annoncée par les opposants, n’a pas aidé.

Mais surtout, ce qu’il s’est passé au Royaume-Uni vient d’un budget présenté n’importe comment vendredi dernier, sans chercher à expliquer d’où viendrait le financement. La mésaventure britannique est un avertissement aux autres pays : aujourd’hui, l’ère de l’argent gratuit est terminée et il faut faire attention à ses dépenses.

Eric Albert (Londres, correspondance)

Bonjour, comme je viens de le dire, les Conservateurs font face à un choix impossible : ils peuvent très bien tenter de se débarrasser vite de Mme Truss, au risque de déclencher une élection générale anticipée qu’ils perdraient probablement, ayant perdu presque toute crédibilité économique - et politique. Ils peuvent la garder à leur tête, mais à ce stade, la seule manière de regagner la crédibilité du parti, très abîmée, serait de renoncer largement au « mini-budget » et de s’armer de patience, en croisant les doigts très fort pour que Mme Truss, son chancelier de l’échiquier Kwasi Kwarteng et leur reste du gouvernement, abandonnent immédiatement leur approche dogmatique.

Cécile Ducourtieux (Londres, correspondante)

Le budget britannique a fait fortement chuter la livre sterling, qui est tombée au plus bas de son histoire face au dollar (pas face à l’euro), mais là n’était pas l’essentiel. Dans le même temps, les taux d’intérêt sur les obligations britanniques ont beaucoup augmenté, passant de 3,8% à 4,6%. Pour l’Etat, cela signifie qu’il devenait beaucoup plus cher de se financer.

Pour enrayer cette hausse, la banque centrale a décidé d’acheter des obligations d’Etat britanniques, comme elle le faisait pendant la pandémie. Ca a eu l’effet escompté : les taux à dix ans sont retombés à 4%, avant de légèrement remonter. La Banque d’Angleterre précise cependant qu’elle n’a pas l’intention de conserver ces obligations et qu’elle les revendra dès que la situation se calmera.

Il faut ajouter un point technique mais très important. La banque d’Angleterre n’est pas vraiment intervenue pour sauver le financement de l’Etat britannique mais plutôt pour calmer une crise des fonds de pension. Depuis une décennie, ceux-ci utilisaient des instruments financiers pariant sur la baisse des taux d’intérêt (des « swaps » de taux, dans le jargon). Quand le marché s’est retourné, avec une hausse des taux, les fonds de pension ont encaissé des pertes sur ces produits. Cela les oblige à payer des liquidités supplémentaires (« des appels de marge »). Tant que la hausse des taux était ordonnée, cela se passait sans gros problème. Mais la panique de ces derniers jours a provoqué un cercle vicieux : tous les fonds de pension ont eu besoin de cash, et pour cela, ils ont vendu ce qu’ils avaient en portefeuille, à savoir... des obligations d’Etat. Cela a donc fait encore plus monter les taux. La banque d’Angleterre espère que son intevention donnera le temps aux fonds de pension de s’organiser pour trouver la liquidité nécessaire.

Eric Albert (Londres, correspondance)

Il est peu probable qu’un vote de défiance passe, étant donné que les conservateurs disposent encore d’une large majorité à la Chambre des communes. Le scénario d’une éjection de Liz Truss n’est cependant pas à exclure – aussi fou que cela puisse paraître, Boris Johnson n’ayant été « sorti » que cet été. Mais ce serait plutôt le fait des députés conservateurs : si 15 % d’entre eux envoient des lettres de défiance au Comité 1922, un club interne d’élus, alors un vote de confiance sera obligatoirement organisé au sein du collège des députés tories. Mais la perte de confiance dans les conservateurs est telle que la plupart des experts estiment qu’une nouvelle primaire interne n’est plus politiquement acceptable.

Si les tories veulent se débarrasser de Liz Truss, ils ne couperont pas à une élection générale anticipée. Or, vu les sondages (qui donnent désormais le Labour largement en tête), ce serait du suicide. Ils sont donc confrontés à un choix impossible : ils gardent Liz Truss et ils vont à la catastrophe électorale dans deux ans (les élections générales sont théoriquement prévues en 2024), ou ils tentent de s’en débarrasser mais ils sont laminés par une élection générale anticipée.

Cécile Ducourtieux (Londres, correspondante)

Brexit n’a pas grand-chose à voir avec cette situation politique et économique dégradée. A moins de considérer que le référendum de 2016 – et les mensonges proférés à l’époque par la campagne du « Leave » (la Turquie qui s’apprêtait soi-disant à rejoindre l’UE, etc.) – était un symptôme d’une dérive populiste du Parti conservateur. La question, aujourd’hui, c’est plutôt de savoir pourquoi les tories ont pu en arriver à choisir une dirigeante aussi dogmatique, après avoir désigné précédemment un autre chef de file, Boris Johnson, pourtant déjà connu pour son manque de sérieux et les libertés qu’il prenait avec la vérité.

Cécile Ducourtieux (Londres, correspondante)

La sanction des marchés financiers venait d’un doute sur la crédibilité budgétaire du Royaume-Uni, après la présentation, vendredi, d’une grosse baisse d’impôts et d’aide sur les factures d’électricité et de gaz, sans expliquer d’où viendrait le financement. Mais ce pays n’a jamais été dans la zone euro, il a toujours conservé sa monnaie et sa banque centrale. De ce point de vue, être dans ou hors de l’Union européenne (UE) ne change pas grand-chose. Le Brexit ne joue donc pas de rôle direct dans la chute de la livre sterling et la tension sur les obligations du pays.

En revanche, depuis six ans, en raison du Brexit, l’image du Royaume-Uni a été écornée dans une partie de la communauté financière, en particulier en Amérique du Nord. Je parlais cette semaine à un conseiller en investissement établi au Canada. Il me disait que la crédibilité britannique était en baisse. Cela a donc sans doute joué à la marge, d’un point d’image de marque.

Dernier élément : la crise actuelle vient d’abord du double choc de la sortie de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine. Mais les frictions économiques liées au Brexit n’aident pas : le commerce avec l’UE s’est légèrement effrité, les investissements ont baissé, la main-d’œuvre est devenue plus rare. Là encore, le Brexit n’est pas l’élément central, mais il se rajoute aux difficultés.

Eric Albert (Londres, correspondance)

Liz Truss a hérité, sans conteste, d’une situation économique difficile – inflation à deux chiffres, flambée des prix de l’énergie et Parti conservateur fragilisé par le scandale du Partygate… Mais la catastrophique réaction des marchés – et de l’opinion publique ces derniers jours – est directement liée à la présentation de son « minibudget », des cadeaux fiscaux énormes pour les ménages les plus privilégiés, financés a priori par de la dette publique. Son plan de sauvetage à 100 milliards de livres sterling, présenté le 8 septembre pour aider les ménages britanniques à payer leurs factures d’énergie, avait, lui, été plutôt bien reçu.

Cécile Ducourtieux (Londres, correspondante)

Il n’est pas question que les sanctions britanniques contre la Russie soient levées. Liz Truss est très ferme sur le sujet, comme toute la classe politique britannique d’ailleurs, y compris les travaillistes.

Cécile Ducourtieux (Londres, correspondante)

Une crise monétaire profonde provoquant une nouvelle crise politique au Royaume-Uni

  • Avec leur budget britannique mal reçu il y a une semaine, la première ministre britannique, Liz Truss, et son chancelier de l’Echiquier (le ministre des finances), Kwasi Kwarteng, ont provoqué une tempête financière, les marchés étant inquiets d’un dérapage budgétaire. Cela ouvre aussi une profonde crise politique au Royaume-Uni. Et ce, trois semaines seulement après leur prise de fonctions, alors que le Parti conservateur se remet juste du scandale du « partygate » et du départ humiliant de son précédent chef de file, Boris Johnson.
  • Le « minibudget » – en fait, un énorme stimulus fiscal au seul bénéfice des plus riches consistant en d’importantes baisses d’impôts – risque de provoquer une forte hausse des taux et de renchérir le coût des emprunts immobiliers pour des Britanniques déjà touchés de plein fouet par l’inflation et par l’explosion des prix de l’énergie. Mais il abîme aussi l’image sérieuse des conservateurs en matière économique, qui, depuis des années, était leur meilleur argument électoral.
  • Après une première déclaration de la Banque d’Angleterre, sans effet, et un rappel à l’ordre du Fonds monétaire international, la banque centrale du Royaume-Uni a annoncé mercredi qu’elle intervenait sur les marchés financiers en achetant « autant qu’il sera nécessaire » des obligations britanniques.
  • L’économie britannique a finalement progressé au second trimestre, selon des chiffres révisés communiqués vendredi, écartant pour l’instant les craintes immédiates de récession et offrant une bouffée d’air à la première ministre.

Le Royaume-Uni s’enfonce à nouveau dans la crise politique

La panique a gagné les rangs des députés conservateurs, après l’intervention inédite de la Banque d’Angleterre pour éviter une panique financière provoquée par le « minibudget » du gouvernement de Liz Truss.

Pourquoi l’économie du Royaume-Uni est saisie d’un vent de panique

La Banque d’Angleterre est intervenue en urgence mercredi. L’envolée du prix de la dette britannique et la chute de la livre ont été enrayées, pour l’instant. Des secousses symptomatiques d’un risque de crise financière mondiale.

Bonjour et bienvenue dans ce tchat consacré à la crise politique et monétaire au Royaume-Uni 

Bienvenue dans ce tchat consacré à la crise politique et monétaire au Royaume-Uni. Posez dès maintenant vos questions à nos correspondants Cécile Ducourtieux et Eric Albert : nos journalistes répondront à vos interrogations à partir de 16 heures.

Le contexte

  • Avec leur budget britannique mal reçu il y a une semaine, la première ministre britannique, Liz Truss, et son chancelier de l’Echiquier (le ministre des finances), Kwasi Kwarteng, ont provoqué une tempête financière, les marchés étant inquiets d’un dérapage budgétaire. Cela ouvre aussi une profonde crise politique au Royaume-Uni. Et ce, trois semaines seulement après leur prise de fonctions, alors que le Parti conservateur se remet juste du scandale du « partygate » et du départ humiliant de son précédent chef de file, Boris Johnson.
  • Le « minibudget » – en fait, un énorme stimulus fiscal au seul bénéfice des plus riches consistant en d’importantes baisses d’impôts – risque de provoquer une forte hausse des taux et de renchérir le coût des emprunts immobiliers pour des Britanniques déjà touchés de plein fouet par l’inflation et par l’explosion des prix de l’énergie. Mais il abîme aussi l’image sérieuse des conservateurs en matière économique, qui, depuis des années, était leur meilleur argument électoral.
  • Après une première déclaration de la Banque d’Angleterre, sans effet, et un rappel à l’ordre du Fonds monétaire international, la banque centrale du Royaume-Uni a annoncé mercredi qu’elle intervenait sur les marchés financiers en achetant « autant qu’il sera nécessaire » des obligations britanniques. L’économie britannique a finalement progressé au second trimestre, selon des chiffres révisés communiqués vendredi, écartant pour l’instant les craintes immédiates de récession et offrant une bouffée d’air à la première ministre, Liz Truss.
  • Nos correspondants Cécile Ducourtieux et Eric Albert répondent à vos interrogations à partir de 16 heures.

Pour aller plus loin :

Pourquoi l’économie du Royaume-Uni est saisie d’un vent de panique

Le Royaume-Uni s’enfonce à nouveau dans la crise politique

Chronique. « Au Royaume-Uni, plus rien ne marche »

Editorial. Le Royaume-Uni doit vite restaurer sa crédibilité

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