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Le blues des fêtes foraines charentaises

« C’est pourtant l’endroit idéal pour créer du lien social. » Jean-Paul Bouyssou est une figure de la fête foraine charentaise. Ses parents et grands-parents ont vu défiler des générations de Charentais. « J’ai grandi et vécu dans ce milieu. » Il a pu voir le milieu évoluer. Et la fréquentation s’étioler au fur et à mesure. « Il y a eu beaucoup de monde après...

« C’est pourtant l’endroit idéal pour créer du lien social. » Jean-Paul Bouyssou est une figure de la fête foraine charentaise. Ses parents et grands-parents ont vu défiler des générations de Charentais. « J’ai grandi et vécu dans ce milieu. » Il a pu voir le milieu évoluer. Et la fréquentation s’étioler au fur et à mesure. « Il y a eu beaucoup de monde après le Covid, on a bien travaillé. Mais c’est vite redevenu calme. » Le contexte économique n’aide pas : « Les gens achètent un ticket et après, c’est fini », confirme un peu plus loin sa belle-fille, Charlène, qui tient le petit train pour enfants. « Avant le Covid, c’était déjà devenu un peu plat. Ça a repris un peu après l’épidémie mais là, on sent que les gens font beaucoup plus attention. Mon mari travaille à côté, il n’a pas le choix. »

Car même si la saison est lancée, beaucoup de fêtes foraines attirent une fréquentation en baisse. Certes, la chaleur écrasante d’un long week-end de Pentecôte n’ont rien arrangé à l’affaire. Mais les jeunes se détournent des manèges et attractions. « Regardez mon fils, il serait en âge d’être dans les manèges mais il joue sur son téléphone. » S’il en sourit, Kévin Verrue est lucide. À Champniers, il tenait les autotamponneuses : « Ça marche toujours mais il y a moins de monde. Dans la vie des ados, le téléphone a pris plus de place. Pour discuter, on n’est plus obligé de se voir. » Le coût de la vie rentre aussi en compte. Pour passer quelques minutes sur la piste, il faut compter 3 euros. « Depuis que j’ai repris ce manège il y a six ans, je n’ai pas augmenté mes prix. Mais l’électricité coûte désormais tellement cher… Quand on retire toutes nos charges, il ne reste plus grand-chose. » Après Mouthiers, Alban Fougerat, qui gère les machines à sous met le cap sur Blanzac. « Ce n’est pas loin. Clairement, on ne ferait pas 1 000 km pour venir à Mouthiers. Ce ne serait pas rentable car on a aussi nos frais, l’électricité, le gasoil. C’est de plus en plus dur. Les gens sont très regardants et on les comprend vu le contexte. »

Les bénévoles manquent, les frairies souffrent

« Ça m’embêterait que ça s’arrête. J’ai grandi dedans, ça me tient à cœur. » Comme ses confrères. Kévin Verrue veut voir les frairies perdurer. Mais comment faire ? Jiovanie Potier, jeune Carmantois passionné de frairie, anime la page Facebook « Fêtes foraines de Charente ».

Plus de 1 200 personnes y sont abonnées : « Certaines continuent de bien marcher, comme celles de Ruelle ou de Chabanais. » Le passionné lance des pistes : « Il faut que le monde forain communique auprès des jeunes. C’est ce que j’essaie de faire en les aidant. »

Jiovanie Potier est passionné de frairie. Il anime une page Facebook où il répertorie les frairies de Charente.
Jiovanie Potier est passionné de frairie. Il anime une page Facebook où il répertorie les frairies de Charente.

Photo Nicolas Gallien

Mais là où le bât blesse, c’est sur la désaffection générale que connaît le monde associatif. Un phénomène qui n’a rien de nouveau mais que la crise sanitaire a accentué. En corollaire, des fêtes foraines plus compliquées à organiser pour les petites communes. Jean-Paul Bouyssou, qui travaille beaucoup dans de petites communes, uniquement à 80 kilomètres d’Angoulême, s’inquiète de la désertification de ces gros bourgs : « Souvent les villages se dépeuplent, il n’y a plus d’école, plus de jeunes, et la jeunesse, c’est notre clientèle. »

Des maires ne veulent plus s’em****** à organiser des festivités.

Pascal Guetcel, qui tenait le labyrinthe enfantin à Mouthiers et qui tourne beaucoup en Gironde, observe qu’il « y a de plus en plus de maires qui ne veulent plus de fêtes foraines ». « Ils ne veulent plus s’emmerder (sic) à faire des festivités. C’est la catastrophe car il ne se passe déjà pas grand-chose dans les villages. » Ce n’est pas seulement le fait de petites localités. À Toulouse, le maire a tiré un trait définitif sur la fête foraine et dans de plus en plus de villes (Antibes, Carpentras…), elles sont priées de s’installer en périphérie. « Souvent, c’est quand il y a un nouveau maire que les choses changent. Ils veulent refaire les places et les parkings, mettre des arbres », poursuit Pascal Guetcel, qui craint qu’il leur soit de plus en plus difficile de travailler.

Il y a eu beaucoup d’aménagements pendant le covid, confirme Jean-Paul Bouyssou, la figure historique locale des auto-tamponneuses. Toutes les communes ont aménagé leurs places ce qui oblige à changer d’endroit. Parfois, il ne suffit pas de bouger beaucoup pour voir la fréquentation diminuer.” A Angoulême, la fête foraine a quitté Victor-Hugo pour le Champ de Mars suite à une nouvelle organisation du marché. A Mouthiers, les manèges étaient auparavant un peu plus proche de l’église, mais surtout Jean-Paul Bouyssou note que la commune s’est largement étendue. “Les gens qui habitent là-haut, on ne les voit pas.” Peut-être parce que les attractions n’ont plus autant la cote. Pour autant, il ne généralise pas. “Il y a des maires qui nous paient les déplacements pour qu’on vienne!”

À La Couronne, plus de frairie… Pour le moment ?

Pour la première année, il n’y a pas eu de frairie à La Couronne. Décision de la municipalité, que regrettent plusieurs forains. Le maire (PS) Jean-François Dauré explique : « Pour la deuxième année consécutive, nous n’avons pas le choix. » L’édile pointe des raisons économiques : « L’inflation nous pousse à mettre le frein sur toutes nos activités. Sinon, nous aurions indiqué aux forains d’installer leur manège. Si nous allons jusqu’à fermer la piscine, ce n’est pas pour rien. » Il souligne aussi des aménagements qui forcent les forains à déménager : « Avec le pôle multimodal et la passerelle de la gare, les manèges ne peuvent plus s’y installer. Et nous n’avons pas les moyens, cette année, de les accueillir à la cité Lafarge. »
Un gros coup dur pour le monde forain, La Couronne étant une étape importante de leur saison. « Avant, on était dans le centre-ville. Ensuite, ils nous ont mis près de l’abbaye mais il fallait faire des travaux pour faire venir l’électricité, du coup, ils ont tout annulé », explique Alban Fougerat, qui tenait, à Mouthiers, les machines à sou. « C’est comme si on vous disait que vous perdez votre emploi pendant une semaine », image Wendy Bouyssou.