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« La Vallée des Lazhars », de Soufiane Khaloua : une histoire d’amour et de lutte entre deux clans à la frontière est du Maroc

L’écrivain, professeur de français en région parisienne, signe un premier roman impressionnant, sur notre rapport à la terre et aux légendes familiales.

La Vallée des Lazhars commence comme le récit d’un retour aux sources, se poursuit en western avant de prendre la tournure d’une tragique histoire d’amour. Souvent, le premier roman de Soufiane Khaloua revêt ces trois formes en même temps. Impossible de le lâcher.

Le retour aux sources, d’abord. C’est celui d’Amir Ayami, le narrateur. Au début du livre, il s’adresse à sa petite-fille, née en France comme lui. Si les parents d’Amir lui ont transmis l’arabe et la connaissance de leur terre d’origine, la vallée des Lazhars, il n’a pas fait de même. Alors, le vieil homme veut raconter à sa petite-fille d’où elle vient.

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C’est le roman que nous allons lire. Il se situe des années avant, l’été où Amir, alors étudiant en droit à Paris, est « rentré au pays » avec son père pour célébrer un mariage dans la famille. Cela faisait six ans que ce jeune Français n’avait pas mis les pieds dans la vallée des Lazhars. Cet été fut celui de tous les apprentissages.

Quand Soufiane Khaloua décrit l’arrivée d’Amir et de son père, nous basculons dans le western. Un western transplanté au milieu des montagnes de l’Est marocain, à la frontière de l’Algérie. « L’asphalte écrasé de soleil brille, il fond à vue d’œil, charriant une odeur âcre que je sens à travers la fenêtre ouverte », observe le jeune Amir. Fonçant en sens inverse sur la route étroite, des jeunes au volant de voitures déglinguées les obligent à s’approcher dangereusement du vide. Il s’agit de « trabendos », des contrebandiers qui passent illégalement côté algérien pour rapporter des cigarettes bon marché.

Des descriptions de paysages qui marquent

Dès que le père et le fils croisent quelqu’un, on les identifie : ils sont du clan Ayami, que « personne entre Fès à l’ouest et Tlemcen à l’est » n’ignore. Zahra, la tante du narrateur, en est la patriarche. Ses yeux verts se sont éteints, sa mémoire flanche. Sa maladie angoisse Amir et lui impose d’emblée une mission : tout regarder, tout retenir, afin de pouvoir se remémorer pour ses enfants après lui.

L’acuité d’Amir, son regard tendre et nostalgique donne sa beauté et sa force au roman. Les descriptions des paysages marquent longtemps. A commencer par celles de la montagne, qu’il faut considérer comme une part de l’identité du clan Ayami. « Chaque fois que je la retrouvais, c’était comme la découvrir pour la première fois, alors je voulais tout enregistrer, que chaque image demeure gravée sur ma rétine, éternelle et inchangée. Une montagne bien banale en vérité, sèche et incohérente, sans grand charme. Mais c’était la nôtre, cette montagne. »

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Plus tout à fait. En haut de la maison, où la famille possède une source d’eau claire, le bien nommé ’Ayn el Ghoula (l’Œil de la Goule), les attendent six garçons du clan ennemi : les Hobkani. C’est là qu’intervient le western. De la rivalité qui les oppose depuis des siècles, on ne connaîtra l’origine qu’à la fin du roman. Les raisons de la haine qu’ils se vouent comptent moins que la manière dont elle se déchaîne. Avec d’autant plus de force que le pire est advenu : une fille du clan Ayami va épouser un homme du clan Hobkani.

Soufiane Khaloua fait monter doucement la tension, en introduisant à chaque chapitre un nouvel élément perturbateur. Cela commence avec le retour surprise d’Haroun, le « cousin préféré » d’Amir. Il revient après trois ans d’absence. Nul ne sait pourquoi il a fui vers l’Algérie ; tous le jugent instable et peu fiable. Son arrivée le jour du mariage déclenche colère et joie, embrassades et menaces.

Triangle amoureux et quête identitaire

Amir s’en réjouit, jusqu’à ce qu’il comprenne que Fayrouz, la jeune femme du clan adverse dont il est tombé amoureux, est en fait secrètement éprise de son cousin Haroun. Un Ayami et une Hobkani : c’est impossible. Voilà pour la tragique histoire romantique. On pense à Roméo et Juliette avec cette passion entre deux enfants de clans ennemis. Soufiane Khaloua raconte les lettres échangées et leurs étreintes cachées dans les reliefs escarpés de la montagne, la nuit.

Pendant l’absence d’Haroun, Fayrouz a été promise à un autre. Haroun va-t-il réussir à la reconquérir ? Amir rêverait que non, lui qui ne peut s’empêcher d’aimer Fayrouz, en secret. Le narrateur sera-t-il trouver une place dans son cœur à elle et parmi les siens, dont il ne saisit pas entièrement la langue et les coutumes ?

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Alors que le roman navigue entre triangle amoureux et quête identitaire, l’auteur imagine de nouvelles fugues et courses-poursuites à travers la vallée des Lazahrs. Il y a quelque chose d’hollywoodien dans cette intrigue trépidante, qui nous plonge dans des paysages renversants pour nous parler d’honneur et d’amour, d’aventures, de légendes et de terres ancestrales, avec peut-être pour seul but que de raconter une sacrée belle histoire.

La Vallée des Lazhars, de Sofiane Khousna, éd. Agullo (244 pages, 21, 50 euros).

Gladys Marivat(Collaboratrice du « Monde des livres »)

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