France
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La pauvreté comme projet

Le petit Poucet passera-t-il l'hiver ? Le père dit à sa femme :

« En France, plus de 42 000 enfants sont sans-abri. » « Nous appelons l’État à tout mettre en œuvre pour que la France donne à tous ses enfants un toit, la condition première de la dignité ­humaine et de l’égalité républicaine. » Voilà deux extraits de la tribune signée par des membres de l’Union nationale des centres communaux d’action sociale, intitulée « Pas un seul ­enfant dans la rue cet hiver ! », parue dans le JDD le 19 ­novembre. Il y a donc des dizaines de milliers d’enfants, ou de très jeunes adultes, qui n’ont pas de toit, dans notre pays.

« C’est une situation qu’on n’a jamais connue aux Restos du cœur. […] On constate une augmentation de 12 % des personnes inscrites et accueillies depuis avril dernier. On compte aussi 15 % de familles supplémentaires. Un autre chiffre en découle : l’augmentation de 25 % de la présence des jeunes enfants de 0 à 3 ans. Ces chiffres nous inquiètent au plus haut point. » Voici ce que déclare Patrice Douret, président des Restos du cœur.

« En Europe, l’inflation frappe davantage les plus pauvres. » « La différence entre l’inflation supportée par les plus aisés et celle qui pèse sur les plus pauvres n’a jamais été aussi élevée au cours des quinze dernières années dans la zone euro. Ce sont les économistes de la Banque centrale européenne (BCE) qui le constatent. » Voilà ce que l’on peut lire sous la plume de l’excellent Guillaume de Calignon, aussi lucide que terrorisé par ce qu’il constate.

La pauvreté devient endémique dans notre pays. Un marqueur de ce basculement est l’ouverture prochaine, en France, par Carrefour de ses magasins Atacadão, créés au Brésil pour les personnes démunies de ce pays. Dans ces enseignes, très peu de choix, que des produits ­basiques, vendus uniquement en grandes quantités – des paquets de riz de 5 kg par exemple – et dont le prix au kilo baisse avec les volumes achetés. « Ce faisant, Carrefour acte le déclassement de la société française, la fin de la classe moyenne, la division de la population en deux camps – les aisés et les défavorisés – sur la matrice des pays en voie de développement1. »

Le constat est là, évident. Mais la pauvreté va être accrue par plusieurs décisions du gouvernement. Si elle est adoptée, la réforme des retraites va conduire de plus en plus de personnes, arrivées à 62 ou 65 ans, et désormais incapables de travailler, ou ne pouvant trouver un emploi, ou simplement harassées, cassées, à « liquider » une retraite incomplète, au montant plus faible.

De même, la réforme Pénicaud de l’assurance-chômage a d’ores et déjà conduit à ce que, aujourd’hui, seuls un tiers des chômeurs sont indemnisés par l’Unédic, contre la moitié il y a quelques années. Elle a donc accru le nombre de chômeurs pauvres, situation que la récente décision d’Olivier Dussopt de réduire la durée de versement des allocations chômage va aggraver.

Le point commun de toutes ces situations – enfants à la rue, mères célibataires, chômeurs, personnes âgées –, c’est que, quelle que soit la volonté de tous ces gens, ils ne peuvent accroître leurs revenus. Cela ne leur est simplement pas possible. Seules des mesures politiques profondes, intelligentes, menées sur le long terme, pourraient changer leur situation. Aujourd’hui, non seulement ces mesures sont absentes, mais tout indique que le nombre de personnes incapables de vivre dignement va augmenter, et sans doute pas qu’un peu. •