France
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La pauvreté en France ne recule plus depuis 20 ans, selon l'Observatoire des inégalités

L'arrivée des températures glaciales attendues dans les prochains jours risque de mettre en difficulté de nombreux ménages. Dix mois après le début de la guerre en Ukraine, la guerre énergétique continue de frapper partout en Europe. Le gouvernement prépare les esprits à de potentielles coupures d'électricité à partir du mois de janvier tout en essayant de rassurer.

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Les prix de l'énergie continuent de flamber au-dessus de 18% en France. A cela s'ajoute, la montée en flèche des prix de l'alimentaire qui augmente deux fois plus vite que l'indice général des prix à la consommation. Et la situation des prix pourrait empirer en raison de la moindre générosité du bouclier tarifaire et la fin de la ristourne sur les carburants.

Les prix alimentaires augmentent deux fois plus vite que l'inflation : les plus modestes fragilisés

Dans ce contexte troublé, plusieurs associations et organisations d'aide alimentaire ont tiré la sonnette d'alarme sur la situation préoccupante de nombreuses familles. Après trois longues années de pandémie marquées par des confinements à répétition et des craintes, l'inflation pourrait faire monter inexorablement le risque de pauvreté dans l'Hexagone.

Dans son dernier rapport dévoilé ce mardi 6 décembre, l'Observatoire des inégalités a dressé une radiographie particulièrement préoccupante des visages de la pauvreté en France. « La crise sanitaire n'a pas fait exploser la pauvreté mais la pauvreté ne recule plus après des décennies de baisse », a alerté Anne Brunner, directrice des études à l'Observatoire de la pauvreté lors d'un point presse. La progression spectaculaire des prix sur les produits du quotidien pourrait avoir des répercussions désastreuses sur ces populations. « On est dans une situation d'inquiétude mais pour l'instant, les minimas sociaux suivent le rythme de l'inflation,» a ajouté le directeur de l'observatoire Louis Maurin. « L'inflation met en jeu des rapports de force entre ceux qui peuvent suivre les prix et ceux qui ne peuvent pas », a-t-il ajouté.

1 million de pauvres supplémentaires en 20 ans

La France est loin d'être épargnée par ce fléau. Même s'il se targue souvent d'avoir un taux de pauvreté inférieur à ses principaux voisins, l'Hexagone compte 1 million de pauvres supplémentaires en 20 ans au seuil de 60% du revenu médian. Au total, la France compterait plus de 9 millions de pauvres sur son sol.

Mais ce chiffrage ne prend pas en compte les 1,6 million de pauvres qui échappent aux statistiques. Cette estimation provenant d'une étude de l'Insee comprend des personnes sans domicile fixe, des pensionnaires des maisons de retraite qui ne sont pas toujours bien pris en compte dans les enquêtes.

Dans une approche plus restrictive, l'Observatoire recense 4,8 millions de pauvres en 2020, soit 500.000 de plus qu'au début des années 2000. L'organisme obtient ce chiffre en prenant en compte un seuil de pauvreté fixé à 50% du revenu médian, soit un montant de 940 euros par mois. En dépit de la pandémie, le nombre d'allocataires au RSA n'a pas explosé en 2020 et 2021. « On est loin du million de pauvres supplémentaires craint par les commentateurs les plus alarmistes », soulignent les experts. « Les données de notre rapport ne font pas apparaître une explosion récente de la pauvreté, mais plutôt un marasme qui touche les pauvres et qui s'étend jusqu'aux classes moyennes », poursuivent-ils.

Pauvreté : la grande stagnation du niveau de vie

L'un des résultats frappant de ce rapport est la grande stagnation du niveau de vie des pauvres sur les deux dernières décennies. Entre 2003 et 2019, leur niveau de vie est passé de 723 à 726 euros, en euros réels (en prenant en compte l'inflation). Sans les prestations sociales, l'Observatoire a calculé que le revenu déclaré des plus pauvres aurait même régressé pour passer de 687 euros au maximum à 673 euros en 2019.

Il faut tout de même rappeler que si les « stabilisateurs automatiques » et minimas sociaux ont permis de limiter la casse, la multiplication des crises ces dernières années a provoqué des pertes de revenus importantes, parfois non rattrapées. « Cette stagnation choque dans un contexte où les revenus des classes aisées ont continué à progresser, notamment du fait des baisses d'impôts. Si aucune politique de redistribution n'est mise en œuvre, la hausse des prix risque d'attiser encore la colère sociale », préviennent les auteurs.

Les moins de 30 ans en première ligne

Le fléau de la pauvreté gagne du terrain chez les moins de 30 ans. Sur les 5 millions de personnes concernées par la pauvreté avec un seuil de 50% du revenu médian, près de la moitié (2,5 millions) sont des enfants, adolescents et jeunes adultes. La pauvreté grimpe en flèche chez les 18 ou 29 ans. Cette hausse s'explique principalement par le chômage chez les jeunes, de bas salaires ou d'emplois précaires. Le taux de pauvreté à 50% du revenu médian s'établit à 12,3% pour la tranche d'âge 18-29 ans. « La pauvreté ne touche pas du tout les catégories de la même manière. C'est d'abord une question d'âge. Les plus jeunes subissent les faibles revenus de leurs parents. La catégorie des 18-29 ans rencontre des difficultés d'insertion de plus en plus longues », indique Anne Brunner.

La réforme de l'assurance-chômage pourrait faire grimper la pauvreté

Après un premier tour de vis en 2019, le gouvernement a de nouveau durci le ton à l'égard des chômeurs. Dans sa réforme présentée il y a deux semaines, l'exécutif prévoit notamment une diminution de la durée d'indemnisation en fonction de la conjoncture. Si le taux de chômage est en deça de 9% la population active, la durée d'indemnisation va baisser à partir de février 2023.

« La réforme de l'assurance chômage va diminuer les revenus des demandeurs d'emploi, notamment chez les jeunes », a rappelé Louis Maurin, directeur de l'Observatoire soulignant certaines « dissonances » dans les politiques publiques. « En parallèle, la suppression de la taxe d'habitation va amputer les finances publiques de 20 milliards d'euros. Cette dissonance alimente des tensions sociales et un rejet des élites. C'est un jeu dangereux », conclut le spécialiste.

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ZOOM - Pourquoi l'Observatoire des inégalités a-t-il choisi le seuil à 50% du revenu médian ?

« Le simple choix d'un seuil de pauvreté de 50% ou de 60% du niveau de vie médian fait passer de 5 à 9 millions le nombre de personnes pauvres. Le seuil de pauvreté de 60%, qui dépasse légèrement les 1.000 euros mensuels pour une personne seule, prend en compte des situations sociales très hétérogènes, qui vont de ce que l'on appelait il y a quelques années le quart-monde jusqu'à des milieux sociaux que l'on peut qualifier de « très modestes ».

Pour l'observatoire des inégalités, « ce mélange de situations sociales très différentes entretient la confusion. »