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[Le Jour où…] « La grippe aviaire a touché mon élevage »

« Ce mardi 15 novembre, c’était le jour de trop, raconte François Kerscaven. Lorsque j’entre dans mon poulailler à 7 h 30, je trouve un premier animal mort, un deuxième, un troisième… plus de 100 cadavres jonchent le sol. La veille tout allait bien. Mais j’étais inquiet car durant le week-end, un élevage de pondeuses, situé à moins d’1 km de mon exploitation, et dans les vents portants, venait d’être touché par la grippe aviaire. J’ai appelé ma vétérinaire qui est arrivée sans tarder et averti mes voisins aviculteurs. Élu à la chambre d’agriculture, je suis le dossier influenza aviaire et connais le protocole.»

«Tout s'enchaîne»

«Autopsie, signalement à la direction départementale de la protection des populations (DDPP) pour suspicion, étude épidémiologique, analyses… : la machine est lancée. À 17 h 56, le directeur adjoint de la DDPP du Finistère m’appelle : le résultat est positif, il faut euthanasier les 10 500 dindes. Ensuite, tout s’enchaîne. Un arrêté interdit la circulation sur la route accédant à l’élevage. Dès le lendemain 9 h, la cavalerie arrive : un camion estampillé « véhicule prioritaire sécurité sanitaire », puis d’autres, ainsi qu’une trentaine de personnes en combinaison blanche. Un ruban délimite la zone.»

«Pour entrer, il faut franchir un sas sanitaire, un pédiluve, enfiler une première combinaison, gants, masque lunettes de protection, puis renouveler l’opération 100 m plus loin, décrit François Kerscaven. Je crois être sur le terrain d’un accident bactériologique comme lors de Tchernobyl. J’assiste en tant que spectateur aux côtés d’agents de la DDPP et de la gendarmerie, tous bienveillants. Puis, tous s'en vont, c’est le grand vide. Plus un bruit, plus un animal.»

«Besoin d'en parler»

«Les questions tournent en boucle dans ma tête : pourquoi ? Comment ? Qu’ai-je mal fait ? Malgré toutes les précautions de biosécurité auxquelles je m’astreins chaque jour, le pire est arrivé. Je culpabilise. J’ai le sentiment d’un grand gâchis car une partie du lot allait partir à l’abattoir. Heureusement, je peux compter sur ma famille, les amis, les collègues. J’accepte la prise en charge par un psychologue proposée par la MSA. J’ai besoin d’en parler, d’évacuer. Le délai d’indemnisation sera long mais mon OP (1) me soutient. Après 80 jours de vide sanitaire, j’ai redémarré un lot mais avec toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Je respirerai mieux quand les dindes partiront. »

(1) Organisation de producteurs