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Laurent Poitrenaux, un comédien passeur des textes contemporains

L’acteur interprète deux pièces d’Harold Pinter, « L’Amant » et « La Collection », au Théâtre de l’Atelier, à Paris.

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Cheveu brun coupé court, pupille sombre, chemise blanche sous blouson de cuir noir : les couleurs de l’acteur Laurent Poitrenaux sont invisibles à l’œil nu. Pour les trouver, il faut le faire parler, un exercice qu’il pratique volontiers à la ville comme à la scène. Dans les modulations d’une voix qui se balade entre le métallique et l’onctueux surgit alors l’arc-en-ciel des voyelles dont Rimbaud a si bien révélé les naissances latentes.

Depuis qu’il s’est lancé dans le théâtre, Laurent Poitrenaux est devenu le passeur des langues contemporaines. Celle de l’écrivain Olivier Cadiot notamment (mais pas exclusivement). Aujourd’hui, celle du britannique Harold Pinter dont il interprète, sous la direction de Ludovic Lagarde, deux pièces au Théâtre de l’Atelier, à Paris (L’Amant et La Collection). Qu’elles soient poétiques, sinueuses, lyriques ou économes, l’acteur s’empare des écritures sans trembler. La peur qui le taraudait à ses commencements l’a quitté avec la maturité (il vient d’avoir 56 ans).

A force d’un travail acharné, il s’est aussi débarrassé du sentiment d’illégitimité qui empoisonne les débutants et des mirages de l’inspiration dont se bercent les illusions. Il n’est pas du genre à soupirer en affirmant d’un rôle : « Je le sens. » Arrimé au rythme des phrases, vissé à leurs points et cramponné à leurs virgules, il fuit les « postures romantiques ». Il se situe « du côté de l’établi, de la bouture, de l’encoche, du faire ». Ce goût du détail, du concret et de l’artisanat éloigne le trac et laisse toute sa place à la jubilation.

« Elevé dans la joie »

Au fil des spectacles joués (une cinquantaine depuis 1990), ce natif de Vierzon (Cher) s’est glissé dans les proses de Samuel Beckett, Roger Vitrac, Luigi Pirandello, Michel Vinaver, Georg Büchner, Anton Tchekhov, Shakespeare, Molière, Racine, Jean-Luc Lagarce, Witold Gombrowicz, Yannick Haenel, Pascal Rambert, Bernard-Marie Koltès. « Ce qui m’excite, c’est de faire sonner les mots », explique le comédien en confessant sa dette : « Ces dramaturges m’ont rendu plus intelligent que je ne le suis. » Il a noué avec eux une liaison amoureuse qui l’occupe à plein temps, au point de vampiriser son cerveau même lorsqu’il fait silence : « Lorsque je marche dans les rues, je suis toujours en train de me redire mes textes dans ma tête, à toute vitesse. C’est ce qu’on appelle faire des italiennes. »

Lire l’entretien (2014) :

Cette méthode n’a rien d’étonnant lorsqu’on songe au titre quasi programmatique de sa première apparition professionnelle. En 1990, il joue dans Pathologie verbale III. L’ordre du discours, une mise en scène de Thierry Bédard, comparse rencontré sur les bancs de Théâtre en actes, une école fondée par Lucien Marchal, dans le 11e arrondissement de Paris. C’est là que Laurent Poitrenaux fait ses classes : « J’ai été refusé aux écoles nationales. Un peu vexé mais pas traumatisé, j’ai dû passer par ailleurs pour apprendre le métier. » Recalé deux fois au Conservatoire national supérieur d’art dramatique et à l’Ecole du Théâtre national de Strasbourg, il ne renonce pas pour autant à son rêve : « Je voulais grandir avec des gens, rencontrer une tribu. Je n’avais aucune appétence pour la figure de l’acteur solitaire. »

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