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Le prêt-à-porter traditionnel en pleine crise

Le prêt-à-porter traditionnel en pleine crise
Moins de cinq mois après la liquidation judiciaire subite de Camaïeu, Kookaï est en redressement judiciaire.

Photo AFP

publié le 2 février 2023 à 21h50.

L’activité du prêt-à-porter fait face depuis trois ans à une succession de problématiques d’autant plus compliquées à gérer quand les entreprises sont de longue date en difficulté.

Tempête autour du prêt-à-porter traditionnel pris entre les conséquences du Covid-19, la concurrence des ventes en ligne, les inquiétudes sur le pouvoir d’achat et l’essor du marché de la seconde main.

1 L’impact du covid-19

Si Kookaï est en redressement judiciaire - une annonce faite mercredi -, c’est selon l’entreprise en raison des « difficultés économiques que rencontre le secteur du prêt-à-porter en Europe, que la crise du Covid-19 n’a fait qu’accentuer ».

En France, la vente de textile a été classée en activité « non essentielle » lors des confinements de l’économie pour lutter contre l’épidémie. Les magasins ont dû garder porte close une bonne partie de 2020 et de 2021, pénalisant les entreprises qui réalisaient l’essentiel de leurs ventes en boutiques.

En outre les consommateurs se sont dans cette période massivement détournés de l'« équipement à la personne » : moins de sorties et d’événements festifs, plus de travail à domicile, allocation du budget aux vacances… De quoi grever les trésoreries.

2 Le poids de l’inflation

Pour l’habillement, la sortie de la pandémie ne signifie pas un retour à la situation d’avant Covid-19 : les ventes restent en 2022 près de 10 % inférieures à leur niveau de 2019, explique Gildas Minvielle, directeur de l’observatoire économique de l’Institut Français de la Mode (IFM). En cause : l’inflation. « Les distributeurs ont été contraints d’augmenter les prix, ce qui est toujours mauvais pour la consommation », poursuit-il.

« Il y a l’augmentation du coût de l’énergie, des loyers et salaires », mais aussi « le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) souscrits pendant la crise du Covid-19, ce qui réduit encore la rentabilité des commerces », abonde Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, fédération du commerce spécialisé. Et les consommateurs, qui subissent la hausse des prix du carburant, du chauffage ou de l’alimentation, ont tendance à ne pas dépenser beaucoup pour l’habillement : plutôt quelques jours de vacances ou un chariot de courses rempli qu’une virée en boutiques.

3 Boutiques versus ventes en ligne

Cela fait longtemps que les Français font moins les boutiques. Il manquait encore en 2022 15 % des clients en magasins par rapport à 2019, selon Emmanuel Le Roch. La dépense moyenne lors d’une visite en boutique a grossi, mais n’a pas non plus rattrapé le niveau d’avant covid. De fait, la fréquentation « baissait de l’ordre de 2 ou 3 % par an depuis une dizaine d’années » avant le Covid-19, les clients pouvant « mieux préparer leurs achats ou consommer directement en ligne ».

Là encore, les enseignes qui ne se sont pas suffisamment adaptées à l’»omnicanalité », c’est-à-dire à la capacité à combiner ventes en ligne et en boutiques, sont particulièrement pénalisées. De même pour celles qui n’ont pas suffisamment investi les réseaux sociaux, ou qui n’ont pas les capacités économiques de s’offrir de la publicité.

Selon une étude publiée par l’IFM et le panéliste Kantar en mai, un cinquième des ventes de vêtements en 2021 ont eu lieu en ligne, contre seulement 6 % en 2009. Cette étude chiffrait à 2,3 milliards le nombre d’articles de mode achetés sur l’année 2019, soit environ 46 unités par an et par personne.

4 Le milieu de gamme en souffrance

Autre tendance lourde, le milieu de gamme a de plus en plus de difficulté à exister. « Dans la mode, il faut des aspérités, être plus attractif que la concurrence », ce que les enseignes de cette catégorie ont plus de mal à faire, estime Gildas Minvielle. Cette tendance de consommation, également en vigueur dans l’alimentaire avec d’un côté une offre « discount » et de l’autre une offre plus haut-de-gamme, profite notamment aux « outlet » ou magasins de déstockage. Et, en ligne, à des acteurs de l’»ultra fast fashion », comme Shein, ciblant notamment les plus jeunes.

À noter toutefois : toutes les enseignes historiques ne sont pas en difficulté…

5 Montée en puissance de la seconde main

La seconde main est également en très forte croissance. Facilitée par des acteurs en ligne comme Vinted ou Le Bon Coin, elle doit son essor à des prix plus attractifs que le neuf, mais aussi à la prise de conscience progressive par les consommateurs de l’important poids écologique et sociétal de l’industrie textile, régulièrement stigmatisée par des associations de défense de la planète. En réaction, de plus en plus d’enseignes vendent des vêtements d’occasion en plus de leur offre habituelle de neuf.

Pimkie vendu, Go Sport France en redressement

L’enseigne de prêt-à-porter féminin Pimkie est sur le point d’être cédée par l’association familiale Mulliez (AFM) à un consortium alliant Lee Cooper France, Kindy et Ibisler Tekstil, un rachat qui entraînerait la suppression d’environ 500 postes, a-t-on appris jeudi auprès de sources syndicales et proche du dossier. L’enseigne emploie 1.500 salariés et compte 232 magasins en propre et 81 en affiliation. Les repreneurs « n’ont présenté aucun projet qui fait que Pimkie ira mieux demain. On continue à perdre de l’argent et autant la famille Mulliez avait les reins solides […] autant eux ne l’ont pas », regrette Marie-Annick Merceur, déléguée syndicale CFDT.
La société Go Sport France a été placée en redressement judiciaire, deux semaines après sa maison-mère le distributeur d’articles sportifs Groupe Go Sport, selon un jugement du tribunal de commerce de Grenoble rendu public jeudi.