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Le Mondial, une occasion de prosélytisme religieux pour le Qatar ?

Dans une vidéo devenue virale, une famille, foulard sur la tête pour les femmes et maillot de foot sur les épaules, récite la profession de foi de l’islam – la chahada répétant les mots d’un homme, coiffé d’un turban. Ces mises en scène de conversion à l’islam, en marge de la Coupe du monde de football au Qatar, fleurissent sur les réseaux sociaux depuis le début de la compétition. Elles posent la question du prosélytisme et de l’agenda religieux des autorités de l’émirat, où l’islam d’obédience wahhabite est religion d’État.

Selon la loi islamique, en vigueur dans le pays, une simple récitation de la profession de foi de l’islam, prononcée le doigt levé, suffit pour devenir musulman. Lors du Mondial, plusieurs prédicateurs se filment ainsi, proposant à des supporteurs de la répéter et donc de devenir des fidèles musulmans. C’est notamment le cas de la vidéo de cette famille, visionnée plus d’un million de fois sur le réseau social TikTok.

Prosélytisme « culturel »

Au cœur de Doha, la capitale, plusieurs médias étrangers font aussi mention de la fréquentation par les touristes de la mosquée bleue de Katara, ainsi que du centre culturel, érigé spécialement par le ministère qatarien des biens religieux et des affaires islamiques pour informer les non-musulmans sur l’islam et ses principes. « Il y a une volonté de la part du Qatar de corriger une image jugée négative de l’islam », observe Nabil Ennasri, docteur en sciences politiques, coauteur, avec le chercheur en géopolitique Raphaël Le Magoariec, de L’Empire du Qatar. Le nouveau maître du jeu ? (Les points sur les i, octobre 2022).

Une ambition qui vise particulièrement les supporteurs occidentaux découvrant le petit pays du golfe Persique. Elle s’adresse aussi aux populations des autres pays arabo-musulmans. Soucieux d’affirmer « une position de leadership dans la région », le Qatar est habitué à utiliser « le religieux à des fins politiques », comme il le fait en s’appuyant sur les Frères musulmans. Les réseaux internationaux sont un « instrument précieux dans sa stratégie de rayonnement politico-diplomatique au Moyen-Orient », soulignait déjà en 2017 Stéphane Lacroix, chercheur spécialiste de la région, dans une note sur le site de Sciences Po où il est professeur.

En outre, « il ne faut pas oublier que nous sommes dans un pays musulman conservateur », insiste Nabil Ennasri, actuellement au Qatar. Ainsi, les supporteurs quittant les tribunes pour assister à la prière dans des salles prévues à cet effet relèvent de la culture et sont communs aux autres pays arabo-musulmans. Cette mise en avant assumée de la religion et des pratiques musulmanes peut être du même ordre. En dehors du Mondial, dans les centres commerciaux de Doha, des stands et des tentes sont aussi réservés à l’information sur l’islam par des associations caritatives musulmanes.

« Laisser-faire »

Ce « laisser-faire » aurait aussi une dimension sociopolitique, dans cet État de la péninsule arabique où les différentes tribus jouent encore un rôle important. « L’émir du Qatar (chef de l’État et du gouvernement, NDLR) doit composer avec les différents pans de la société et créer une stabilité entre eux », analyse Raphaël Le Magoariec. Il s’agit ainsi de « contenter les conservateurs », rétifs à l’égard de la Coupe du monde, pour « favoriser une paix sociale autour du Mondial ».

Mais cette attitude peut avoir des limites. Pour preuve, l’invitation supposée du prédicateur indien Zakir Naik par le Qatar, dans le cadre de la Coupe du monde, a suscité la controverse. Soupçonné d’accointances avec le groupe terroriste Al-Qaida, ce prêcheur conservateur fait l’objet d’un mandat d’arrêt en Inde pour blanchiment d’argent et incitation à la haine. L’invitation a été démentie par les autorités qatariennes et sa présence sur place n’a pas pu être vérifiée.