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Le parti d’Aung San Suu Kyi dissous par la junte birmane

Le parti d’Aung San Suu Kyi, qui avait largement remporté les élections législatives en Birmanie en 2015 et 2020, va perdre toute existence légale à la suite d’une décision d’un organe lié au gouvernement militaire. L’annonce, émanant de la commission électorale mise en place par la junte et présentée mardi sur la télévision d’Etat MRTV, a été justifiée par des raisons techniques : la Ligue nationale pour la démocratie (LND) «verra son statut de parti politique automatiquement annulé» à partir de mercredi faute d’avoir rempli les conditions pour se réinscrire.

Les militaires avaient justifié leur coup d’Etat de février 2021 par des accusations contestées de fraudes électorales massives lors du scrutin remporté par la LND en 2020, fermant ainsi une parenthèse de dix ans d’expérience démocratique et plongeant le pays dans le chaos. L’armée au pouvoir promet depuis d’organiser un scrutin. Mais en février, les militaires, qui envisageaient d’abord la tenue d’élections avant août, ont mis en avant des raisons sécuritaires et logistiques pour retarder l’échéance de six mois supplémentaires, dans un pays en proie à un violent conflit civil qui échappe en partie à leur contrôle.

Nouvelle loi électorale

En janvier, la commission électorale avait donné deux mois aux partis politiques pour se réinscrire conformément à une nouvelle loi électorale stricte rédigée par l’armée, en prévision de nouveaux scrutins qui, selon les opposants de la junte, ne seront ni libres ni équitables. Seuls 50 des 90 partis existants ont demandé à se réinscrire conformément aux nouvelles règles, a déclaré la chaîne de télévision publique MRTV. Certains dirigeants en exil avaient précédemment appelé leur mouvement à ne pas se conformer à cette nouvelle loi électorale qui impose notamment aux partis voulant disputer des élections de mobiliser au moins 100 000 adhérents dans un délai de 90 jours après leur inscription. Il n’est pas précisé comment et par qui seront vérifiés si ces conditions sont remplies.

Les partis refusant de répondre aux conditions de cette nouvelle loi doivent donc être automatiquement dissous à partir de mercredi, dont la formation fondée notamment par Aung San Suu Kyi en 1988. La LND, qui avait réussi un raz-de-marée électoral lors du scrutin de 1990 annulé par la junte de l’époque, est restée le creuset des aspirations démocratiques et a remporté les scrutins de 2015 et 2020 en devançant les formations liées aux militaires. Après le coup d’Etat de février 2021, ses dirigeants ont été décimés par la répression sanglante de la junte. L’un de ses ex-parlementaires a même été exécuté, première victime de la peine capitale dans le pays depuis des décennies.

Condamnation du secrétaire général de l’ONU

Prix Nobel de la paix et figure de proue du parti, Aung San Suu Kyi est détenue depuis les premières heures du coup d’Etat. Agée de 77 ans, elle croupit désormais en prison après avoir été condamnée dans une série de procès à huis clos à 33 années de privation de liberté, ce que les groupes de défense des droits dénoncent comme une imposture.

La dissolution de son parti est un «nouveau pas dans une direction que nous n’appelons pas de nos vœux», a réagi un porte-parole du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres, appelant une nouvelle fois à la libération d’Aung San Suu Kyi. «Le régime birman se prépare à des élections nationales qui, si elles sont imposées par la force, risquent d’être les plus sanglantes de l’histoire récente du pays», a déclaré Richard Horsey, conseiller principal de l’International Crisis Group pour la Birmanie. «La majorité de la population est farouchement opposée à l’idée d’aller aux urnes pour légitimer le contrôle politique de l’armée, et nous assisterons donc à une escalade de la violence si le régime cherche à imposer un vote», a-t-il ajouté.