France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Le Domaine Les Crayères, à Reims, une merveilleuse adresse de l'art de vivre à la française

Temps de lecture: 9 min

Le Domaine Les Crayères est devenu, sous l'impulsion des frères Gardinier, qui lui ont offert une nouvelle destinée au début des années 1980, l'une des plus belles adresses de l'art de vivre à la française. Il affiche, à l'aube de ses 40 ans, une toute nouvelle vision.

Élu plus bel hôtel du monde à plusieurs reprises par Condé Nast Traveler et par le New York Times en 2007, fleuron des Relais & Châteaux, l'établissement cinq étoiles est une destination à part entière au cœur de Reims. Situé sur la butte Saint-Nicaise, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, entre le dôme de la basilique Saint-Rémi et la cathédrale de Reims, il s'agit d'un lieu majestueux déroulant tout autour de lui sept hectares de nature paysagère dessinée par Édouard Redont entre cèdres du Liban, buis centenaires et parterres de plus de 3.000 fleurs renouvelées à chaque saison. Édifié à l'initiative de la marquise de Polignac, passionnée d'architecture, le château, d'un pur style Mansart, terminé en 1904, offre la plus belle vue sur la ville et la montagne de Reims.

L'établissement compte vingt chambres et suites, chacune baptisée du nom d'une impératrice, d'une reine ou d'une princesse d'Europe pour un séjour dans l'esprit de celui d'une maison aristocratique, sophistiquée et familiale. Le lieu privilégie le savoir-vivre à la française avec un accueil chaleureux dont Marie-Liesse Mantsch, directrice de l'hébergement, se porte garante depuis bientôt trente-quatre ans.

L'établissement compte vingt chambres et suites, chacune baptisée du nom d'une impératrice, d'une reine ou d'une princesse d'Europe. Ici, la chambre Éléonore. | Anne-Emmanuelle Thion

La décoration est signée de l'un des plus grands noms du style classique, Pierre-Yves Rochon, dont ce fut le premier hôtel restauré en 1981. Elle rend un hommage aux belles étoffes, au mobilier d'antiquaire, papiers peints et tissus aux motifs puisés dans les archives de l'histoire de la maison Pierre Frey: velours Dedar, étoffes brodées de chez Lelièvre, etc.

Au fil de ces dernières années, le Domaine Les Crayères a réussi le pari de créer un équilibre subtil entre le charme unique d'une maison historique et celui d'un hôtel bien dans son époque. Il a l'ambition d'offrir un voyage dans le temps et en Champagne, avec toutes les règles d'un savoir-recevoir d'aujourd'hui à la fois chic et convivial.

Philippe Mille, un chef à la réflexion visionnaire

Bocuse d'Europe et Bocuse de Bronze en 2009, élu Meilleur Ouvrier de France et «Grand Chef des Relais et Châteaux» en 2011, Philippe Mille a une trajectoire ascensionnelle depuis l'obtention de ses diplômes en cuisine et en pâtisserie. Doublement étoilé depuis 2012 au restaurant Le Parc il estime qu'il est aujourd'hui capable d'offrir bien davantage qu'une cuisine locavore et engagée. «Témoigner de l'âme de la Champagne, ce n'est pas seulement cuisiner le terroir... c'est comprendre qui elle est!», affirme-t-il d'ailleurs.

La salle du restaurant Le Parc. | Anne-Emmanuelle Thion

La particularité de ce grand chef, ce sont ses techniques de cuisson et de découpe inédites, ainsi que le lien qu'il entretient avec les producteurs, artisans, vigneron. Ses plats travaillés avec élégance sont le fruit d'une longue réflexion, d'une connaissance du terroir acquise au fil des années.

«Témoigner de l'âme de la Champagne, ce n'est pas seulement cuisiner le terroir...
c'est comprendre qui elle est!»
, affirme Philippe Mille. | Anne-Emmanuelle Thion

La cuisine de Philippe Mille, c'est également la surprise, la réflexion qui se joue autour des recettes. Ainsi de son plat de couteaux, d'un blanc immaculé, venant rappeler que la mer a laissé son héritage sur ces terres il y a des millions d'années –qui est tout à fait perceptible en bouche lors des dégustations de champagnes–, servi dans une assiette massive couleur calcaire.

Au restaurant Le Parc du Domaine Les Crayères, les couteaux de mer, chou-fleur fumé. | Mathieu Garçon

Ses plats sont aussi inspirés des acteurs du terroir et des rencontres que le chef y fait. Grégory Pierson, un marqueteur de paille, lui a ainsi inspiré un plat à partir de la volaille de Monsieur Cogniard, à Pauvres (Ardennes), travaillée autour du seigle (la paille est issue du seigle); sa langoustine marinée au verjus d'arbanne est un hommage spectaculaire à la Cathédrale de Reims et à l'atelier de vitraux Simon-Marq; son turbot, grillé sur les sarments de vigne et une douelle champenoise, tonneau qui servait à la fabrication du champagne, est accompagné de pommes de terre cuites sur braises dans une forge réalisée par un métallier local –un clin d'œil du chef à son enfance lorsqu'il observait son père ferronnier.

Le turbot cuit sur douelle champenoise. | Mathieu Garçon

Bref, Philippe Mille ancre le Domaine Les Crayères dans son terroir multiple. «À quoi bon cultiver des histoires en cuisine et avec les producteurs s'il n'y a personne pour les transmettre au client?», s'interroge ce Sarthois d'origine dont le talent s'est forgé derrière les plus beaux pianos: chez Drouant, au Pré Catelan avec Frédéric Anton, chez Lasserre, au Ritz avec Michel Roth, puis au Meurice auprès de Yannick Alléno.

Sa brigade, elle, évolue dans la bienveillance et le calme pendant les services. «Le savoir-faire est indissociable du savoir-être en cuisine. Travailler en osmose, c'est la garantie d'une plus grande précision», confie à ce propos celui qui a créé un concours devenu international pour motiver les jeunes talents: le Trophée Mille, qui réunit chaque année quatorze pays, et lors duquel de nombreux chefs étoilés viennent partager leur passion et épauler les futurs grands.

Le foie gras en pierre saline de sarrasin ardennais, champignons. | Anne-Emmanuelle Thion

À la carte du restaurant Le Parc

Les entrées: les champignons au pinot noir, truffes noires et boutons de guêtres en aigre doux, bouillon de sous-bois, crémeux à l'eau de noix (110 euros); l'hommage à Notre-Dame de Reims, vitrail de langoustines marinées au verjus, gaufrette coralline aux grains de caviar (100 euros); couteaux de mer de Placet, chou-fleur fumé aux ceps de vignes, craie de noisette de bulles de chardonnay (90 euros).

L'hommage à Notre-Dame de Reims, vitrail de langoustines marinées au verjus,
gaufrette coralline aux grains de caviar. | Anne-Emmanuelle Thion

Les poissons: le Saint-Pierre cuit sur une douelle champenoise, carottes façon «Suzette», sucs d'oranges au champagne, mousseline de carottes et crémeux cardamome (95 euros); les Saint-Jacques contisées de truffe noire, pomme et céleri sous une robe de radis, tartare nourri d'un sabayon aux algues (120 euros).

Les viandes: le dos de chevreuil sur sarments de vigne, betteraves laquées de lie de vin, gel d'hibiscus (90 euros); le carré de veau et truffe noire, pickles de pommes de terre et poireaux à la flamme, le filet taillé au couteau, jus de rôti (120 euros).

Les fromages: le chariot de fromages affinés au lait de vache, chèvre et brebis (30 euros); le chaource au lait cru, coulis d'herbes fraîches du jardin, noix caramélisées comme des chouchous (25 euros).

Le chariot de fromages affinés. | Anne-Emmanuelle Thion

Les desserts: le miel toutes fleurs Les Ruchers de l'Espérance, mousse miel et vanille de Madagascar, confit de citron, oabika et miel (30 euros); café grands crus, crème glacée parfumée aux graines de caféier, raisins marinés au marc de champagne (30 euros); feuille à feuille de champagne, mousse et poire au ratafia champenois, biscuit à la confiture de Conférence (32 euros); écorce de la forêt d'Argonne, crémeux chocolat d'Indonésie de Nicolas Berger, noix de pécan caramélisées, confit de cerises et ratafia (32 euros).

Le café grand cru du Costa Rica, crème glacée aux graines de caféier, raisins marinés au marc de champagne. | Mathieu Garçon

Menu «Expression du terroir» en quatre séquences (entrée, plat, fromage et dessert) à 115 euros.

Menu «Promenade en Champagne» à 155 euros.

Menu «Voyage avec le chef» à 260 euros proposé pour le dîner ainsi que pour le déjeuner les samedis et dimanches.

Menu «Truffe noire» à 420 euros.

Déjeuner et dîner du mercredi au dimanche inclus.

Yoann Normand, chef pâtissier du juste équilibre

«Ma pâtisserie n'a d'autre ambition que de réveiller l'enfant qui sommeille en nous. C'est un peu ma suite logique pour conclure un repas d'exception: se rappeler les bons souvenirs, et ils sont pour la plupart ancrés dans nos vingt premières années. Notre gourmandise, on la tient en grande partie de cette époque insouciante.» Ainsi parle Yoann Normand.

Pas de limites dans sa cour de récréation qui compte douze pâtissiers et qu'il ne manque jamais d'interroger sur leurs souvenirs sucrés: «C'est très intéressant, il y a toujours des trésors qui en ressortent.» Mais il a un principe immuable: utiliser toutes les richesses du terroir champenois.

À 29 ans, ce pâtissier perfectionniste, champion de France des desserts en 2019, travaille des assiettes dans lesquelles «tout doit être justifié». Pas de superflu, rien qui dénature l'idée principale du dessert, et principalement des fruits, beaucoup de fruits pour ce gourmand né à côté d'un verger.

Ses desserts s'inscrivent dans la démarche du chef Philippe Mille: raconter des histoires dont le principal moteur demeure la gourmandise. Comme celle provoquée par un cube de chocolat brut de Cuba inspiré par le travail de Nicolas Berger, qui source lui-même ses fèves dans le monde entier ou encore ces sucettes choco-lait fumées aux sarments de vigne.

Une brasserie en pleine nature

Nichée à côté du parc, la brasserie Le Jardin propose une ambiance bon enfant, une terrasse bucolique sans égal au cœur de la capitale champenoise, et une bâtisse aux allures d'immense loft aménagée dans un style contemporain autour d'une cuisine ouverte.

La salle de la brasserie Le Jardin. | Anne-Emmanuelle Thion

Le chef Philippe Mille déroule une carte spontanée, mais toujours travaillée autour de la générosité, du produit, et en conservant le même sourcing exigeant qu'à la table gastronomique Le Parc.

À la brasserie Le Jardin, la fricassée de ris de veau en tartelette. | Mathieu Garçon

Les cuissons précises, les petites nages et les «desserts de copains» du chef pâtissier Yoann Normand en font une destination bistronomique de haute volée.

Menu à 33 euros pour trois plats au déjeuner comme au dîner. Ouvert tous les jours.

Un bar confidentiel

Avec quarante places assises (sur réservation uniquement) et un décor d'acajou et de tartan, le bar La Rotonde est devenue un lieu mythique, un rendez-vous d'happy few à l'atmosphère unique, mi-club de gentlemen, mi-jardin d'hiver à la française.

Le bar La Rotonde, mi-club de gentlemen, mi-jardin d'hiver à la française. | Domaine Les Crayères

La sélection des eaux-de-vie est à la hauteur des amateurs les plus exigeants avec des bouteilles rarissimes comme celles de la distillerie tyrolienne Rochelt, des alcools bruns et des cocktails signatures.

Ouvert 7/7 j.

Une cave de 63.000 bouteilles

La carte du Domaine Les Crayères a été élue «plus belle carte des vins au monde» par la revue World of Fine Wines. La cave à vins de l'établissement n'en est, pour autant, pas moins insolite: à température idéale, elle se trouve dans un authentique bunker au fond du parc.

Le Domaine Les Crayères propose une carte des vins et champagnes incroyablement fournie. | H. Guillet

Si Martin Jean, chef sommelier, y a installé une cave de vieillissement supérieure pour nourrir des verticales prestigieuses avec les Côte-Rôtie du domaine Jamet ou des Meursault Coche-Dury quasi introuvables, ce jeune passionné champardennais cultive un autre trésor: 1.100 bouteilles de champagne et pas moins de 530 maisons représentées.

«Les jeunes vignerons ont une tout autre approche et leurs voyages dans d'autres régions vinicoles ou plus loin n'y sont pas étrangères», confie le chef sommelier. «Nous cherchons dans chaque vin la pureté et à retrouver l'authenticité d'une maison», poursuit ce connaisseur exigeant qui, sur une centaine de nouveautés chaque année, ne référence qu'une dizaine de nouvelles signatures et peut parfois en déréférencer d'autres.

Celui pour qui l'accord parfait n'existe pas a pour ambition d'apporter une ligne directrice à tout le repas. «Contrairement aux idées reçues, le champagne est un vin de garde. Au fil du temps, il développe d'autres arômes, accompagne d'autres plats… Il faut éviter de boire un champagne trop jeune.»

Portrait du chef sommelier Martin Jean. | Anne-Emmanuelle Thion

Et c'est bien pour cela que certains de ses champagnes reposent eux aussi dans la cave de vieillissement pour rééquilibrer les millésimes, atténuer le dosage, apporter de la complexité. Martin Jean travaille de concert avec le chef, le vigneron et le client, il crée des accords mets et champagne grâce à une carte d'une demi-douzaine de références au verre, chacune illustrant une typicité volontairement très différente des autres, ou encore à travers le millier de références à la bouteille.

64, boulevard Henry Vasnier, 51100 Reims. Tél.: 03 26 24 90 00. Chambres à partir de 490 euros.

À lire: L'Âme de la Champagne: artisanat d'art et haute gastronomie, par Philippe Mille, photographies d'Anne-Emmanuelle Thion.