France
This article was added by the user . TheWorldNews is not responsible for the content of the platform.

Le patronat critique le budget 2023, le gouvernement voit rouge

« Manque d'ambition », « vit au-dessus de ses moyens », trop peu de « sobriété budgétaire ». Ces critiques formulées par le patronat pour qualifier le budget 2023, le gouvernement s'en serait bien passé. Surtout en provenance du Medef. En réponse, les réactions au sein de la majorité sont vives.

La réponse amère de Bruno Le Maire

Si le patronat estime que l'exécutif ne taille pas assez du côté des dépenses, qu'il balaie devant sa porte a ainsi rétorqué Bruno Le Maire. Invité sur France Inter mardi, le ministre de l'Economie n'a pas mâché ses mots : « C'est tout de même un peu fort de café. Le Medef trouve qu'on alourdit la dette et les déficits. Et bien, je leur fais une proposition : il n'y a qu'à renoncer à baisser les impôts de production. Ça coûte 8 milliards d'euros. On fera une économie ».

En effet, même si elle a finalement été étalée sur deux ans, la suppression de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ardemment réclamée par le Medef, est bien inscrite dans le projet de loi de finances. Et elle intervient après une précédente baisse des impôts de production de plus de 10 milliards d'euros sur le précédent quinquennat.

Aussi, très irrité, Bruno Le Maire n'a pas hésité à hausser le ton, invitant les représentants patronaux à « identifier tous les crédits d'impôts dont bénéficient les entreprises... qu'ils fassent d'un tout petit peu preuve de cohérence », a lâché le ministre.

Un agacement qui va bien au-delà de Bercy

Dans la majorité, le locataire de Bercy n'est pas le seul à être tombé de sa chaise devant les commentaires acerbes du Medef. La position du patronat n'est pas passée inaperçue et elle ne manque pas de faire tousser. « C'est une honte, le Medef manque singulièrement de responsabilités », s'agace ainsi un ministre proche d'Emmanuel Macron. Et de rappeler tout ce que ce gouvernement met en œuvre pour aider les entreprises depuis l'arrivée du Président .

« Nous avons fait les ordonnances travail, nous avons été là pendant le Covid, avec le quoi qu'il en coûte. Aujourd'hui nous sommes là encore, pour soutenir les entreprises face à l'inflation », déplore ce même membre du gouvernement. « En ce moment, ils demandent des délais pour le remboursement des prêts garantis par l'Etat, quand ce ne sont pas simplement de l'argent en plus qu'ils viennent encore réclamer pour payer les factures d'énergie. Les dirigeants d'entreprises ne peuvent pas être aussi ingrats ».

D'après nos informations, même au plus haut niveau, au Palais de l'Elysée, la réaction du Medef a fait tiquer. « Savent-ils vraiment ce que nous déployons pour eux ? Ça se mesure en milliards d'euros... Et ce qu'il nous en coûte politiquement de batailler contre une taxe sur les superprofits ? On aurait pu imaginer un peu plus de soutien... au moins le silence », plaide ainsi un conseiller du président.

Maintien de la politique de l'offre coûte que coûte

Dans les faits, le gouvernement ne veut pas se renier. « Nous tiendrons nos engagements, continuerons la politique de l'offre, et  nous allégerons les impôts de production, comme nous l'avons promis », assure l'entourage de Bruno Le Maire.

Et au passage de glisser que désormais avec la baisse de l'impôt sur les sociétés faite sous le premier quinquennat de 33 à 25 %, les entreprises françaises se situent dans la moyenne de leurs voisins européens : « Les niches étaient là pour compenser. Mais maintenant que nous sommes dans la norme, leur utilité peut être remise en cause. C'est légitime, même », poursuit Bercy.

Aussi, Bercy ne verrait pas d'un mauvais œil que quelques amendements soient glissés dans la discussion parlementaire pour raboter des crédits d'impôts des sociétés... et faire gagner quelques milliards d'euros à l'Etat.

Bruno Le Maire renvoie d'ailleurs aisément sur le travail mené par le député de la majorité Daniel Labaronne dont la mission est justement de tailler dans les dépenses . Dans le viseur, de cette mission, par exemple, le crédit d'impôts en faveur des maîtres restaurateurs, ou encore la réduction d'impôt pour les tuteurs de chômeurs qui créent ou reprennent une entreprise. « Il y a une foule de petites niches qui pourraient être supprimées sans grand mal. En plus, ce serait raccord avec ce que dit la Cour des comptes, souvent très critique de ces facilités fiscales », plaide encore, non sans ironie, l'entourage de Bruno Le Maire.

Jusqu'à s'attaquer aux niches plus importantes, comme le crédit d'impôt recherche qui coûte près de 6 milliards d'euros chaque année à l'Etat ? « Pourquoi pas. Disons qu'il pourrait être mieux ciblé, pour mieux répondre à la transition écologique », plaide un ministre. Un temps évoqué, le verdissement du crédit impôt recherche n'a pas été retenu pour le budget 2023... mais pourrait bien figurer en 2024 !

Sur le dossier des retraites, le patronat aussi peut mieux faire

Surtout, l'agacement que suscite le Medef va bien au-delà de la question du budget. Le gouvernement a en effet peu goûté le faible soutien de l'organisation patronale à la réforme des retraites. En cette rentrée, Geoffroy Roux de Bézieux, le numéro un du Medef estime, en effet, « que cette réforme n'est pas ce qu'il faut faire, qu'il y a bien d'autres problèmes, des priorités ». Un coup de frein jugé inopportun par l'exécutif.

Du côté du Medef, on cherche à minimiser le différend. « Chacun est dans son rôle. il n'y a rien de grave. Sur le budget, nous disons juste ce qu'exprime le Haut conseil des Finances publiques sur le fait de ne pas laisser filer la dépense. Et puis sur les retraites, qui sait exactement à quoi ressemblera cette réforme ? Est-ce que ça voudra dire des contraintes sur les employeurs en matière de pénibilité ou d'emplois des seniors ? On est prudents », temporise l'entourage de Geoffroy Roux de Bézieux.

L'organisation patronale cherche ainsi à mettre l'accent sur les difficultés concrètes des sociétés : « Nous sommes surtout occupés à aider les entreprises face au renouvellement des contrats d'électricité ». Une façon de tenter de passer à autre chose. Pas sûr toutefois que ce soit suffisant aux yeux du gouvernement, amer.