France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

« Le Chewing-gum de Nina Simone », de Warren Ellis : un chewing-gum, « trésor infime et immense »

Le Chewing-gum de Nina Simone

de Warren Ellis

Traduit de l’anglais par Nathalie Peronny

La Table Ronde, 215 p., 28,50 €

Cela pourrait relever d’un fétichisme assez embarrassant. Cela devient au total une belle réflexion sur notre lien aux objets et, davantage encore, sur la vocation artistique. Le 1er juillet 1999, au terme d’un concert de l’immense chanteuse noire Nina Simone (1933-2003), « performance sauvage et transcendante », Warren Ellis se précipite sur scène et ramasse sur le piano la serviette où elle a posé son chewing-gum en entrant sur scène.

Pendant vingt ans, ce musicien d’origine australienne conserve l’objet par-devers lui, précieusement et discrètement. En 2019, le chanteur Nick Cave avec lequel il collabore étroitement prépare une exposition sur sa carrière et lui demande s’il a des choses qui pourraient y figurer. Warren Ellis propose le violon sur lequel il a appris à jouer enfant et le chewing-gum de Nina Simone. La préparation de l’exposition puis la reproduction de l’objet afin d’en faire quelques exemplaires de pendentif en argent l’amèneront à constater l’émotion que suscite chez tous ses interlocuteurs ce « trésor infime et immense ».

Émotion qui s’explique par l’admiration suscitée par Nina Simone dont le talent était aussi grand que sa vie fut douloureuse. Mais qui naît aussi de l’ingénuité avec laquelle Warren Ellis vit cette aventure. Aucune affectation perceptible de sa part. Seulement le souhait, comme l’écrit une de ses amies, de se conduire en « gardien responsable d’un objet important (…), ce morceau d’histoire, ce fragment de Nina ».

Amitié avec Nick Cave

Raconter cette histoire devient l’occasion pour Warren Ellis de revisiter l’itinéraire suivi depuis sa naissance non loin de Melbourne, son apprentissage de la musique, son amitié avec Nick Cave, figure importante de la scène rock, avec lequel il a composé de nombreuses musiques de films. Là aussi, Warren Ellis a une manière toute simple de dire la joie de créer, de sentir qu’une association de notes va fonctionner, de recevoir la réponse du public.

Il se remémore un souvenir d’enfant quand, avec son frère, ils ont observé - ou rêvé - la présence nocturne de clowns dans le jardin de la maison familiale. Cinquante ans après, il écrit : « J’ai compris que le petit gars qui a vu des clowns en 1970 est la même personne que vous voyez se produire sur scène. Remplie d’émerveillement et de révérence envers l’inexplicable. Cette personne à l’intérieur de soi qui n’est pas celle que l’on voit dans le miroir. Celle qui chemine à nos côtés. »