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Le «Guardian» s’excuse pour ses liens passés avec l’esclavage

Au Royaume-Uni, la traite des esclaves a été interdite en 1807, mais il a fallu attendre 1833 pour que l’esclavage soit définitivement aboli. Entre les deux, le massacre de 18 civils qui manifestaient pour une réforme de la représentation parlementaire à Manchester a donné lieu à la création, en 1821, du Guardian, quotidien de centre gauche, lu aujourd’hui par plus de 18,5 millions de personnes tous les mois. A l’origine de la création de ce grand journal britannique, le journaliste John Edward Taylor, témoin du massacre, a pour projet d’«appliquer avec zèle les principes des libertés civiles et religieuses», et de promouvoir des valeurs de justice et de liberté. Autour de lui, onze hommes d’affaires, des penseurs radicaux de la classe moyenne, en apparence opposés à l’esclavage.

Une fortune liée aux plantations

Mais en 2020, alors que la foule fait tomber la statue d’un marchand d’esclaves à Bristol, plusieurs musées et universités britanniques commencent à se poser la question de la décolonisation de leurs collections et de leurs enseignements. Le groupe Scott Trust, propriétaire du Guardian, demande lui-même à des chercheurs des universités de Hull et de Nottingham de se pencher sur le passé du journal. Leur rapport, sorti mardi, met en évidence les liens de ses fondateurs avec l’esclavage.

En effet, l’histoire de Manchester est indissociable de celle du coton venu des plantations américaines, qui a fait les affaires de filatures et de commerçants de la ville, à des milliers de kilomètres des plantations. John Edward Taylor n’est alors pas le seul à avoir des partenariats dans les industries qui profitent de ce commerce transatlantique et, donc, de l’esclavage : neuf de ses investisseurs tirent également une partie de leur fortune de ce secteur. L’un d’eux, Nathaniel George Philips, fut même copropriétaire d’une plantation de canne à sucre en Jamaïque. Il tentera de se faire indemniser après la fermeture de celle-ci.

«Un premier pas»

Le Scott Trust a immédiatement publié ses excuses «pour le rôle qu’ont joué le Guardian et ses fondateurs dans ce crime contre l’humanité». Un «premier pas» auquel le groupe entend ajouter des actions : 10 millions de livres (11,3 millions d’euros) seront consacrés à des projets de justice restaurative, et des postes seront créés pour «augmenter la portée et l’ambition des reportages du Guardian sur les Caraïbes, l’Amérique du Sud et l’Afrique, ainsi que sur les communautés noires au Royaume-Uni et aux Etats-Unis».

Pour l’historien David Olusoga, qui a réagi dans le journal, il s’agit «d’une dette qui ne pourra pas être remboursée». «Reconnaître l’histoire est un premier pas, et collaborer avec ceux avec qui on la partage est le suivant», explique-t-il, admettant qu’il n’y a pas de «modèle» à suivre dans ce genre de démarches. D’autres liens restent à faire. En octobre 2022, la ville d’Edimbourg s’était déjà excusée pour son rôle dans l’esclavage et la colonisation. En janvier, l’Eglise d’Angleterre faisait de même, et des experts de l’ONU invitent désormais la famille royale et le gouvernement britannique à examiner leur propre histoire à travers le prisme de l’esclavage.