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Lana Del Rey, l’éternel vague à l’âme

Onze ans ont passé depuis Born to Die. L’album avait connu un retentissement planétaire, ouvrant à Lana Del Rey et à sa pop alternative les portes de la célébrité. Sorte de poupée triste et désabusée qui fleure bon les États-Unis puritains, l’artiste osait des mélodies originales, armée de sa voix éthérée, envoûtante. Quelque 25 millions d’albums vendus plus tard, la chanteuse peut se targuer d’avoir influencé toute une nouvelle vague de la pop indé américaine, avec la jeune prodige Billie Eilish en tête de gondole.

Dans ses textes, Lana Del Rey tente d’extraire la beauté de ses souffrances et des relations toxiques qui ont pavé son chemin. Une forme d’esthétisation des violences sexistes, d’après ses détracteurs. Deux albums, Blue Banisters et Chemtrails Over the Country Club, viennent s’ajouter, en 2021, à une discographie déjà bien fournie, alors que l’artiste est sacrée la même année meilleure autrice-compositrice du XXIe siècle par le magazine Rolling Stone.

Pour son dixième album studio Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd, Lana Del Rey prouve qu’elle n’a rien perdu de son sens de la mélodie ou de sa bouleversante mélancolie. Pourtant, ce projet aurait pu ne jamais voir le jour. En octobre 2022, la star américaine révélait s’être fait dérober un disque dur dans sa voiture à Los Angeles. Plus de peur que de mal, car aucun morceau n’est dévoilé­ au public. En mars, l’artiste promeut finalement son futur album par une photo d’elle devant un panneau publicitaire à Tulsa, ville de son ex-petit ami. La photo est alors accompagnée d’une brève légende : « Il n’y en a qu’un, et c’est à Tulsa. » De quoi annoncer la couleur : Lana ne compte pas se départir de son éternel vague à l’âme.

Une voix évanescente

Sur la pochette du projet, Elizabeth Woolridge Grant, son vrai nom, est toujours parée de sa moue boudeuse, marquée par ses lèvres imposantes qui ont fait couler tant d’encre. Si l’album est aussi long que son titre, 90 minutes au total, c’est pour mieux nous immerger. Sorte de récit intimiste pop ponctué d’interludes aux accents gospel qui font notamment intervenir Judah Smith, pasteur de l’artiste, Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd nous embarque dans des pianos-­voix d’une nostalgie toujours aussi maîtrisée.

Accompagnée de grands noms de la production, Lana Del Rey a surtout poursuivi sa relation musicale avec Jack Antonoff. Le producteur a contribué aux succès de Taylor Swift ou Lorde, mais aussi à la mue réussie de Lana sur le très acclamé Norman Fucking Rockwell ! paru en 2019. Portée par sa voix évanescente dont l’amplitude étonne, frôlant délicieusement la fausseté, elle fait ici encore l’étalage de sa sensibilité et de sa sensualité. La New-Yorkaise nous offre des balades américaines épurées évoquant Sufjan Stevens tout autant que Bruce Springsteen.

Mais elle revient aussi à ce qui l’a fait connaître, en expérimentant du côté de l’electro et du rap, comme sur l’excellent A&W, où se mêlent l’ensemble de ces influences. Sur Fishtail, l’artiste s’essaie même à l’autotune. En prime, elle s’offre des collaborations de choix, de la rappeuse canadienne Tommy Genesis au chanteur-compositeur folk-rock Father John Misty, en passant par le pianiste de classique contemporain français Riopy. En 16 titres d’une pop d’auteur à la fois moderne et rétro, Lana Del Rey confirme son talent d’interprète compositrice et ses intentions créatives qui n’ont pas pâli avec le succès.