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Le nucléaire fracture l'UE sur des textes clés pour le climat

Force est de constater que le rôle du nucléaire dans la transition énergétique ne fait pas jurisprudence au sein de l'Union européenne. La reconnaissance de l'atome civil dans un texte en particulier (comme, par exemple, son inclusion dans la classification européenne des activités vertes) ne crée jamais de précédent pour les négociations ultérieures tant il suscite des crispations entre ses partisans, emmenés par la France, et ses détracteurs, l'Allemagne en tête. Dernier exemple en date : les négociations laborieuses des ministres européens de l'énergie, qui doivent se réunir en conseil ce mardi, sur plusieurs textes phares pour le climat. A Bruxelles, toutes les discussions concernant l'inclusion du nucléaire se jouent au cas par cas, texte par texte.

Ce premier conseil européen de l'énergie sous la présidence suédoise aura pour « toile de fond des discussions informelles sur la directive RED III [une vaste loi sur les énergies renouvelables qui fixe des objectifs ambitieux d'hydrogène renouvelable pour l'industrie et les transports d'ici 2030, ndlr] », précise le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition énergétique. L'objectif est de parvenir à un compromis en vue du trilogue (réunion entre les représentants du Parlement, du Conseil et de la Commission afin d'obtenir un accord acceptable à la fois pour le Conseil et le Parlement), prévu demain. « Nous sommes dans la phase finale de négociations sur Red III, mais il reste beaucoup de sujets non réglés, notamment la place de l'hydrogène bas carbone », souligne-t-on à Paris.

Traitement équilibré pour l'hydrogène bas carbone et renouvelable

Dans ce texte, la France réclame, en effet, un traitement équilibré entre l'hydrogène produit à partir d'énergies renouvelables (comme le solaire et les éoliennes) et l'hydrogène bas carbone, produit, lui, à partir du nucléaire. Mi-février, l'Hexagone avait obtenu une première victoire sur ce point du côté de Bruxelles, la Commission européenne ayant proposé que l'hydrogène produit à partir d'un mix électrique comportant du nucléaire puisse, sous conditions, être considéré comme « vert ». Mais quelques semaines plus tard, sept pays anti-nucléaires (Allemagne, Autriche, Danemark, Irlande, Luxembourg, Portugal, Espagne) ont rejeté en bloc cette idée dans une lettre commune.

« La position de la France reste la même. Il ne faut pas confondre la fin et les moyens. La fin c'est la décarbonation. Les moyens ce sont les renouvelables, mais ce ne sont pas les seuls moyens. Il y a aussi le nucléaire », expose l'entourage d'Agnès Pannier- Runacher.

La reconnaissance de l'hydrogène produit à partir du nucléaire fait aussi l'objet d'âpres négociations dans le cadre du paquet gaz, qui prévoit notamment l'adaptation des infrastructures gazières à l'essor du biométhane et de l'hydrogène, via des mesures incitatives pour les investisseurs, les producteurs et les consommateurs. Même approche pour la banque de l'hydrogène, où Paris est en négociations avec l'Allemagne. Cette nouvelle structure doit lancer dès l'automne prochain des enchères pour financer sur fonds de l'UE des projets de production d'hydrogène vert. « Là aussi, on ne voit pas pourquoi une technologie serait favorisée par rapport à une autre », pointe-t-on à Paris.

Une nouvelle réunion du club pro-nucléaire

Pour convaincre du rôle du bas carbone dans la transition, Agnès Pannier-Runacher réunissait, de nouveau ce matin, en amont du conseil européen de l'énergie, les pays membres de l'alliance européenne  pronucléaire. Fin février, la ministre de la Transition énergétique avait déjà rassemblé à Stockholm (Suède) dix pays autour de la France (Bulgarie, Croatie, République tchèque, Hongrie, Finlande, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie) prêts à défendre de nouveaux projets autour de l'atome civil.

Cette fois-ci, la ministre tricolore est parvenue à muscler cette coalition, en réunissant trois autres pays supplémentaires : « l'Italie [qui n'a pourtant plus de centrales nucléaires en activité, ndlr], la Belgique et les Pays-Bas ont participé à la réunion en tant qu'observateurs », révèle un communiqué de presse du ministère de la Transition énergétique.

De leurs côtés, douze pays favorables aux énergies renouvelables (Allemagne, Autriche, Belgique, Pays-Bas, Estonie, Espagne, Danemark, Irlande, Luxembourg, Portugal, Lituanie et Lettonie) se seraient également réuni en amont du Conseil pour se coordonner autour du paquet gaz et de la directive sur les énergies renouvelables.

En dehors de ces deux textes, Paris entend également défendre le rôle du nucléaire au sein du projet de règlement européen sur l'industrie "Net Zéro" visant à accroître la fabrication de technologies propres sur le Vieux continent. Une partie de la réponse au vaste plan IRA (Inflation Reduction Act), voté par l'administration Biden l'été dernier. Si le nucléaire y est finalement inclus, ne seraient a priori concernées que les centrales de quatrième génération, qui restent aujourd'hui à un stade expérimental, et les petits réacteurs modulaires (SMR), lesquels n'existent pas encore.

Paris plaide pour « une cohérence climatique »

Par ailleurs, Ursula Von der Leyen, la présidente de l'exécutif européen, a estimé que le nucléaire n'était pas stratégique pour le développement de l'industrie de l'Union européenne au regard de ce règlement. Une expression "évidemment malheureuse" pour Paris.

Plus généralement, la France regrette que la neutralité technologique ne soit pas retenue dans tous les textes, alors même que l'Allemagne a obtenu, in extremis, que la vente de véhicules thermiques roulant aux carburants de synthèse soit acceptée au sein de l'Union européenne après 2035, aux côtés des véhicules électriques. « Il y a un vrai enjeu de cohérence climatique et de cohérence de l'action de l'Union. Si on tient compte de la neutralité technologique dans une catégorie de texte, il faut le faire dans tous les textes », plaide le cabinet d'Agnès Pannier-Runacher.