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La réforme de la police judiciaire ne convainc toujours pas

Ils n’en veulent toujours pas. Une partie des policiers s’opposent depuis plus de six mois maintenant à la réforme de la police judiciaire (PJ) portée par le ministère de l’intérieur. À leurs côtés, des magistrats. L’objet de leur colère ? La volonté gouvernementale de restructurer l’organe des forces de l’ordre, et de rassembler sous une seule et même direction départementale l’ensemble des enquêteurs de la police judiciaire, qu’ils soient généralistes ou spécialisés. Les premiers sont chargés des affaires de petite et moyenne délinquance, lorsque les autres s’attardent sur des crimes plus organisés.

Jeudi 16 mars, un rassemblement a réuni plusieurs centaines d’enquêteurs et de magistrats à travers le pays. Un appel lancé par l’Association nationale de la police judiciaire (ANPJ). « Nous n’avons pas l’envie d’en rester là. S’il faut passer en force, on le fera », réagit Franck Nicole, le secrétaire général adjoint de l’ANPJ. Frédéric Macé, juge d’instruction et secrétaire général de l’Association française des magistrats instructeurs (AFMI), soutient le mouvement et déplore que le ministre de l’intérieur n’ait pas tenu ses engagements. « L’amertume prédomine sur la colère aujourd’hui. Il parlait d’une réforme qui ne soit pas contre les policiers, mais il garde le cap », dénonce-t-il. « Il a également rejeté la demande de moratoire », appuie le juge d’instruction.

Le pas du ministre ne change rien

Avec cette réforme, les officiers de police judiciaire craignent que les enquêteurs spécialisés se retrouvent mobilisés pour aider leurs collègues généralistes, sous l’autorité d’un directeur départemental commun et du préfet. La crainte donc que la lutte contre la petite délinquance prenne le pas sur celle contre des grands réseaux du banditisme.

Dans un courrier daté du 3 mars, le ministre de l’intérieur avait concédé la création d’un directeur interdépartemental pour faire sauter les frontières des équipes spécialisées, en réponse à l’une des interrogations des syndicats. Ce nouvel échelon apparaît toutefois comme un gage de complication aux yeux de ces derniers. « C’est presque la pire des solutions, cet échelon supplémentaire va compliquer les opérations à mener », déplore Frédéric Macé, pour qui ce directeur sera un interlocuteur de plus sous l’autorité du préfet. « La départementalisation de la police judiciaire, c’est sans nous », clame Franck Nicole.

Un risque aussi pour les magistrats de devoir « négocier » davantage pour obtenir les moyens et les effectifs pour une enquête. « L’investigation est déjà désertée à cause du nombre affolant de dossiers et des procédures pénales trop complexes. On ne va toujours pas dans le sens d’une simplification », dénonce Richard Berthoud, le secrétaire adjoint Alliance à Annecy, enquêteur de sécurité publique.

Pour Frédéric Macé, d’autres voies sont possibles. « On a su multiplier par deux le nombre de policiers sur le terrain, c’était une promesse du gouvernement. Pourquoi ne pas faire pareil dans la filière investigation ? », interroge le juge d’instruction.

Un agenda de concertation

D’autres reconnaissent au ministre l’instauration d’un calendrier de concertation et l’octroi de budgets propres à la police judiciaire, début mars. Thierry Clair, secrétaire général adjoint de l’UNSA Police, voit l’implication des syndicats représentatifs dans la mise en place de la réforme d’un bon œil. « Le ministre a annoncé une rencontre par mois au moins pour réfléchir à la concrétisation de la réforme dont on connaît déjà l’ossature. Il faut maintenant voir comment la décliner », explique-t-il. Problème : l’ANPJ n’a pas été invitée. « Le ministre considère que nous ne sommes pas une organisation syndicale, car au sens strict, nous ne sommes pas élus », déplore Franck Nicole, représentation de l’association qui compte 2 600 adhérents sur 3 800 enquêteurs judiciaires en France.

Une chose est certaine : la réforme est prévue pour entrer en vigueur en fin d’année. Mais pour Thierry Clair, « il faudra au moins trois à quatre ans, car ce nouveau fonctionnement demande la modification de 300 à 500 textes réglementaires ». L’ANPJ n’y compte pas, et devait organiser une nouvelle conférence de presse lundi 20 mars après-midi pour évoquer la suite de la protestation.