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La rencontre entre Poutine et des mères de soldats était-elle une mise en scène avec des comédiennes ?

Ce 25 novembre, la presse d’Etat et les instances de communication du pouvoir russe se sont fait l’écho d’une rencontre entre Vladimir Poutine et 17 mères de soldats russes. Ce rendez-vous, deux jours avant la célébration de la fête des mères en Russie, n’a pas convaincu de nombreux observateurs du conflit ukrainien qui ont accusé certaines participantes d’être des proches du pouvoir, des figurantes, ou des actrices. Selon les éléments rassemblés par CheckNews, certaines ont effectivement une proximité politique avec le pouvoir. Mais rien n’indique la présence de comédiennes.

Another Putin fake show. Those women are actresses. Those 2 are an example and but even the others have been identified.

It is so revealing that with more than 80.000 killed Russian soldiers Putin couldn't find (or risk) to sit with a few widows. Pathetic to the core. https://t.co/n0IcpcxpLi pic.twitter.com/cssstKyEzB

— (((Tendar))) (@Tendar) November 25, 2022

La mise en scène de cet échange avec des mères de militaires ne sort pas de nulle part. Depuis le début de la guerre, et plus particulièrement depuis l’annonce de la mobilisation partielle des hommes russes fin septembre, des collectifs de familles de soldats déployés en Ukraine dénoncent les conditions dans lesquelles leurs proches se trouvent, quand ils ne doivent pas se battre pour obtenir des informations sur des soldats tués ou portés disparus, face à des gradés qui refusent de leur parler. Certains allant jusqu’à accuser le maître du Kremlin d’être un lâche qui chercherait à les éviter pour ne pas aborder ce sujet inconfortable. C’est dans ce contexte qu’a eu lieu cette rencontre de plus de deux heures dans la résidence présidentielle russe de Novo-Ogaryovo, en périphérie de Moscou.

Rien n’indique des comédiennes

Mais les images et les extraits de cette rencontre ont rapidement fait réagir au-delà de l’espace informationnel pro-Kremlin, certains s’interrogeant ouvertement sur les invitées présentes, ou parlant carrément de figurantes (des accusations qui peuvent s’expliquer, la propagande russe aillant parfois recours à de tels procédés). Néanmoins, cette dernière affirmation semble, d’après les éléments que nous avons rassemblés, fausse.

CheckNews a examiné les profils de toutes les participantes. La plupart d’entre elles ont des empreintes numériques (profils sur les réseaux sociaux, informations administratives disponibles en ligne, articles de presse) qui corroborent les informations publiées par le Kremlin, qui a publié la liste des participantes, ainsi qu’une courte description pour chacune d’entre elles.

Des notables et des mères en deuil

Reste en revanche qu’une partie des femmes présentes n’étaient pas vraiment de «simples» mères de soldats mais plutôt des notables, proches du pouvoir russe. Le canal Telegram Можем объяснить, repris par plusieurs titres de presse russophones comme Meduza, a notamment expliqué avoir identifié 7 des interlocutrices reçues par Vladimir Poutine, ce que confirment des informations rassemblées par CheckNews : une politique membre de Russie Unie (le parti au pouvoir), la cheffe de l’antenne moscovite d’un mouvement politique transpartisan créé par Vladimir Poutine (qui a également essayé de se faire élire députée avec Russie Unie), une ancienne conseillère politique investie dans la collecte d’aide pour les soldats mobilisés (présentes à différentes apparitions publiques de Vladimir Poutine), une membre de l’aristocratie tchétchène ou encore la réalisatrice russe Olesya Shigina, que le canal Telegram décrit comme réalisant des films «patriotiques et orthodoxes».

A côté du «gotha», on retrouve différents profils plus éclectiques. Une employée d’une colonie pénitentiaire, dont un article de presse locale mentionnait déjà qu’elle était mère de soldat, la directrice d’une organisation caritative qui a sept enfants dont six fils, parmi lesquels un sert actuellement dans l’armée russe. Un jeune soldat qu’on aperçoit d’ailleurs en uniforme (avec le nom de la branche dans laquelle il sert) sur les photos du profil VKontact de sa mère.

Plusieurs d’entre elles ont perdu leurs fils, tués en Ukraine. Parmi elles, la représentante de la région autonome juive de Russie, dont on retrouve la publication Telegram qui annonçait la mort de son fils en août dernier, ou une inspectrice des impôts, dont la mort du fils à Boutcha en mars a été annoncée par des canaux Telegram russes et ukrainiens.

Un mensonge qui n’existe pas

Les doutes se sont principalement portés sur une femme, Pshenichkina Nina, une militante séparatiste de la région ukrainienne de Louhansk – elle affirme avoir participé à l’organisation des deux référendums d’indépendance, non reconnu par la communauté internationale –, qui montre la photo de son fils, également tué en Ukraine, racontant comment ce dernier est mort héroïquement en combattant l’ennemi. Une séquence massivement relayée. Sauf que cette dernière est accusée par plusieurs comptes d’avoir affirmé lors de la rencontre que son fils était mort en 2022, alors que ce dernier a été tué en 2019, comme l’attestent des éléments publiés à l’époque par des observateurs assidus du conflit, et ce que confirment également des photos sur les réseaux sociaux de l’intéressée.

And then one of the "mothers" shows a photo of her son, Konstantin Pshenichkin. Who allegedly died in the war in Ukraine this year. But according to a number of sources, this man died back in 2019.(Waiting for confirmation of information) pic.twitter.com/v5jnWJVM65

— Igor Kyivskyi (@Igor_from_Kyiv_) November 25, 2022

Checknews a fait faire une traduction de l’ensemble de son intervention, confirmant qu’à aucun moment cette dernière ne mentionne l’année où a été tué son fils, contrairement à ce que certains affirment. Cette dernière demande d’ailleurs à ce que les droits auxquels peuvent prétendre les militaires russes et les familles de militaires tués soient étendus rétroactivement aux régions nouvellement annexées (illégalement) par la Russie.

Plus que toute autre période, celle des guerres est sujette à la désinformation, qu’elle émane de sources inconnues ou d’autorités officielles. Dans le cadre de la crise en Ukraine, le service CheckNews de Libération reste pleinement mobilisé pour répondre à vos questions et tenter de démêler le vrai du faux, qu’il s’agisse de déclarations, d’images ou de vidéos. Une information vous fait douter? N’hésitez pas à nous solliciter via notre formulaire, en cliquant sur le bandeau présent en tête de chaque article.