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La nuit d’Hippocrate ou quand le lobby anti-IVG fait la quête

Proche des milieux ultra-catholiques, la fondation Jérôme Lejeune avance masquée. Certes, elle soutient la recherche sur la trisomie 21. Mais pas seulement. Reconnue d'utilité publique, elle milite aussi contre l'IVG et alloue une partie des dons défiscalisés dans la lutte contre l’avortement. Prochaine quête ce soir au théâtre des Variétés lors d'une soirée intitulée la nuit d'Hippocrate. Où il vaut mieux savoir où l'on va mettre les pieds...

La nuit d’Hippocrate, c’est le nom qu’a choisi la fondation Jérôme Lejeune pour lancer, lundi 3 octobre, une soirée de recueil de fonds. Les porteurs de projets auront quatre minutes pour convaincre les spectateurs mécènes du théâtre des Variétés de mettre la main à la poche. Qu’il vaut mieux avoir bien rempli. Les dons quasi obligatoires pour tous ceux qui y assisteront vont de 100 à 5 000 euros. Quels seront les projets présentés ? Ceux permettant de défendre « la vie des êtres vulnérables, qu’ils soient embryons ou personnes déficientes intellectuelles ». Mettre sur le même plan, les personnes atteintes de trisomie 21 et un embryon, en dit long sur la philosophie qui préside à cette fondation fière de s’afficher à « contretemps ». C’est-à-dire de faire valoir ses valeurs ultraconservatrices et religieuses sur un domaine ultrasensible : celui de la recherche scientifique. 

Hippocrate ou hypocrite ?

Sur son site internet, une vidéo détaille les actions de la fondation. Recherche médicale et génétique sur les maladies de l’intelligence, centre de consultations et de soins pour les enfants et les adultes porteurs de trisomie 21… la liste est longue et le sérieux de mise. Il faut attendre la fin de la vidéo pour que Nicolas Sévillia, secrétaire général de la fondation évoque « l’héritage de Jérôme Lejeune » et dévoile « l’ambition et le défi » de la fondation pour demain : « Former les ambassadeurs pour la vie à l’exemple et à l’image de Jérôme Lejeune. »

Pour ceux qui ne connaîtraient pas le personnage, disons que feu Jérôme Lejeune était certes un médecin mais aussi – et surtout – un militant catholique des plus intransigeants, membre de l’Opus Dei et farouche opposant à l’avortement. Avec lui, l’acronyme IVG ne signifie plus « Interruption volontaire de grossesse » mais « interruption de vie gênante » ! Ou comment culpabiliser les femmes… Pire encore, à celles tombées enceintes après avoir été violées, la fondation conseille, via un petit Manuel de bioéthique, de garder le mouflet à venir. « Pourquoi l’enfant innocent subirait-il la peine de mort que ne subira pas le criminel ? », fait mine de s’interroger ce livret « à l’usage des jeunes ». C’est vrai ça. Pourquoi ? Peut-être parce que la victime n’en veut pas. Une option qui ne semble même pas venir à l’idée de ces scientifiques militants qui s’affranchissent allègrement de certaines lois. D’ailleurs, ce n’est pas le moindre paradoxe de la France – où l’IVG est un droit et où l’on parle même de le reconnaître constitutionnellement – que d’accepter de labelliser « d’utilité publique » une fondation ouvertement opposée à l’IVG. « La fondation remplit les fonctions qui lui sont officiellement attribuées : soigner et chercher. Mais elle revendique aussi une troisième « mission » : « Défendre la vie. » Or, ce dernier volet n’apparaît pas au Journal officiel », notait, en 2013, un journaliste de L’Humanité.

Avec l’aide de Dieu et surtout des politiques

Notre confrère relevait aussi la rapidité avec laquelle cette fondation a obtenu sa reconnaissance d’utilité publique en 1996, un an seulement après avoir déposé un dossier. « Un record quand une fondation comme celle de l’Abbé Pierre a mis quatre ans à décrocher le précieux label qui permet de recueillir des dons et legs déductibles des impôts. » Un délai raccourci qui doit moins à la providence qu’à la politique dévoile encore L’Humanité. Hervé Gaymard, catho de droite, cofondateur de l’association les Amis du professeur Lejeune est alors secrétaire d’État à la Santé. Sa femme Clara… Lejeune, la fille du professeur, est directrice de cabinet de Colette Codaccioni, ministre de la Solidarité entre générations. Et Jacques Chirac, alors président de la République, était membre d’honneur de l’association. Nul doute, s’adresser à Dieu mais aussi à ses saints, ça aide. ●