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Laurent Berger : « Cette réforme des retraites porte le sceau de l’injustice sociale »

Après une première mobilisation massive, le 19 janvier, réunissant plus d’un million de personnes dans la rue, tous les syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, FSU et Solidaires)
appellent de nouveau à manifester ce mardi contre la réforme des retraites. Jusqu’à quand allez-vous être sur la même ligne ?

Dans l’intersyndicale, nous sommes tous d’accords sur deux points fondamentaux : le premier concerne notre opposition au report de l’âge légal à 64 ans et le deuxième, c’est de décider ensemble de nos modalités d’actions. Les derniers sondages confirment bien que cette réforme - et notamment la mesure concernant le recul de l’âge légal - est rejetée en bloc par la population. C’est l’illustration profonde d’un mécontentement. Les Français ne comprennent toujours pas cette réforme. Cela leur crée un décalage de départ de deux ans, ce qui est inacceptable pour eux, notamment pour ceux qui ont commencé très jeunes. On a pu observer, le 19 janvier, une mobilisation très massive avec une géographie étalée partout en France et une sociologie des manifestants très importante du côté des travailleurs et des travailleuses les plus concernés par la réforme. C’est justement pourquoi dans l’unité syndicale, on appelle de nouveau les salariés à se mobiliser le 31 janvier et en faire une démonstration puissante. On réfléchit aussi à d’autres mouvements, comme des mobilisations le week-end. En parallèle, il est important de continuer la bataille de l’opinion pour expliquer en quoi cette réforme est injuste.

Les salariés de l’ouest de la France comme ailleurs se moquent des problèmes de la CFDT et de la CGT.

Le gouvernement a demandé de ne pas bloquer les Français. Plusieurs secteurs ont répondu à l’appel à la grève lancé par la CGT pour ce jeudi et vendredi. Des salariés de centrales nucléaires et des ports sont aussi mobilisés. Qu’envisagez-vous à la CFDT ?

Je crois qu’en fait les salariés de l’ouest de la France comme ailleurs se moquent un peu des problèmes de la CFDT et de la CGT, des relations entre Berger et Martinez et, justement, il n’y a pas de soucis entre nous ! Tout va bien. Ce qui importe aux salariés, c’est surtout de savoir pourquoi ils vont devoir travailler, pour certains, deux ans de plus. Savoir pourquoi ceux qui devaient partir cette année en retraite vont être obligés de reculer de trois ou six mois. Savoir pourquoi les femmes vont devoir travailler plus longtemps, en moyenne, que les hommes. Savoir pourquoi des gens vont cotiser 44 ans alors que la durée de cotisation est de 43 ans. Oui, il existe des points de divergences entre la CFDT et la CGT mais il n’y a pas si souvent eu une telle unité syndicale. Et je répète que l’on est tous d’accord pour dire qu’il ne faut pas reculer de l’âge légal de départ en retraite. Après, est-ce que l’on sera d’accord sur tous les points de la réforme ? Non, mais on ne l’a jamais été.

« On a le soutien de l’opinion ».

Le gouvernement Borne n’est-il pas tenté de vous diviser ?

Je ne sais pas si le gouvernement peut être tenté. Si c’est le cas, ce sera vain. On a le soutien de l’opinion. La CFDT ne pense pas que la modalité d’une grève reconductible soit la meilleure stratégie. Nous ne pensons pas non plus qu’il faille des coupures d’électricité sur des personnes avec qui on ne serait pas d’accord (NDLR : Phlippe Martinez s’est dit favorable à couper l’électricité aux milliardaires).

Pourquoi, selon vous, n’est-il pas nécessaire de réformer notre système de retraite en repoussant l’âge de départ ? Est-ce que l’allongement de la durée de cotisation est une solution envisagée ?

À la CFDT, on reste convaincu qu’une réforme des retraites est utile, mais une réforme qui remettrait de la justice dans le système et répartirait les efforts sans avoir de mesures brutales, comme c’est le cas aujourd’hui. Ce système actuel pénalise les femmes, les gens qui ont commencé à travailler jeune mais aussi les carrières hachées. La réforme proposée ne résout pas ces injustices. C’est pour cela que l’on a toujours plaidé pour un système universel des retraites et que l’on continue de le faire.

Le système est-il déséquilibré financièrement ?

Oui, mais il n’est pas menacé dans sa pérennité. C’est la vraie différence avec 2003, 2010 et 2014. Le meilleur levier pour un système équilibré est le taux d’emploi des seniors. Il faut réfléchir à la contribution des entreprises et défendre une retraite qui favoriserait davantage le libre choix.

Cette mesure porte le sceau de l’injustice sociale et va frapper de plein fouet l’ensemble des travailleurs.

La question de justice sociale est donc fondamentale…

C’est l’élément fondamental. Cette mesure porte le sceau de l’injustice sociale et va frapper de plein fouet l’ensemble des travailleurs, et plus particulièrement ceux qui ont commencé à travailler tôt, les plus précaires, dont l’espérance de vie est inférieure au reste de la population, et ceux dont la pénibilité des métiers n’est pas reconnue.

Le nombre de critères de pénibilité a été revu à la baisse par votre majorité en 2017. Serait-il envisageable de les élargir de nouveau, comme vous le souhaitez ?

La CFDT espère faire bouger les lignes sur les trois critères de pénibilité (comme le port de charges lourdes) supprimés lors du quinquennat précédent. Pour les postures pénibles, nous souhaitons que les périodes puissent être comptabilisées dans la durée pour que vous puissiez obtenir un départ automatique plus tôt, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. À Matignon, on nous dit qu’avec le projet de réforme, il y aura une visite médicale pour un certain nombre de personnes, à 61 ans. Cela concerne plusieurs dizaines, peut-être des centaines de milliers de personnes tous les ans. Mais une visite médicale avec qui ? Ce dispositif est incertain dans sa mise en œuvre dans la mesure où il manque aujourd’hui des centaines et des centaines de médecins du travail. La France comptait 4 600 médecins du travail en 2020, un chiffre en baisse (4 900 en 2015).

Une adoption définitive au Parlement mettrait-elle fin à votre action ?

Je ne veux pas raconter la fin du film. Le scénario s’écrit jour après jour. Pour l’instant, on est loin d’avoir une adoption du texte. L’important est surtout de se mobiliser le 31 janvier pour que ce texte ne soit pas adopté.