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Le calendrier de l’Avent ou le goût de l’attente

Lorsque l’on était enfant, quelque part autour des années 90, le passage à la date du 1er décembre déclenchait chaque année le même rituel, celui de l’ouverture de la première case du calendrier de l’Avent. On n’avait pas besoin d’être chrétien pour sacrifier à la tradition – laquelle trouverait ses racines chez les familles protestantes d’Allemagne qui, dès le XIXe siècle, offraient chaque jour avant Noël une image religieuse à leurs enfants (youpi). On n’avait pas besoin non plus d’avoir un calendrier par personne (chaque enfant ouvrait une case lorsque arrivait son tour, tant pis si ça ne tombait sur nous qu’un jour sur quatre) ni de se faire offrir un modèle fastueux : la version de base, qui devait coûter une vingtaine de francs au plus, avec un décor de père Noël ou de Saint-Nicolas tout ce qu’il y avait de plus standardisé, avec ses chocolats au lait sans intérêt particulier, suffisait. C’était le rituel qui comptait. Ce rituel qui taquinait : voici un avant-goût, mais vous n’y êtes pas encore tout à fait. Ce rituel qui promettait : hauts les cœurs, l’attente avant la grande fête ne durera plus trop longtemps. Ce rituel, en fait, qui disait : la patience, c’est ça, et ça n’est pas si désagréable, si ?

Petites surprises

Ensuite, on a pris le goût de les fabriquer nous-mêmes, en découvrant le plaisir de la préparation : celui de se demander comment on allait procéder, d’abord (utiliser des rouleaux de PQ pour en faire comme des papillotes ? Leur préférer des petites boîtes en carton à fabriquer soi-même en suivant un patron de dés ?), celui de penser aux surprises qu’on allait insérer dans le calendrier de l’Avent destiné à ceux que l’on aimait. Puis, on a grandi. Et si on a gardé le même appétit pour les rituels et les attentions, celui pour les calendriers de l’Avent a un peu baissé.

C’est que les prix parfois délirants des calendriers du commerce ont de quoi interroger. Surtout, les petites surprises que cachent ces calendriers paraissent aller à l’encontre du principe même de l’Avent : elles devraient être des amuse-bouche, en aucun cas faire la nique au plat principal. Il ne s’agit pas de critiquer la diversification des mets proposés dans ces calendriers : que l’on parle de bières artisanales, de thés ou de cafés, d’alcools forts en mignonnettes ou de sachets d’épices, à chacun son plaisir et nous ne saurions en être les censeurs.

Mais tout est affaire de proportions : des petits chocolats, très bien. Des calissons, passe encore – et plutôt sur les gros chiffres proches de la fin, car on est tout de même en présence d’une douceur des plus estimables. Mais des pots de confiture entiers ? Des morceaux de fromage assez gros pour nourrir un régiment ? Des sucreries industrielles qui saturent bien les papilles ? Des biscuits ultra-sophistiqués ? Non, mille fois non. Gardons-nous d’arriver aux agapes écœurées par des élans de gourmandise déjà trop satisfaits, réservons le raffinement (et les excès) au réveillon, et, d’ici là, célébrons le goût de l’attente.