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La Tapinoma Magnum, une fourmi « très invasive qui rend le quotidien difficilement vivable »

Depuis quelques années, des fourmis d’un nouveau genre pourrissent la vie d’environ 200 foyers d’un quartier de la ville de Saumur (Maine-et-Loire). Cette espèce exotique envahissante, appelée Tapinoma Magnum, a encore proliféré cet été, à la faveur des fortes chaleurs. Qui sont ces insectes et peut-on en venir à bout ? Le point avec un spécialiste, Loïc Bidault, élu à l’écologie, au développement durable et à la transition énergétique à la ville de Saumur qui occupe également la fonction de vice-président du Conservatoire d’espaces naturels des Pays-de-la-Loire.

Loïc Bidault, élu à l'écologie à la ville de Saumur et vice-président du Conservatoire d'espaces naturels des Pays-de-la-Loire.
Loïc Bidault, élu à l'écologie à la ville de Saumur et vice-président du Conservatoire d'espaces naturels des Pays-de-la-Loire. - Loïc Bidault

Pouvez-vous nous présenter la Tapinoma Magmum ?

C’est une espèce méditerranéenne, corse plus précisément, qui est arrivée ensuite dans le sud de la France. Elle est désormais présente chez nous, à Saumur, depuis trois à six ans, mais nous l’avons véritablement identifiée l’an dernier, à la suite de protestation des habitants et avec l’aide des scientifiques de l’Institut de recherche sur la biologie de l’insecte (Irbi) de Tours. On pense qu’elle est arrivée via le transport de plantes d’agrément, souvent entourées de mottes de terre, peut-être avec la mode des oliviers ou des palmiers qui arrivent du pourtour méditerranéen. Les scientifiques font aussi le lien avec le réchauffement climatique car elles retrouvent des milieux chez nous qui sont accueillants. C’est une espèce avec un comportement très particulier, très invasive, et qui apporte de forts désagréments.

C’est-à-dire ?

La fourmi Tapinoma Magnum vit dans des super colonies. Elles s’étendent particulièrement vite, sans aucune concurrence avec d’autres fourmilières. On peut les reconnaître à l’œil nu car elles sont toutes petites et ont un comportement extrêmement grégaire, hyperactif. On les retrouve essentiellement sur des terrains dégradés, les déblais. Mais elles sont aussi là en grand nombre dans les jardins : ça grouille de partout et si vous mettez un pied dehors, elles vous grimpent dessus. Une dame m’a confié qu’à cause de cela, ses petits-enfants ne venaient plus l’été chez elle ! Elles ne mordent pas mais ont un côté très envahissant. Autre particularité, elles embaument une odeur de beurre rance quand on les écrase…

Et elles font aussi des dégâts…

Oui, notamment dans les potagers, on a vu des courgettes ou des jeunes plants d’arbres complètement attaqués. En fait, ces espèces qui n’ont pas de prédateur font le vide autour d’elles : dans les secteurs où la Tapinoma Magnum prospère, notre fourmi classique risque de disparaître dans les prochaines années. A la faveur des canalisations, des câbles, elles s’introduisent également dans les maisons… On a eu des compteurs électriques qui ont sauté chez certains habitants ! Cela rend le quotidien difficilement vivable pour une partie des concernés. L’an dernier, ça a pris une ampleur considérable, les gens étaient complètement démunis donc il a fallu proposer une démarche scientifique et cadrée, avec beaucoup pédagogie.

Que peut-on faire face à ces fourmis ?

Dès que l’espèce est identifiée, il faut traiter, tout de suite. Ce que l’on n’a pas pu faire assez vite ici, avec désormais un quartier de 18 hectares concerné, et une apparition de ces fourmis dans deux cimetières également. Les scientifiques nous disent qu’on ne pourra pas l’éradiquer donc on contient, on limite le plus possible. Nous avons voté une aide financière sur trois ans pour effectuer trois traitements par an chez les particuliers concernés. Quant aux espaces publics, on traite tous les 15 jours de mars à septembre avec un produit à base de spinosad utilisable en bio. Les résultats sont plutôt positifs.

La « Tapinoma Magnum » semble gagner du terrain en France, notamment dans l’Ouest…

Saumur fait office de laboratoire pour toute la France et j’ai régulièrement des communes qui m’appellent pour me demander comment on s’y prend. Il est donc clair que l’on va reparler de cette fourmi, ici mais aussi ailleurs, et notamment dans le Val de Loire ou en Loire-Atlantique, où elle a été identifiée par exemple à Ancenis. On va voir comment évolue l’espèce, il peut y avoir des surprises. A coté de Pau, il y a un village où la fourmi a disparu en un été, sans raison… On croise les doigts pour que ça nous arrive ! Il y a aussi la possibilité qu’une autre espèce invasive arrive et vienne déloger celle-ci. En attendant, la baisse des températures devrait nous offrir une période de calme, jusqu’au mois de mars.